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15/01/2021 | FRANCE | N°18LY01245

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 15 janvier 2021, 18LY01245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Les Châtaigniers a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 avril 2015 par laquelle le délégué régional de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) l'a constituée débitrice d'une somme de 139 926 euros au titre d'une subvention indûment perçue pour l'aménagement de quatre logements ainsi que d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 12 octobre 2015.

Par un jugement n° 1506199 du 14 février 2018, le

tribunal administratif de Lyon a annulé le titre exécutoire du 12 octobre 2015, a déchar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société civile immobilière (SCI) Les Châtaigniers a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 8 avril 2015 par laquelle le délégué régional de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) l'a constituée débitrice d'une somme de 139 926 euros au titre d'une subvention indûment perçue pour l'aménagement de quatre logements ainsi que d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 12 octobre 2015.

Par un jugement n° 1506199 du 14 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé le titre exécutoire du 12 octobre 2015, a déchargé la SCI Les Châtaigniers de l'obligation de reverser la somme de 139 926 euros et a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 8 avril 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 avril 2018, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), représentée par la SCP Seban et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 février 2018 et de rejeter les demandes de la SCI Les Châtaigniers ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Les Châtaigniers la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a annulé le titre exécutoire sans examiner la recevabilité de la demande enregistrée au greffe le 29 décembre 2015 et dirigée contre le titre exécutoire du 12 octobre 2015 ; or cette demande était tardive, a été introduite en méconnaissance de l'article R. 431-4 du code de justice administrative et était motivée par référence à la demande enregistrée au greffe le 8 juillet 2015 et dirigée contre la décision du 8 avril 2015 ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée et tirée de ce que la demande enregistrée le 8 juillet 2015 était tardive ;

- le jugement est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation de même que l'article 21 du règlement général de l'ANAH ont été méconnus ; c'est à tort que les premiers juges ont annulé le titre exécutoire et déchargé la SCI intimée de l'obligation de payer ; les subventions accordées par l'ANAH sont conditionnelles et ne créent pas de droit au profit de leurs bénéficiaires, lesquels ne sauraient invoquer un droit à paiement proportionnel en cas d'exécution partielle des travaux convenus ;

- la demande de la SCI Les Châtaigniers dirigée contre la décision du 8 avril 2015 est tardive et donc irrecevable ; elle n'est pas fondée compte tenu de ce qui a été dit au point précédent.

La SCI Les Châtaigniers, à qui la requête a été régulièrement notifiée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un courrier du 20 novembre 2020 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrégularité du jugement en ce que le tribunal a prononcé à tort un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 8 avril 2015, les conditions pour prononcer un non-lieu à statuer sur cette décision n'étant pas réunies.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'arrêté du 1er août 2014 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale de l'habitat ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour l'ANAH ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) a accordé une subvention d'un montant total de 207 575 euros à la SCI les Châtaigniers en vue de la réalisation de travaux d'amélioration de quatre logements répartis sur trois corps de bâtiments insalubres situés 14 rue Chazotte à la Talaudière dans la Loire. Deux acomptes, un premier de 101 712 euros, puis un second de 29 060 euros, ont été versés à la SCI en février et juin 2010. Par décision du 8 avril 2015, le représentant du délégué régional de l'ANAH a décidé le retrait de la subvention et le reversement des acomptes déjà versés en se fondant sur la circonstance que, le bénéficiaire de la subvention n'ayant pu justifier de la réalisation complète de son opération malgré la prorogation des délais accordée, la subvention était devenue caduque. Le 12 octobre 2015, l'ANAH a émis à l'encontre de la SCI Les Châtaigniers un titre de recettes pour un montant de 139 926 euros. L'ANAH relève appel du jugement du 14 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé le titre exécutoire du 12 octobre 2015, a déchargé la SCI Les Châtaigniers de l'obligation de reverser la somme de 139 926 euros et a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du 8 avril 2015.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Lyon a considéré que, dès lors que la SCI les Châtaigniers était déchargée par le jugement attaqué de l'obligation de payer la somme dont elle a été constituée débitrice, les conclusions de cette société dirigées contre la décision du 8 avril 2015 étaient devenues sans objet et qu'il n'y avait plus lieu d'y statuer. Toutefois, en l'espèce, l'annulation du seul titre exécutoire ne pouvait avoir pour effet d'entraîner la disparition de l'ordonnancement juridique de la décision du 8 avril 2015 de retrait et de reversement de la subvention. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les conclusions dirigées contre la décision 8 avril 2015 dont ils étaient saisis étaient devenues sans objet en conséquence du jugement attaqué et ont constaté qu'il n'y avait par suite pas lieu de statuer sur cette demande. Le jugement en date du 14 février 2018 doit, dès lors, être annulé sur ce point.

3. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de la SCI Les Châtaigniers dirigées contre la décision du 8 avril 2015 et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions présentées par la même société contre le titre exécutoire, devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 8 avril 2015 :

4. L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) a pour mission, dans les conditions régies par les articles R. 321-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, d'apporter des aides financières à des opérations destinées à améliorer les conditions d'habitabilité de logements anciens. Aux termes de l'article R. 321-18 du code de la construction de l'habitation : " La subvention est versée, sur déclaration d'achèvement de l'opération, après vérification de la conformité des opérations réalisées avec les caractéristiques du projet sur lesquelles la décision d'attribution a été fondée. (...) / (...) Si la décision d'attribution de la subvention est retirée ou annulée, l'avance déjà perçue donne lieu à remboursement dans les conditions prévues à l'article R. 321-21 ". Aux termes de l'article R. 321-19 de ce code : " Le règlement général de l'agence (...) fixe le délai dans lequel doit intervenir le commencement de l'opération ainsi que la liste des pièces que le bénéficiaire d'une subvention doit produire pour obtenir son versement et les délais dans lesquels ces pièces doivent être transmises à l'agence. Il fixe également les critères, conditions et limites dans lesquels ces délais peuvent être prolongés par l'autorité qui a octroyé l'aide, sur demande motivée du bénéficiaire de la subvention, notamment lorsque des circonstances extérieures à la volonté de l'intéressé ont fait obstacle à la réalisation de l'opération. En cas de non-respect de ces délais, éventuellement prolongés, la décision d'octroi de la subvention devient caduque et le bénéficiaire est tenu de rembourser les sommes déjà perçues. ". Aux termes de l'article R. 321-21 du même code : " (...) Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section (...). ". Il résulte de ces dispositions que les subventions conditionnelles accordées par l'ANAH ne créent de droits au profit de leurs bénéficiaires que pour autant que ceux-ci justifient, après l'achèvement des travaux, que les conditions imposées lors de l'attribution de l'aide se trouvent effectivement réalisées. Par ailleurs, l'aide étant accordée globalement pour un projet déterminé, le bénéficiaire ne saurait, dès lors, invoquer un droit à paiement proportionnel dans l'hypothèse d'exécution partielle des travaux.

5. Il ressort des pièces du dossier que la SCI Les Châtaigniers s'était engagée, en déposant sa demande de subvention le 17 novembre 2009, à justifier de l'exécution des travaux éligibles dans un délai de trois ans suivant la date de notification de la décision lui accordant la subvention. Ce délai a initialement couru à compter du 22 décembre 2009 mais, en raison des difficultés rencontrées par la société dans la réalisation des travaux, un délai supplémentaire de deux ans lui a été accordé, expirant ainsi le 22 décembre 2014. Par courrier du 27 janvier 2015, la société a, par l'intermédiaire de son conseil, confirmé le non-achèvement des travaux et a demandé un nouveau délai supplémentaire. Il est ainsi établi qu'à cette date la SCI Les Châtaigniers n'avait toujours pas justifié, ainsi qu'elle en avait pris l'engagement, de l'achèvement de l'opération bénéficiant de la subvention. Par ailleurs, et si, à la suite d'une visite sur place, le 1er février 2013, le représentant du délégué régional de l'ANAH a constaté que les travaux pour deux des logements du projet subventionné étaient terminés et que deux autres logements, situés dans un autre bâtiment, étaient encore à rénover, cette circonstance ne crée aucun droit, au profit de la société intimée, à un versement de la subvention au prorata des travaux partiels dont l'achèvement a ainsi été constaté. L'ANAH se trouvait ainsi fondée à constater la caducité des droits à subvention accordés à la SCI Les Châtaigniers et à retirer celle-ci dans son intégralité. Dès lors, la SCI Les Châtaigniers n'est pas fondée à soutenir que la décision du 8 avril 2015 portant retrait et reversement de la subvention qui lui avait été allouée, est entachée d'erreur d'appréciation ni à en demander l'annulation.

Sur les conclusions dirigées contre le titre exécutoire du 12 octobre 2015 :

6. La SCI Les Châtaigniers ne fait état d'aucun autre moyen au soutien de sa demande d'annulation du titre exécutoire en litige que celui tiré d'un droit à un versement au prorata des travaux effectivement réalisés. Dès lors, pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 4 et 5 du présent arrêt, l'ANAH est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ce titre exécutoire.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ANAH est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SCI Les Châtaigniers de l'obligation de reverser la somme de 139 926 euros et a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 8 avril 2015. L'ANAH est par suite fondée à demander l'annulation de ce jugement ainsi que, eu égard à ce qui a été dit aux points 2 à 6 du présent arrêt, le rejet de la demande de la SCI Les Châtaigniers dans toutes ses conclusions, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par l'ANAH.

Sur les frais liés au litige :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Les Châtaigniers, partie perdante, la somme que demande l'ANAH au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 février 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Les Châtaigniers devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par l'ANAH sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les Châtaigniers et à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre ;

M. Thierry Besse, président-assesseur ;

Mme C... B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2021.

N° 18LY01245

fp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01245
Date de la décision : 15/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

38-03-03-01 Logement. Aides financières au logement. Amélioration de l'habitat. Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP SEBAN ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-15;18ly01245 ?
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