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28/01/2021 | FRANCE | N°19LY02580

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 28 janvier 2021, 19LY02580


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

Par deux demandes distinctes, Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 4 septembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de l'Isère l'a licenciée, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux, et de condamner le département de l'Isère à lui verser des dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité fautive de son licenciement, d'autre part, d'annuler la dé

cision du 23 octobre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

Par deux demandes distinctes, Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 4 septembre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de l'Isère l'a licenciée, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux, et de condamner le département de l'Isère à lui verser des dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité fautive de son licenciement, d'autre part, d'annuler la décision du 23 octobre 2017 par laquelle le président du conseil départemental de l'Isère a retiré de son agrément d'assistante familiale à compter du 6 novembre 2017, ainsi que la décision implicite portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1706836-1802064 du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 juillet 2019, sous le numéro 19LY02580 et un mémoire enregistré le 12 juin 2020, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1706836-1802064 du 7 mai 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du président du conseil départemental de l'Isère du 23 octobre 2017 retirant son agrément d'assistante familiale, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Isère de lui délivrer un agrément d'assistante familiale dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du département de l'Isère la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête, qui est suffisamment motivée, est recevable ;

- la décision contestée de retrait d'agrément est entachée du vice d'incompétence ;

- elle repose sur des faits qui étaient prescrits et qui ne pouvaient pas donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires, en vertu des dispositions de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- au regard de la teneur du rapport de l'enquête administrative, la commission consultative paritaire départementale n'a pas rendu un avis éclairé ;

- les conditions dans lesquelles cette commission a rendu son avis sont irrégulières et l'ont, de ce fait, privée d'une garantie ;

- elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations ;

- elle n'a pas pu consulter l'intégralité de son dossier avant la séance de la commission consultative paritaire départementale, ni même après, la privant ainsi d'une garantie ;

- la convocation adressée aux membres de la commission consultative paritaire départementale ne comportait pas d'ordre du jour, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles ;

- la parité entre les représentants du département et ceux des assistants maternels et familiaux n'était pas assurée lors de la séance de la commission consultative paritaire départementale, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-27 du code de l'action sociale et des familles ;

- la présence et l'intervention, lors de la séance de la commission consultative paritaire départementale, de l'agent du département en charge de l'enquête administrative sont irrégulières et ont influencé le sens de l'avis rendu ;

- l'engagement par le département de la procédure de licenciement avant le retrait de l'agrément a influencé le sens de l'avis de la commission et l'a privée d'une garantie ;

- le règlement intérieur de la commission, prévu à l'article R. 421-34 du code de l'action sociale et des familles n'a pas été publié par le département et ne lui a pas été transmis, la privant ainsi d'une garantie ;

- la décision de retrait contestée repose sur des faits, issus d'un rapport hiérarchique, qui sont matériellement inexacts ;

- elle remplit les conditions nécessaires pour bénéficier d'un agrément en qualité d'assistante familiale de sorte que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation et est disproportionnée par rapport aux faits reprochés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 novembre 2019 et le 1er juillet 2020, le département de l'Isère, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable en ce qu'elle ne comporte aucun moyen dirigé contre le jugement attaqué et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 2 juillet 2019, sous le numéro 19LY02581, et un mémoire enregistré le 12 juin 2020, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1706836-1802064 du 7 mai 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du président du conseil départemental de l'Isère du 4 septembre 2017 prononçant son licenciement, ainsi que la décision du 20 octobre 2017 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de l'Isère de la réintégrer et de reconstituer ses droits sociaux, dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du département de l'Isère la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête, qui est suffisamment motivée, est recevable ;

- la décision attaquée ainsi que celle portant rejet de son recours gracieux sont entachées du vice d'incompétence ;

- la commission consultative paritaire n'a pas été saisie préalablement à son licenciement, en méconnaissance des dispositions de l'article 42-1 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas eu communication des éléments de son dossier et n'a pas pu présenter d'observations avant que son licenciement ne soit prononcé ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par des mémoires en défense enregistrés le 26 novembre 2019 et le 24 juin 2020, le département de l'Isère, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable en ce qu'elle ne comporte aucun moyen dirigé contre le jugement attaqué et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du travail ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- l'arrêté du 14 mars 2006 relatif au diplôme d'Etat d'assistant familial ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le département de l'Isère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... été engagée par le département de l'Isère le 1er février 2008 en qualité d'assistante familiale, pour laquelle elle était agréée depuis 2004. A ce titre, elle accueillait, depuis 2014, quatre enfants qui lui ont été confiés par les services sociaux de ce département. Par deux décisions, prises les 4 septembre et 23 octobre 2017, le président du conseil départemental de l'Isère a procédé, respectivement, à son licenciement pour insuffisance professionnelle puis au retrait de son agrément au motif que les conditions d'accueil des enfants posées à l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles n'étaient plus remplies. Par jugement du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes de Mme C... tendant à l'annulation de ces deux décisions ainsi que celles rejetant les recours gracieux formés par l'intéressée. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre, Mme C... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision de licenciement du 4 septembre 2017 et de la décision du 20 octobre 2017 rejetant le recours gracieux présenté contre ce licenciement :

2. En premier lieu, d'une part, au soutien de son moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision du 4 septembre 2017, Mme C... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges que la cour fait siens. D'autre part, lorsque, comme en l'espèce, est recherchée l'annulation à la fois d'une décision individuelle et du rejet du recours gracieux formé contre cette décision, les moyens tirés des vices propres entachant cette dernière décision ne peuvent être utilement invoqués au soutien de telles conclusions à fin d'annulation. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision rejetant le recours gracieux de Mme C... est inopérant et doit, en tout état de cause, être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 422-1 du code de l'action sociale et des familles : " Les assistants maternels et les assistants familiaux des collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale sont soumis aux dispositions du présent chapitre et aux dispositions des articles 16,19,31,37,38 et 41 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale. (...) ".

4. Si Mme C... soutient que le département de l'Isère n'a pas mis en oeuvre, avant de la licencier, les dispositions de l'article 42-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 138 de la loi du 28 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, en ce qu'elles lui imposaient de saisir pour avis la commission consultative paritaire avant de lui notifier la décision de licenciement, les dispositions de cet article ne sont pas applicables aux assistants familiaux, en vertu de l'article R. 422-1 du code de l'action sociale et des familles. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles, qui est applicable aux assistants familiaux employés tant par des personnes morales de droit privé que, en vertu de l'article L. 422-1, par des personnes morales de droit public, prévoit que : " L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. L'employeur qui décide de licencier un assistant maternel ou un assistant familial relevant de la présente section doit notifier et motiver sa décision dans les conditions prévues à l'article L. 1232-6 du code du travail. (...) ". Aux termes de ce dernier article : " Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. (...) ".

6. Il ressort de la lecture de la décision de licenciement en litige, qui rappelle les dispositions applicables, que Mme C... a fait l'objet d'un licenciement pour insuffisance professionnelle. La décision contestée, qui se réfère aux insuffisances dans la prise en charge des enfants qu'elle accueillait relevées dans le rapport hiérarchique du 4 juillet 2017 et aux échanges qui ont eu lieu lors de l'entretien préalable au licenciement du 27 juillet 2017, mentionne qu'ont été constatés des manquements répétés et des insuffisances dans la prise en charge assurée vis-à-vis de tous les enfants accueillis, une communication difficile avec les différents professionnels et que, malgré les formations suivies et les mesures d'accompagnement mises en place, l'intéressée n'a pas fait preuve de remise en cause de sa pratique professionnelle, les explications qu'elle a fournies mettant systématiquement en cause les autres professionnels. Ainsi, cette décision comporte l'énoncé des motifs retenus par l'employeur au soutien de la mesure de licenciement en cause, lesquels avaient au demeurant fait l'objet d'un rapport et d'une discussion lors de l'entretien préalable à ce licenciement qui ont permis à Mme C... de discuter utilement des griefs qui lui étaient reprochés.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été convoquée, par une lettre recommandée du 18 juillet 2017, à un entretien préalable prévu le 27 juillet suivant. Ce courrier l'informait notamment de la possibilité pour elle de présenter des observations lors de cet entretien ainsi que de se faire assister par un conseil de son choix. Il n'est pas contesté que les raisons de son probable licenciement ont été portées à sa connaissance lors de cet entretien, au cours duquel, contrairement à ce qu'elle allègue, elle a été en mesure, ainsi que le représentant syndical qui l'accompagnait, de formuler ses observations.

8. En cinquième lieu, en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier.

9. Mme C... a été informée, par ce même courrier du 18 juillet 2017, de la possibilité de consulter l'intégralité de son dossier individuel, ce qu'elle a fait le 26 juillet 2017. Mme C... n'établit pas que son dossier individuel aurait été incomplet en se bornant à affirmer que le rapport hiérarchique du 4 juillet 2017 n'y figurait pas. Au demeurant, d'une part, il ressort des mentions non contestées figurant sur le courrier du 18 juillet 2017 que ce rapport relatant les insuffisances reprochées à l'intéressée y était joint. D'autre part, Mme C... a, le 20 juillet 2017, interrogé un travailleur social sur le point de savoir s'il était ou non l'auteur d'une attestation annexée à ce rapport, établissant ainsi qu'elle avait eu, dès cette date, connaissance de ce rapport et de ses annexes.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 14 mars 2006 relatif au diplôme d'Etat d'assistant familial : " Le diplôme d'Etat d'assistant familial atteste les compétences professionnelles pour exercer les fonctions et activités telles que définies à l'annexe 1 " référentiel professionnel " du présent arrêté. ". Ce référentiel précise que " Le rôle de l'assistant familial est : - d'assurer permanence relationnelle, attention, soins et responsabilité éducative au quotidien de l'enfant, de l'adolescent ou du jeune majeur selon ses besoins ; - de favoriser l'intégration de l'enfant, de l'adolescent ou du jeune majeur en fonction de son âge et de ses besoins, de veiller à ce qu'il y trouve sa place (...). Le travail de l'assistant familial s'inscrit dans un projet éducatif global qui nécessite un ensemble d'interventions psycho-socioéducatives spécifique à chaque enfant, adolescent ou jeune majeur. En conséquence, l'assistant familial fait partie de l'équipe pluridisciplinaire d'accueil familial permanent et à ce titre participe aux réunions d'évaluation et/ou de synthèse sur la situation du ou des enfants accueillis ".

11. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la fugue, en avril 2016, du jeune B..., alors âgé de seize ans et accueilli par Mme C... depuis août 2011, le département de l'Isère a diligenté une enquête administrative, au cours de laquelle ont été recueillis des témoignages des différents intervenants dans la prise en charge des enfants confiés à la requérante, en particulier des travailleurs sociaux référents chacun de ces enfants, des personnels des établissements où ils sont scolarisés ainsi que de l'éducateur de l'un d'eux admis en hôpital de jour infanto-juvénile. Il ressort de l'ensemble de ces éléments issus de l'enquête administrative, sur laquelle le président du conseil départemental de l'Isère s'est appuyé pour prendre sa décision, que des insuffisances graves et répétées ont été relevées dans la pratique professionnelle de Mme C..., se traduisant par des carences dans l'entretien, notamment vestimentaire, des enfants accueillis, des négligences dans la dimension affective inhérente à la fonction d'assistant familial, une absence de soutien aux enfants dans leur éducation, leur apprentissage ainsi que dans leur suivi scolaire, des insuffisances dans la prise en charge de la santé des enfants, en particulier concernant le suivi des vaccinations obligatoires, la nécessité pour l'un des enfants de bénéficier d'un suivi orthophonique ou encore dans l'absence de soin apporté à la suite d'une blessure. Il ressort de cette même enquête que Mme C... a, en outre, fait preuve à plusieurs reprises d'un manque de disponibilité dans l'exercice de ses fonctions d'assistant familial et a entretenu des relations difficiles, voire conflictuelles, avec les autres professionnels de l'enfance, dont elle refusait de prendre en compte les demandes ou observations. Si Mme C... conteste certains reproches qui lui sont adressés, relatifs notamment au bien-être et à l'épanouissement des enfants accueillis, les pièces qu'elle produit ne sont pas de nature à remettre valablement en cause la pertinence de l'ensemble des constatations nombreuses exprimées de manière précise, récurrente et concordante par différents professionnels de l'enfance. Dans ces conditions, le président du conseil départemental de l'Isère a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que les insuffisances professionnelles de Mme C... constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Sur la légalité de la décision du 23 octobre 2017 décidant du retrait de l'agrément délivré à Mme C... et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux :

12. En premier lieu, s'agissant des moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué et de l'irrégularité de l'avis rendu par la commission consultative paritaire départementale du 13 octobre 2017, Mme C... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif de Grenoble sur son argumentation de première instance. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

13. En deuxième lieu, la décision par laquelle le président du conseil départemental de l'Isère a retiré l'agrément de Mme C... revêt le caractère d'une mesure de police administrative prise dans l'intérêt des enfants accueillis et non d'une sanction disciplinaire. Par suite, la requérante ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions du premier alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 instituant un délai de prescription d'une action disciplinaire.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles : " Lorsque le président du conseil départemental envisage de retirer un agrément, d'y apporter une restriction ou de ne pas le renouveler, il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l'article R. 421-27 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. L'assistant maternel ou l'assistant familial concerné est informé, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre, de la possibilité de consulter son dossier administratif et de présenter devant la commission ses observations écrites ou orales. (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été convoquée, par une lettre recommandée du 27 septembre 2017, à la séance de la commission consultative paritaire départementale du 13 octobre suivant, chargée d'émettre un avis sur le retrait envisagé de son agrément d'assistante familiale. Ce courrier l'informait de sa possibilité de présenter des observations écrites ou orales devant la commission, de se faire assister par un conseil de son choix et de consulter son dossier. La requérante a ainsi été régulièrement informée du droit à bénéficier de la consultation de son dossier. Il est constant que Mme C... n'a demandé à consulter son dossier, dans le cadre de la procédure tendant au retrait de son agrément, que le 24 octobre 2017, soit postérieurement à l'édiction de la décision contestée. La circonstance, au demeurant non établie, que le dossier qu'elle a consulté le 26 octobre 2017 n'aurait pas été complet est, par suite, sans incidence sur la légalité de la décision de retrait d'agrément du 23 octobre 2017. Le moyen soulevé ne peut, dès lors, qu'être écarté. Au surplus, alors, ainsi qu'il a été dit au point 9, que Mme C... avait consulté l'intégralité de son dossier individuel le 26 juillet 2017 et avait notamment eu connaissance, dès cette date, du rapport hiérarchique du 4 juillet 2017 ainsi que de ses annexes, il ressort des pièces versées par la requérante elle-même que le document intitulé " enquête administrative ", daté du 5 septembre 2017, est strictement identique au rapport hiérarchique en date du 4 septembre 2017.

16. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient Mme C..., la circonstance que l'un des nombreux témoignages annexés à l'enquête administrative soit anonyme n'est pas, par elle-même, de nature à avoir privé la commission consultative paritaire départementale de rendre son avis en toute connaissance de cause.

17. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la séance du 13 octobre 2017 de la commission consultative paritaire départementale, dont les mentions ne sont pas contestées, que Mme C..., ainsi que son conseil, ont pu présenter des observations devant cette commission. Ainsi, le moyen tiré de ce que la requérante n'aurait pas été mise à même de présenter des observations orales devant cette commission manque en fait. Au surplus, Mme C... a été entendue par sa hiérarchie à quatre reprises au cours des mois de décembre 2016 et janvier 2017 sur sa pratique professionnelle.

18. En sixième lieu, aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles : " Les représentants élus des assistants maternels et des assistants familiaux à la commission sont informés, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, des dossiers qui y seront examinés et des coordonnées complètes des assistants maternels et des assistants familiaux dont le président du conseil départemental envisage de retirer, restreindre ou ne pas renouveler l'agrément. Sauf opposition de ces personnes, ils ont accès à leur dossier administratif ".

19. Il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces versées en première instance par le département de l'Isère, que les membres de la commission consultative paritaire départementale ont été informés de la tenue de la commission le 13 octobre 2017, par courrier du 28 septembre 2017, auquel était joint une note de synthèse reprenant les coordonnées de Mme C... et les principaux motifs justifiant la procédure de retrait d'agrément. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la convocation adressée aux membres de la commission consultative paritaire départementale n'aurait pas respecté les dispositions de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles en ce qu'elle ne précisait pas l'ordre du jour de la séance doit être écarté.

20. En septième lieu, aux termes de l'article R. 421-27 du code de l'action sociale et des familles : " La commission consultative paritaire départementale, prévue par l'article L. 421-6, comprend, en nombre égal, des membres représentant le département et des membres représentant les assistants maternels et les assistants familiaux agréés résidant dans le département. Le président du conseil départemental fixe par arrêté le nombre des membres de la commission qui peut être de six, huit ou dix en fonction des effectifs des assistants maternels et des assistants familiaux agréés résidant dans le département ".

21. S'il résulte de ces dispositions que la règle de la parité s'impose pour la composition de la commission consultative paritaire départementale, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants du département et de représentants des assistants maternels et familiaux agréés résidant dans le département ne conditionne pas la régularité de la consultation de cette commission, dès lors que ni les dispositions précitées, ni aucune autre règle, ni enfin aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations de la commission consultative paritaire départementale à la présence en nombre égal de représentants du département et de représentants des assistants maternels et familiaux agréés. Dès lors, la seule circonstance que l'avis a été rendu dans une formation qui ne comportait pas ce jour-là à parité des représentants du département et des assistants maternels et familiaux agréés, n'est pas de nature à entacher l'avis émis d'irrégularité.

22. En huitième lieu, s'il ressort du procès-verbal de la réunion du 13 octobre 2017 de la commission consultative paritaire départementale qui a statué sur la situation de Mme C... que la commission a procédé à l'audition d'une représentante des services du département chargée de l'enquête administrative, celle-ci s'est bornée, en réponse aux questions de la présidente, à préciser des éléments factuels destinés à éclairer les membres de la commission et n'a pas participé aux délibérations. Il suit de là que l'audition de cet agent n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, exercé d'influence sur le sens de l'avis émis par les membres de la commission ni privé Mme C..., qui a assisté à cette audition, d'une garantie.

23. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. Un référentiel approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe les critères d'agrément. (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-6 de ce code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) ".

24. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, d'une part, et L. 423-10 de ce code, d'autre part, que les procédures d'agrément et de recrutement d'un assistant familial sont juridiquement indépendantes. Il suit de là que la procédure de licenciement de Mme C..., qui n'était pas subordonnée au retrait de son agrément, pouvait légalement être initiée avant celle tendant au retrait de son agrément. Ainsi, le vice de procédure invoqué doit être écarté.

25. En dixième lieu, le moyen tiré de ce que Mme C... aurait été privée d'une garantie au motif que le règlement intérieur de la commission consultative paritaire départementale, prévu par l'article R. 423-34, n'aurait pas été publié et ne lui a pas été notifié, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

26. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, le président du conseil départemental de l'Isère a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation ni se fonder sur des faits matériellement inexacts, retirer l'agrément de Mme C....

27. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par le département de l'Isère, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C..., la somme de 1 000 euros à verser au département de l'Isère au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Mme C... versera au département l'Isère une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au département de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.

2

N° 19LY02580,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02580
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-02-02 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Aide sociale à l'enfance.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SCP LAURE GERMAIN-PHION ET ESTELLE SANTONI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-01-28;19ly02580 ?
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