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09/02/2021 | FRANCE | N°19LY00870

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 09 février 2021, 19LY00870


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. J... I... L... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 mai 2016 par laquelle le directeur de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie a préempté différentes parcelles leur appartenant sur le territoire de la commune de Douvaine, ainsi que la décision du 13 septembre 2016 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1606571 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cou

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Par une requête, enregistrée le 1er mars 2019, et un mémoire en réplique, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. J... I... L... et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 mai 2016 par laquelle le directeur de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie a préempté différentes parcelles leur appartenant sur le territoire de la commune de Douvaine, ainsi que la décision du 13 septembre 2016 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1606571 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 20 juillet 2020, lequel n'a pas été communiqué, M. I... L... et autres, représentés par la SELARL Genesis Avocats, Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision de préemption du 20 mai 2016 et la décision de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le caractère exécutoire de la délibération du 14 novembre 2015 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Bas-Chablais a délégué le droit de préemption à son président n'est pas démontré ; la délégation au président n'ayant pas de caractère exécutoire, la subdélégation n'était pas possible, de sorte que la décision de préemption est entachée d'incompétence ;

- l'intérêt général de l'opération n'est pas justifié ; le développement du pôle économique de Douvaine ne revêt pas un caractère prioritaire ; le coût d'une réhabilitation serait très important ; le prix réel des terrains est bien supérieur à celui estimé par le service des Domaines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2019, l'établissement public foncier de la Haute-Savoie, représenté par la SELARL ADP Affaires Droit Public-Immobilier, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle émane de M. B... et Mme E... qui ne justifient d'aucun intérêt à agir ;

- les moyens soulevés sont infondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 21 juillet 2020 par une ordonnance du 18 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H... G..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me K..., substituant Me F..., pour M. I... L... et autres ainsi que celles de Me C... pour l'établissement public foncier de la Haute-Savoie ;

Considérant ce qui suit :

1. M. I... L... et autres relèvent appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie du 20 mai 2016 d'exercer le droit de préemption urbain sur des parcelles cadastrées section C n° 41, 596 et 598 leur appartenant, d'une superficie de 19 116 m², sur le territoire de la commune de Douvaine, ainsi que la décision du 13 septembre 2016 rejetant leur recours gracieux.

Sur la légalité de la décision de préemption du 20 mai 2016 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la communauté de communes du Bas-Chablais devenue compétente de plein droit en matière de droit de préemption urbain en vertu de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, a régulièrement délégué l'exercice de cette compétence à son président par une délibération du 14 novembre 2015. Par une décision du 12 mai 2016, ce dernier a lui-même délégué à l'établissement public foncier de la Haute-Savoie son droit de préemption en vue de l'acquisition des parcelles cadastrées section C n° 41, 596 et 598, objet de la déclaration d'intention d'aliéner. Pour soutenir que la décision de préemption en litige aurait été prise par une autorité incompétente, les requérants font valoir, sans autre précision, que la délibération du 14 novembre 2015 instituant le droit de préemption urbain sur le territoire notamment de la commune de Douvaine n'était pas exécutoire.

4. En vertu de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement.

5. Il ressort des mentions de la délibération du 14 novembre 2015, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'elle a été télétransmise en sous-préfecture le 20 novembre 2015. Cette délibération mentionne qu'elle fera l'objet de la publicité requise par l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme. Faute pour les requérants d'alléguer que tel n'aurait pas été le cas, le moyen tiré de l'incompétence de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie pour exercer le droit de préemption doit être écarté.

3.

4.

5.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ".

7. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement le droit de préemption urbain, les collectivités titulaires de ce droit doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

8. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté par les requérants que l'exercice par l'établissement public foncier de la Haute-Savoie du droit de préemption urbain est motivé par la constitution de réserves foncières en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. La communauté de communes du Bas-Chablais poursuit en effet sur le " secteur des Niollets " au sein duquel sont situées les parcelles préemptées, et qui a fait l'objet d'une orientation d'aménagement et de programmation n° 5 dans le cadre de la modification n° 1 du PLU de Douvaine approuvée en 2014, une politique d'acquisitions foncières en vue de l'extension de la zone d'activité économique (ZAE) intercommunale des Niollets 2. Le projet a fait l'objet, postérieurement à la décision de préemption en litige, d'une déclaration d'utilité publique (DUP) prononcée par un arrêté préfectoral du 16 décembre 2016. Si, au moment de la rédaction du schéma de cohérence territoriale en 2012, la ZAE des Bracots, proche de celle des Niollets, constituait la zone prioritaire de développement, et alors même qu'il existerait dans cette zone des espaces encore mobilisables pour son extension, la zone des Niollets est bien identifiée comme une des zones d'importance intercommunales reconnues par le schéma de cohérence territoriale en 2012. Ce document nouvellement arrêté le 14 février 2019 confirme d'ailleurs que la zone des Niollets fait toujours partie des " zones d'activités économiques prioritaires ". Les requérants soutiennent en outre que l'actuelle ZAE est marquée par une forte hétérogénéité des constructions et de leurs destinations et invoquent le coût prohibitif d'une requalification de la zone ainsi que les difficultés pratiques pour faire partir les entreprises et résidents installés sur cette zone. Les requérants portent ainsi inutilement leur critique sur l'utilité publique de l'opération et non pas sur l'intérêt s'attachant à la préemption en litige dont ils invoquent au demeurant, non le caractère excessif, mais l'insuffisance du prix d'acquisition. En tout état de cause, si la notice de présentation produite dans le dossier d'enquête publique préalable à la DUP indique que la communauté de communes du Bas-Chablais poursuit, à terme, l'objectif de requalification de la zone existante, le projet en litige porte principalement sur son extension permettant l'implantation de nouvelles entreprises. M. I... L... et autres ne contestent pas sérieusement qu'un tel projet, qui ne concentre pas à lui seul l'objectif du schéma de cohérence territoriale en la matière, est générateur d'emplois et d'attractivité territoriale. Les éléments dont les requérants font ainsi état ne suffisent pas pour établir que le projet d'aménagement en litige ne présenterait pas un intérêt général suffisant de nature à justifier légalement l'exercice du droit de préemption urbain.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par l'établissement public foncier de la Haute-Savoie, que M. I... L... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les requérants demandent au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge de l'établissement public foncier de la Haute-Savoie, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. I... L... et autres le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'établissement public foncier de la Haute-Savoie.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. I... L... et autres est rejetée.

Article 2 : M. I... L... et autres verseront la somme de 2 000 euros à l'établissement public foncier de la Haute-Savoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... I... L... et à l'établissement public foncier de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme H... G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021.

2

N° 19LY00870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00870
Date de la décision : 09/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : Mme DEAL
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL GENESIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-02-09;19ly00870 ?
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