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01/04/2021 | FRANCE | N°19LY00527

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 01 avril 2021, 19LY00527


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Cosi Immobilier a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 du fait de la réintégration à ses résultats de commissions reversées à sa société mère, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice adm

inistrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Par un jugement n° 1706053 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Cosi Immobilier a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 du fait de la réintégration à ses résultats de commissions reversées à sa société mère, ainsi que des pénalités correspondantes, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Par un jugement n° 1706053 du 11 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 février 2019, la SARL Cosi Immobilier, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 du fait de la réintégration à ses résultats de commissions reversées à sa société mère, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle produit des éléments justifiant de la réalité et de la valeur des prestations immatérielles effectuées pour elle par la société suisse COSI SA ;

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve d'un acte anormal de gestion ni ne démontre que les commissions versées seraient excessives.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que l'administration fiscale a pu, à bon droit, après avoir remis en cause la réalité des prestations, réintégrer dans les résultats de la SARL Cosi Immobilier, sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts, les sommes correspondant à des rémunérations excessives et sans intérêt pour elle versées à la société COSI SA à l'occasion de certaines transactions immobilières, consentant ainsi un avantage à son actionnaire sans contrepartie.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 9 septembre 1966 entre la République française et la Confédération suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur le fortune, publiée par décret n° 67-879 du 13 septembre 1967 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Cosi Immobilier, dont le capital est détenu en totalité par la société de droit suisse Compagnie de Services Immobiliers SA (Cosi SA), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, lui ont été notifiées selon proposition de rectification contradictoire du 9 décembre 2014. La SARL Cosi Immobilier demande à la cour d'annuler le jugement du 11 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 du fait de la réintégration à ses résultats de commissions reversées à sa société mère, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (...) ". Aux termes de l'article 9 de la convention visée ci-dessus du 9 septembre 1966 entre la République française et la Confédération suisse : " Lorsque : / a) Une entreprise d'un Etat contractant participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d'une entreprise de l'autre Etat contractant, ou que / b) Les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d'une entreprise d'un Etat contractant et d'une entreprise de l'autre Etat contractant, et que, dans l'un et l'autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions acceptées ou imposées qui diffèrent de celles qui seraient conclues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été obtenus par l'une des entreprises, mais n'ont pu l'être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence ". Ces dernières stipulations permettent à l'administration fiscale française de faire application des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts.

3. Ces dispositions instituent, dès lors que l'administration établit l'existence d'un lien de dépendance et d'une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices, qui ne peut utilement être combattue par l'entreprise imposable en France qu'à charge, pour celle-ci, d'apporter la preuve que les avantages qu'elle a consentis ont été justifiés par l'obtention de contreparties favorables à sa propre exploitation. Par suite, la société Cosi Immobilier n'est pas fondée à se prévaloir des règles de dévolution de la charge de la preuve applicables en matière de déductibilité des charges.

4. En l'espèce, la société Cosi Immobilier a conclu le 17 août 2010 une convention de prestation de services avec la société Cosi SA afin, selon son préambule, de permettre à la SARL Cosi Immobilier de faire la promotion en Suisse de son portefeuille d'immeubles situés en France grâce au développement par Cosi SA d'une plateforme internet de qualité, le recours à un personnel qualifié et la mise à disposition de son réseau de prospects. L'article 1er de cette convention stipule qu'elle a pour objet la mise à disposition d'une plateforme informatique aux fins de mettre en ligne les immeubles, la promotion et le marketing des immeubles, ainsi que l'acquisition et l'apport de clients. La liste exhaustive des services que la société Cosi SA s'engage à fournir, figurant en annexe, comporte des prestations informatiques, publicitaires, téléphoniques, financières et bancaires, commerciales, ainsi que des prestations de marketing et de formation. Ainsi que le reconnaît la société Cosi Immobilier dans ses écritures, les prestations ainsi prévues à la charge de la société Cosi SA ont pour principale finalité l'apport de prospects nouveaux afin de trouver des acquéreurs, cohérente avec le niveau de rémunération contractuellement prévu, correspondant, conformément aux usages de la profession en cas de partage entre deux agences du mandat de recherche et du mandat de vente, à 50% de la commission hors taxes perçue par la société requérante. Cette rémunération est toutefois due par la société requérante à l'occasion de chaque vente conclue devant notaire, indépendamment de l'origine de l'acquéreur.

5. Pour qualifier la rémunération versée à l'occasion de certaines transactions de transfert indirect de bénéfices, l'administration a d'abord relevé, sans être contredite sur ce point, que certaines ventes, limitativement énumérées en annexes 1, 2 et 3 de la proposition de rectification, ont donné lieu à la fois au reversement à la société Cosi SA de 50% de la commission, mais également au versement à des salariés ou partenaires de la société Cosi Immobilier d'une partie de la commission contractuellement due lorsque l'intéressé apporte à la fois le mandat de vente et le mandat de recherche. L'administration a également relevé que certaines ventes avaient donné lieu à un partage de la commission avec des agences tierces. En se bornant à produire un avoir de la société Cosi SA au titre de commissions de l'année 2012, qui ne précise pas à quelles ventes il se rapporte, la société Cosi Immobilier ne conteste pas utilement n'avoir ainsi perçu, sur certaines ventes, qu'une rémunération nulle voire négative. Il n'est pas non plus contesté que d'autres prestations contractuellement prévues à la charge de la société Cosi SA, telles que le démarchage téléphonique, n'ont pas davantage été réalisées. Il ressort enfin des éléments transmis par les autorités fiscales suisses, pas davantage contredits, que la société Cosi SA, dissoute en 2008, n'avait repris une activité que depuis trois mois à la date de création de la société Cosi Immobilier, et ne pouvait donc disposer d'un réel réseau en Suisse, que son chiffre d'affaires sur les années en litige est presque exclusivement constitué des commissions reversées par sa filiale, et qu'elle n'a d'ailleurs déclaré que des pertes au titre de ces mêmes années, qu'elle ne dispose pas de locaux en Suisse, étant domiciliée au cabinet d'expertise comptable au sein duquel exerce son gérant, également gérant de la filiale, qu'elle n'a consacré qu'entre 0,25 et 4% environ de son chiffre d'affaires à des dépenses de publicité et marketing au cours des années 2011 et 2012, et que son bilan ne fait apparaître aucune immobilisation de matériel informatique. L'administration fiscale établit ainsi le caractère excessif de la rémunération acceptée par la société Cosi Immobilier au regard de la réalité des prestations prétendument assurées par la société Cosi SA, et par conséquent la réalité d'une pratique entrant dans les prévisions de l'article 57 du code général des impôts.

6. La société Cosi Immobilier n'apporte pas la preuve que l'avantage ainsi consenti serait justifié par des contreparties favorables pour sa propre exploitation, en se bornant à se prévaloir de tâches de référencement informatique réalisées sur le site de la société Cosi SA, à supposer même qu'elles n'aient pu être accomplies par ses propres salariés, dont la convention du 17 août 2010 prévoyait la formation à ces tâches, de quelques courriers électroniques entre certains acheteurs et la société Cosi SA, ou encore de fichiers de " mailing ", lesquels comportent au demeurant de très nombreux messages émanant du prestataire indépendant travaillant avec la société Cosi Immobilier, et non des salariés de la société Cosi SA. L'administration fiscale fait au demeurant également valoir sans contradiction utile que la proportion des clients de la société Cosi Immobilier établis en Suisse n'excède pas 10%.

7. Il résulte de tout ce qui précède, aucun moyen distinct n'étant dirigé contre les pénalités appliquées, que la SARL Cosi immobilier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Cosi immobilier la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Cosi Immobilier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cosi Immobilier et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2021.

2

N° 19LY00527

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00527
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-083 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Relations entre sociétés d'un même groupe.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ROUGET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-01;19ly00527 ?
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