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01/04/2021 | FRANCE | N°20LY00891

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 01 avril 2021, 20LY00891


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2018 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination, et d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour pluriannuel ou une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", subsidiairement de réexaminer sa demande.

Par jugemen

t n° 1902237 lu le 3 décembre 2019, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2018 par lequel le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination, et d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour pluriannuel ou une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", subsidiairement de réexaminer sa demande.

Par jugement n° 1902237 lu le 3 décembre 2019, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 2 mars 2020, Mme B..., représentée par Me A... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 7 décembre 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire sous trente jours et fixation du pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Loire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant-élève " dans le délai d'un mois, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois après remise d'un récépissé ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il méconnaît les droits de la défense en l'absence de convocation personnelle ;

- sa requête devant le tribunal n'était pas tardive ;

- le refus de séjour en litige est entaché d'incompétence de son signataire et insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les stipulations de la convention du 31 juillet 1993, en ce qu'il repose sur les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence et est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la fixation du pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

Par mémoire enregistré le 24 avril 2020, le préfet de la Loire conclut, tout en acquiesçant à l'annulation du jugement attaqué, conclut au rejet de la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- la tardiveté de la demande a été opposée irrégulièrement ;

- le refus de séjour en litige aurait pu être pris sur le fondement de la convention de 1993 entre le gouvernement français et la République du Congo et il y a lieu de substituer cette base légale au code de l'entrée et du séjour des étrangers qu'il a appliqué ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950;

- la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément (...) ". Aux termes de l'article R. 441-1 du même code : " Les parties peuvent, le cas échéant, réclamer le bénéfice de l'aide juridictionnelle prévue par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ". Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 susvisé, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'une action en justice (...) doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance (...), l'action (...) est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice (...) est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; c) De la date à laquelle le demandeur à l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande (...) d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ". En vertu de l'article 39 du même décret, lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle relative à une instance est présentée avant l'expiration du délai de recours contentieux, ce délai est interrompu.

2. En raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 alors applicables selon lesquelles le délai de recours contentieux est interrompu par une demande d'aide juridictionnelle et recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été notifié à Mme B... à l'adresse indiquée aux services de la préfecture, par pli recommandé distribué le 17 décembre 2018. Mme B... établit, par des pièces produites pour la première fois en appel, avoir présenté une demande d'aide juridictionnelle au tribunal judiciaire de Saint-Etienne par lettre recommandée du 12 janvier 2019, reçue le 14 janvier 2019. Une telle demande, alors même qu'elle a été présentée devant un bureau d'aide juridictionnelle incompétent, a interrompu le délai de recours. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2019 notifiée par courrier daté du 22 février 2019. Par suite, la requête présentée pour Mme B... devant le tribunal administratif et enregistrée le 22 mars 2019 n'est pas tardive. Le jugement attaqué est ainsi entaché d'irrégularité et doit être annulé.

4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur le moyen commun aux décisions contestées :

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été signé par M. Gérard Lacroix, secrétaire général de la préfecture de la Loire, qui a reçu délégation à cet effet par arrêté du préfet de la Loire du 14 février 2018, publié au recueil spécial des actes administratifs du même jour. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit donc être écarté.

Sur le refus de séjour :

6. En premier lieu, le refus de séjour en litige comporte les motifs de droit et de faits qui le fonde. Il est ainsi suffisamment motivé.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 susvisée : " Pour un séjour de plus de trois mois, les ressortissants français à l'entrée sur le territoire congolais et les ressortissants congolais à l'entrée sur le territoire français doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation. " Aux termes de l'article 10 de cette convention : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants congolais doivent posséder un titre de séjour (...) / Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil. " Selon l'article 13 de la même convention : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. " Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". (...) ".

8. Il ressort des stipulations précitées de l'article 13 de la convention franco-congolaise que l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants de la République du Congo désirant poursuivre leurs études en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention. Par suite, la décision attaquée de refus de renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Toutefois, ainsi que le préfet le soutient en défense, la décision en litige trouve un fondement légal dans les stipulations de l'article 4 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993. Ces stipulations peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles le préfet de la Loire s'est fondé, dès lors, en premier lieu, que Mme B... se trouvait dans la situation où en application de l'article 4 de la convention précitée le préfet pouvait décider de lui refuser le titre de séjour sollicité faute de la justification d'un visa de long séjour dès lors qu'elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour postérieurement à la durée de validité de ce dernier soit au 17 septembre 2018, et, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver Mme B... d'aucune garantie, enfin, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions.

10. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., depuis son entrée sur le territoire français en 2016 a été inscrite pendant trois années consécutives en première année de licence de droit à l'université Jean Monnet de Saint-Etienne, et ne conteste pas avoir échoué à chacune de ses années sans apporter le moindre élément probant, notamment d'ordre médical ou personnel, permettant de remettre en cause l'absence de caractère sérieux dans le suivi de ses études retenu par le préfet. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Loire en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant, aurait méconnu les stipulations précitées de la convention franco-congolaise précitée.

11. En dernier lieu et en l'absence de demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de ce que le refus de séjour méconnaîtrait ces dispositions est inopérant et doit être écarté à ce titre.

Sur l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination :

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne,(...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) / (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ". Compte tenu de ces dispositions, l'obligation de quitter le territoire français opposée à Mme B... suite au refus de titre de séjour précité, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de ce dernier, lequel ainsi qu'il a été dit, est suffisamment motivé.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Mme B... est entrée sur le territoire français à l'âge de vingt ans, moins de deux années et demi avant l'arrêté en litige. Si elle entend justifier de la présence d'une cousine et d'une tante sur le territoire français, elle n'est toutefois pas dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où elle avait d'ailleurs vocation à retourner après l'accomplissement de ses études.

14. En dernier lieu, en raison de l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de ce que la fixation du pays de destination est dépourvue de base légale doit être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2018 pris à son encontre par le préfet de la Loire portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Les conclusions de sa requête d'appel tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte qu'elle présente ainsi que celles formulées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902237 lu le 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.

N° 20LY00891 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00891
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : MBOTO Y'EKOKO NGOY JEAN-PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-01;20ly00891 ?
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