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15/04/2021 | FRANCE | N°19LY01223

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 15 avril 2021, 19LY01223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Association pour la Restauration et la Protection de l'Environnement Naturel du Tonnerrois (Arpent), l'Association de Défense de l'Environnement et de la Nature de l'Yonne (ADENY), le Collectif d'action des Trois Vallées (C3V), M. J... L..., Mme A... D..., Mme I... H..., Mme F... E..., et M. C... G... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le récépissé de déclaration signé le 24 septembre 2015 par le préfet de l'Yonne au profit de la SAS France Industries Energies pour l'exploitation d'u

ne unité de cogénération biomasse sur le territoire de la commune de To...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Association pour la Restauration et la Protection de l'Environnement Naturel du Tonnerrois (Arpent), l'Association de Défense de l'Environnement et de la Nature de l'Yonne (ADENY), le Collectif d'action des Trois Vallées (C3V), M. J... L..., Mme A... D..., Mme I... H..., Mme F... E..., et M. C... G... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le récépissé de déclaration signé le 24 septembre 2015 par le préfet de l'Yonne au profit de la SAS France Industries Energies pour l'exploitation d'une unité de cogénération biomasse sur le territoire de la commune de Tonnerre.

Par un jugement n° 1701226 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 mars 2019, et deux mémoires enregistrés les 22 mars 2021 qui n'ont pas été communiqués, les associations Arpent, ADENY, C3V, M. J... L..., Mme A... D..., Mme K... B..., Mme I... H..., Mme F... E..., et M. C... G..., représentés par Me Magarinos-Rey, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 22 janvier 2019 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le récépissé de déclaration signé le 24 septembre 2015 par le préfet de l'Yonne au profit de la SAS France Industries Energies pour l'exploitation d'une unité de cogénération biomasse sur le territoire de la commune de Tonnerre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacune des associations requérantes, et la somme de 500 euros à chacun des requérants personne physique, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le dossier de permis de construire de l'installation mentionne l'utilisation de combustibles relevant du régime de l'autorisation ;

- compte tenu de la puissance d'installation, la centrale biomasse aurait dû être soumise au régime de l'autorisation ;

- en raison du lien de connexité entre la centrale biomasse et les serres, le dossier de déclaration aurait dû contenir une présentation des serres agricoles ;

- en l'absence de dépôt simultané de la déclaration au titre des installations classées pour la protection de l'environnement et de la demande de permis de construire, le récépissé de déclaration a été délivré au terme d'une procédure irrégulière ;

- en utilisant comme matériaux combustibles des bois nécessitant un déferraillage, tels que les bois de classe B, la centrale biomasse rejettera nécessairement des émanations toxiques, contenant notamment de la dioxine. Ces émanations portent atteinte à la santé et à la salubrité publiques et exigent que l'installation soit soumise au régime de l'autorisation ;

- l'installation porte atteinte à la protection de la nature et de l'environnement.

Par un mémoire enregistré le 7 août 2019, la SAS France Industries Energies, représentée par Me Hercé, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que les requérants soient solidairement condamnés à lui verser une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants ne justifient d'aucun intérêt à agir ;

- pour l'application de l'article R. 512-48 du code de l'environnement, le préfet ne devait prendre en compte que la seule indication du dossier concernant le fait que la biomasse utilisée serait composée de " bois énergie et plaquettes forestières ", correspondant à la rubrique 2910 A de la nomenclature ;

- elle n'a pas minoré la puissance de l'installation déclarée pour échapper au régime plus contraignant de l'autorisation d'exploiter ;

- l'existence de liens de connexité entre les serres et l'installation de cogénération n'est pas établie ;

- elle a déposé sa demande de permis de construire le 30 juillet 2015 et sa déclaration le 16 septembre 2015, de sorte que le préfet était bien à même d'avoir connaissance de la demande de permis de construire au moment où il examinait la déclaration déposée au titre des installations classées ;

- les moyens tirés de l'importance des nuisances que provoquerait un établissement soumis à déclaration sont inopérants ;

- en tout état de cause le risque d'atteinte à la santé et à la salubrité publique n'est pas démontré ;

- il en est de même des risques sur la nature et l'environnement.

Par un mémoire enregistré le 29 janvier 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la circonstance que le dossier de demande de permis de construire mentionnerait des plaquettes forestières et refus de pulpeur, bois de classe B visé au b) (v) de la définition de la biomasse, activité soumise au régime de l'autorisation au titre de la rubrique 2910 B 2.b) est sans incidence sur la régularité de la procédure, compte tenu du principe d'indépendance des législations ;

- les requérants n'établissent pas que le pétitionnaire aurait volontairement minoré la puissance thermique nominale de l'installation ;

- les dispositions législatives et réglementaires invoquées par les requérants ne sont pas applicables à l'installation litigieuse et à son éventuel lien de connexité avec les serres ;

- la demande de permis de construire ayant été déposée le 30 juillet 2015, soit plusieurs semaines avant la déclaration du 16 septembre 2015, les exigences de l'article L. 512-15 du code de l'environnement n'ont donc pas été méconnues ;

- le préfet se trouvant en situation de compétence liée pour délivrer le récépissé en litige, les autres moyens soulevés contre cette décision sont inopérants ;

- en tout état de cause, les moyens tirés de l'atteinte à la santé et à la salubrité publiques et de l'atteinte à l'environnement ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2012-384 du 20 mars 2012 modifiant la nomenclature des installations classées ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 septembre 2015, le préfet de l'Yonne a délivré à la SAS France Industries Energies, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, un récépissé de sa déclaration pour l'exploitation d'une unité de cogénération biomasse sur le territoire de la commune de Tonnerre au titre de la rubrique 2910 A de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement. Les associations Arpent, ADENY, C3V, M. J... L..., Mme A... D..., Mme K... B..., Mme I... H..., Mme F... E..., et M. C... G... relèvent appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce récépissé de déclaration.

2. L'article L. 512-8 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige dispose que : " Sont soumises à déclaration les installations qui, ne présentant pas de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1, doivent néanmoins respecter les prescriptions générales édictées par le préfet en vue d'assurer dans le département la protection des intérêts visés à l'article L. 5111 ". L'article R. 512-47 du même code dans sa rédaction applicable au litige dispose que : " I. La déclaration relative à une installation doit être adressée, avant la mise en service de l'installation, au préfet du département dans lequel celle-ci doit être implantée. II. La déclaration mentionne : 1° S'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms et domicile et, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du signataire de la déclaration ; 2° L'emplacement sur lequel l'installation doit être réalisée ; 3° La nature et le volume des activités que le déclarant se propose d'exercer ainsi que la ou les rubriques de la nomenclature dans lesquelles l'installation doit être rangée ; 4° Si l'installation figure sur les listes mentionnées au III de l'article L. 414-4, une évaluation des incidences Natura 2000. III. Le déclarant doit produire un plan de situation du cadastre dans un rayon de 100 mètres et un plan d'ensemble à l'échelle de 1/200 au minimum, accompagné de légendes et, au besoin, de descriptions permettant de se rendre compte des dispositions matérielles de l'installation et indiquant l'affectation, jusqu'à 35 mètres au moins de celle-ci, des constructions et terrains avoisinants ainsi que les points d'eau, canaux, cours d'eau et réseaux enterrés. Le mode et les conditions d'utilisation, d'épuration et d'évacuation des eaux résiduaires et des émanations de toute nature ainsi que de gestion des déchets de l'exploitation sont précisés. La déclaration mentionne, en outre, les dispositions prévues en cas de sinistre. L'échelle peut, avec l'accord du préfet, être réduite au 1/1 000. IV. La déclaration et les documents ci-dessus énumérés sont remis en triple exemplaire ". Aux termes de l'article R. 512-48 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Si le préfet estime que l'installation projetée n'est pas comprise dans la nomenclature des installations classées ou relève du régime de l'autorisation ou de l'enregistrement, il en avise l'intéressé. / Lorsqu'il estime que la déclaration est en la forme irrégulière ou incomplète, le préfet invite le déclarant à régulariser ou à compléter sa déclaration ". Enfin, selon l'article R. 512-49 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Le préfet donne récépissé de la déclaration et communique au déclarant une copie des prescriptions générales applicables à l'installation (...) ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point précédent que, saisi par un exploitant d'une déclaration au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, le préfet doit vérifier que l'installation pour laquelle est déposée la déclaration relève bien de ce régime, qu'elle est régulière en la forme et complète. Si tel est le cas, le préfet est tenu de délivrer le récépissé de déclaration.

4. En premier lieu, il ressort du formulaire de déclaration déposé par la SAS France Industries Energies, qu'elle indiquait clairement que la biomasse utilisée serait composée de " bois énergie et plaquettes forestières " dont l'utilisation relève du régime de la déclaration si la puissance thermique nominale de l'installation est inférieure à 20 MW. Les requérants font valoir que cette donnée diffère de celle qui figure dans le dossier de demande de permis de construire relatif à l'installation litigieuse qui mentionne, parmi les combustibles devant être stockés " Bois de classe B, plaquettes forestières et refus de pulpeur ", dont l'utilisation relève du régime de l'autorisation. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas des dispositions de l'article 512-15 du code de l'environnement qui prévoient que la demande de déclaration est déposée en même temps que la demande de permis de construire, que le pétitionnaire serait tenu de faire figurer sa demande de permis de construire dans le dossier de déclaration. Dès lors, et eu égard au principe d'indépendance des législations, le préfet n'était pas tenu d'examiner le dossier de demande de permis de construire pour vérifier si le projet litigieux relevait du régime de la déclaration ou de celui de l'autorisation.

5. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le déclarant a frauduleusement minimisé la puissance maximale de l'installation de combustion dans son dossier afin d'échapper au régime de l'autorisation. Toutefois, contrairement à ce qu'ils prétendent, il ne résulte ni des dispositions précitées de l'article R. 512-47 du code de l'environnement, qui précisent de manière limitative les justificatifs devant être fournis à l'appui de la déclaration, ni d'aucune autre disposition, qu'une attestation du constructeur garantissant la puissance thermique de l'unité de cogénération biomasse doive figurer parmi ces justificatifs. Par ailleurs, les requérants, ainsi qu'il a été dit précédemment concernant le principe d'indépendance des législations, ne peuvent utilement se prévaloir des éléments contenus dans la notice hygiène et sécurité annexée à la demande de permis de construire. Enfin, les requérants se prévalent du compte-rendu d'une réunion d'information sur le projet, organisée par la communauté de communes, mentionnant une production énergétique de l'installation de 19 MW ainsi qu'une production électrique de 5 MWe. Toutefois, cette puissance électrique ne pouvant être prise en compte dans le calcul de la puissance thermique de l'installation, dont elle est distincte, les requérants n'établissent pas que l'installation dépasserait la puissance thermique nominale annoncée de 19,9 MW et qu'elle relèverait de ce fait, du régime de l'autorisation.

6. En troisième lieu, pour soutenir qu'en raison du lien de connexité existant entre la centrale biomasse et les serres agricoles devant être installées à proximité, le dossier de déclaration aurait dû contenir une présentation de l'ensemble de ces installations, les requérants se prévalent des dispositions alors en vigueur de l'article R. 512-32 du code de l'environnement selon lesquelles : " Les prescriptions prévues aux articles R. 512-28 à R. 512-31 s'appliquent aux autres installations ou équipements exploités par le demandeur qui, mentionnés ou non à la nomenclature, sont de nature, par leur proximité ou leur connexité avec une installation soumise à autorisation, à modifier les dangers ou inconvénients de cette installation ". Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, la centrale de cogénération biomasse relève du régime de la déclaration. Par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 512-32 du code l'environnement qui s'appliquent lorsqu'est concernée une installation soumise à autorisation.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 512-15 du code de l'environnement : " L'exploitant est tenu d'adresser sa demande d'autorisation ou sa déclaration en même temps que sa demande de permis de construire (...) ". Il résulte de ces dispositions que la production de la justification de la demande de permis de construire a pour objet d'assurer la coordination de la procédure d'instruction de ce permis et de l'autorisation ou de la déclaration d'installation classée. La circonstance que la demande de permis de construire de la centrale biomasse a été déposée le 30 juillet 2015, alors que la déclaration a été présentée le 16 septembre 2015, est sans influence sur la légalité du récépissé de cette déclaration, dès lors que, comme en l'espèce, cette justification a été apportée avant la signature de ce récépissé.

8. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, le dossier devant être regardé comme complet, le préfet était en situation de compétence liée pour délivrer à la SAS France Industries Energies un récépissé de cette déclaration. Par suite, les moyens invoqués par les requérants tirés de l'atteinte à la santé et à la salubrité publiques et de l'atteinte à la protection de la nature et de l'environnement doivent être écartés comme inopérants.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que les requérants demandent sur leur fondement soient mises à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions du même article, de mettre à la charge solidaire des requérants le versement d'une somme de 2 000 euros à la SAS France Industries Energies au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'Association pour la Restauration et la Protection de l'Environnement Naturel du Tonnerrois et autres est rejetée.

Article 2 : Les associations Arpent, ADENY et C3V, M. J... L..., Mme A... D..., Mme K... B..., Mme I... H..., Mme F... E... et M. C... G... verseront solidairement une somme de 2 000 euros à la SAS France Industries Energies au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux associations Arpent, ADENY, C3V, à M. J... L..., à Mme A... D..., à Mme K... B..., à Mme I... H..., à Mme F... E..., à M. C... G..., à la SAS France Industries Energies et à la ministre de la transition écologique. Il en sera adressé copie au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme M..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

2

N° 19LY01223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01223
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP BOIVIN et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-04-15;19ly01223 ?
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