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29/04/2021 | FRANCE | N°19LY00818

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 29 avril 2021, 19LY00818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première requête, la ville de Lyon a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Baur Métallerie, Fontbonne et Fils et HSDTM, d'une part, à lui verser la somme de 167 976 euros TTC au titre des travaux qu'elle a pris à sa charge pour la dépollution de l'atelier des décors de l'Opéra national de Lyon, ainsi que la somme de 232 003,44 euros TTC correspondant à la valeur du stock d'accessoires du théâtre des Célestins qui s'y trouvait et d'autre

part, de condamner les mêmes et dans les mêmes conditions à lui verser, en s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par une première requête, la ville de Lyon a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Baur Métallerie, Fontbonne et Fils et HSDTM, d'une part, à lui verser la somme de 167 976 euros TTC au titre des travaux qu'elle a pris à sa charge pour la dépollution de l'atelier des décors de l'Opéra national de Lyon, ainsi que la somme de 232 003,44 euros TTC correspondant à la valeur du stock d'accessoires du théâtre des Célestins qui s'y trouvait et d'autre part, de condamner les mêmes et dans les mêmes conditions à lui verser, en sa qualité de subrogée d'autres victimes du sinistre, la somme de 293 418 euros. Par une seconde requête, la ville de Lyon a demandé de condamner les mêmes et dans les mêmes conditions à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être mises à sa charge au titre des préjudices subis par l'opéra national de Lyon. La société Axa France Iard, subrogée en cours d'instance dans les droits de la ville de Lyon et de l'opéra national de Lyon, à hauteur des sommes de 3 176 024 euros et 1 750 000 euros qu'elle leur a versées, a demandé la condamnation des mêmes et dans les mêmes conditions, à lui rembourser ces sommes, avec les intérêts légaux et leur capitalisation.

Par un jugement n°s 1409432-1501531 du 20 décembre 2018, ce tribunal a, après les avoir jointes, rejeté les demandes et mis les frais d'expertise judiciaire à la charge de la ville de Lyon.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 février 2019, la société Axa France Iard, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de faire droit aux conclusions qu'elle a présentées devant le tribunal ;

2°) de condamner les sociétés Baur Métallerie, Fontbonne et Fils et HSDTM à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- la faute de la ville de Lyon, retenue par le tribunal, n'est pas la cause exclusive de son préjudice puisque les sociétés Baur Métallerie et HSDTM, qui ne disposaient pas du certificat de qualification, étaient pourtant informées de la présence d'amiante dans les portes, de sorte que le groupement que la société Baur Métallerie formait avec la société Fontbonne et Fils aurait dû refuser d'effectuer les travaux ;

- étant tiers aux travaux, la faute de son assuré ne peut lui être opposée.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2019, la société HSDTM, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la société Axa France Iard à la relever et garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à sa charge ou de mieux qui le devra au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- la société Axa France Iard, qui ne remplit pas les conditions de la subrogation légale prévue par l'article L. 121-2 du code des assurances, puisque le paiement préalable n'est pas justifié et seule son assurée est responsable, et qui en outre ne produit pas la police d'assurance, est sans intérêt à agir ;

- en tout état de cause, l'expert judiciaire a évalué le préjudice de la ville de Lyon au titre des frais de décontamination à la somme de 2 887 116,51 euros TTC, qui intègre le poste des mesures conservatoires ;

- en l'absence d'inventaire des stocks, le lien de causalité entre le sinistre et les préjudices de la Maison de la danse et du Théâtre du point du jour, de l'association de la compagnie de la goutte et de l'opéra national de Lyon n'est pas établi ;

- la ville de Lyon n'a pas justifié avoir acquitté les frais d'expertise ;

- le lien entre le préjudice de dépollution et le sinistre n'est pas établi dans la mesure où la société HSDTM a adopté le même mode opératoire que la société Baur Métallerie en 2005 ;

- la société Baur Métallerie, qui était informée de la présence d'amiante, n'a pas demandé le plan de prévention ni vérifié si son sous-traitant disposait de la qualification requise et ni surveillé la bonne exécution des travaux ; elle est donc fondée le cas échéant à l'appeler en garantie avec la société Fontbonne et Fils, en qualité de mandataire du groupement titulaire du lot n° 6 ;

- en tout état de cause, sa responsabilité est moindre que celle de la ville et des sociétés Baur Métallerie et Fontbonne et Fils ;

- dans la mesure où la société Axa France Iard a pris l'initiative d'indemniser la ville de Lyon alors qu'elle est également son assurée, elle est réputée avoir renoncé à toute exception de garantie qu'elle pourrait lui opposer.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mars 2021, la société Baur Métallerie, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête ou, subsidiairement, à la minoration de l'indemnité demandée par la société Axa France Iard et à la condamnation de la société HSDTM à la relever et garantir de la condamnation prononcée à son encontre et à ce que la somme de 15 000 euros soit mise à la charge de la société Axa France Iard au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- la ville de Lyon doit supporter seule les conséquences de la pollution survenue en raison de ses négligences ;

- la société HSTDM a pris le risque d'intervenir alors qu'elle avait attiré son attention sur la présence éventuelle d'amiante et qu'elle n'avait pas la qualification requise ;

- la prestation de dépose et d'évacuation des portes ne consistait pas en des travaux de retrait ou de confinement de matériaux contenant de l'amiante, de sorte qu'elle n'avait pas à s'assurer de la qualification de la société HSTDM ;

- la ville de Lyon était informée de l'intervention de cette société ;

- les préjudices subis par les établissements culturels ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 mars 2021, la société Fontbonne et Fils, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête ou, subsidiairement, à la condamnation des sociétés Baur Métallerie et HSTDM à la relever et garantir de la condamnation prononcée à son encontre et à ce que la somme de 5 000 euros soit mises à leur charge ou à celle de la société Axa France Iard au titre des frais du litige.

Elle fait valoir que :

- les actions subrogatoires de la société Axa France Iard ne sont pas recevables en l'absence de preuve des paiements et de production des contrats d'assurance et de responsabilité de sa part ;

- elle n'a pas participé matériellement aux travaux litigieux ;

- le retrait de matériaux contenant de l'amiante, directement confié à la société Baur Métallerie, ne faisait pas partie des prestations comprises dans le marché conclu avec l'Opéra de Lyon ;

- les fautes de la ville de Lyon, qui était informée de la présence d'amiante dans les portes et qui ne lui a pas transmis le bon de commande, en méconnaissance des termes du marché, l'exonèrent de toute responsabilité ;

- la société Baur Métallerie était informée de la présence d'amiante, ne disposait pas du certificat de qualification requis et ne s'est pas assuré que son sous-traitant était qualifié ;

- la société HSTDM, qui était également informée, n'aurait pas dû intervenir puisqu'elle n'était pas qualifiée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code des marchés publics ;

- le code du travail ;

- l'arrêté du 22 février 2007 définissant les conditions de certification des entreprises réalisant des travaux de retrait ou de confinement de matériaux contenant de l'amiante ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- les observations de Me C..., représentant la société Axa France Iard, celles de Me A..., représentant la société Baur Métallerie, celles de Me G..., représentant la société Fontbonne et Fils et celles de Me B..., représentant la société HSDTM ;

Et avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 1er avril 2021 présentée pour la société Axa France Iard ;

Considérant ce qui suit :

1. La ville de Lyon a conclu le 20 décembre 2007 avec le groupement d'entreprises composé des sociétés Fontbonne et Fils, mandataire, et Baur Métallerie un marché à bons de commande pour la réalisation des travaux du lot n°6 " Serrurerie Métallerie-secteur 7ème et 8ème arrondissements ". Elle a émis le 9 décembre 2008 un bon de commande remis à la société Baur Métallerie pour la dépose, l'évacuation en décharge et le remplacement des cinq portes doubles métalliques coupe-feu encore en place dans des locaux situés à Vénissieux mis à disposition de l'opéra national de Lyon et d'autres établissements culturels pour le stockage de leurs décors, costumes et accessoires. La présence d'amiante dans les locaux de cet entrepôt a été suspectée après le constat du découpage de ces portes à l'occasion des travaux de dépose réalisés au début du mois de décembre 2009 par la société HSDTM, sous-traitante de la société Baur Métallerie. A la demande de la ville de Lyon, un constat a été ordonné le 2 février 2010 par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, qui a confirmé la présence d'amiante dans ces portes. Un expert judiciaire qui s'est adjoint un sapiteur financier ont été désignés à la demande de l'opéra national de Lyon sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative par des ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Lyon des 8 octobre 2010 et 22 juin 2011. Par une première requête, la ville de Lyon a demandé à ce tribunal de condamner solidairement ou in solidum les sociétés Baur Métallerie, Fontbonne et Fils et HSDTM, d'une part, à lui verser la somme de 167 976 euros TTC au titre des travaux de dépollution de l'atelier des décors qu'elle a pris à sa charge, ainsi que la somme de 232 003,44 euros TTC correspondant à la valeur du stocks d'accessoires du théâtre des Célestins dont elle est propriétaire et, d'autre part, de condamner les mêmes et dans les mêmes conditions à lui verser, en sa qualité de subrogée d'autres victimes du sinistre, la somme de 293 418 euros. Par une seconde requête, la ville de Lyon a demandé de condamner les mêmes et dans les mêmes conditions à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être mises à sa charge au titre des préjudices subis par l'opéra national de Lyon. La société Axa France Iard, subrogée en cours d'instance dans les droits de la ville de Lyon et de l'opéra national de Lyon à hauteur des sommes de 3 176 024 euros et 1 750 000 euros qu'elle leur a versées, a demandé la condamnation des mêmes et dans les mêmes conditions à lui rembourser ces sommes, avec les intérêts légaux et leur capitalisation. Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes. La société Axa France Iard relève appel de ce jugement.

2. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire déposé le 15 mai 2016, que la ville de Lyon était informée de la présence d'amiante dans les portes coupe-feu avant l'opération de dépose confiée en 2008 à la société Baur Métallerie puisqu'une analyse des matériaux réalisée à sa demande par un laboratoire en novembre 2002 avait conclu à la présence de ce matériau à l'intérieur des portes de l'atelier des décors et sur leur joint extérieur. Si la société Baur Métallerie était déjà intervenue en 2005 lors de la première phase de remplacement des portes coupe-feu de ce local, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait pris connaissance et signé ainsi que son sous-traitant avant le début des travaux à l'origine des désordres, le plan de prévention des risques prévu à l'article R. 237-7 du code du travail auquel était joint le dossier technique regroupant les informations relatives à la recherche et à l'identification des matériaux contenant de l'amiante, arrêté après la visite d'inspection du 28 octobre 2009, à laquelle a également participé la société HSDTM. La ville de Lyon, après s'être seulement assurée de ce que les travaux, qui comportaient, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire, une prestation de retrait de matériaux non friables contenant de l'amiante, devaient être effectués sans atteinte à l'intégrité des portes, a confié leur dépose à la société Baur Métallerie, par le bon de commande émis le 9 décembre 2008 qu'elle lui a directement adressé, sans vérifier qu'elle disposait du certificat de qualification exigé par l'arrêté du 22 février 2007 définissant les conditions de certification des entreprises réalisant des travaux de retrait ou de confinement de matériaux contenant de l'amiante. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Lyon, le sinistre résulte uniquement des négligences de la ville de Lyon et ne saurait être regardé comme imputable ni la société Baur Métallerie et à sa sous-traitante la société HSDTM, alors même qu'elles étaient informées de la présence d'amiante dans les portes et qu'elles ne disposaient pas du certificat de qualification requis, ni à la société Fontbonne et Fils, qui n'a pas été destinataire du bon de commande émis le 9 décembre 2008 adressé à son seul cotraitant.

3. La société Axa France Iard agissant par l'effet d'une double subrogation dans les droits de la ville de Lyon, son assurée, et dans ceux de l'opéra national de Lyon, qu'elle a indemnisé, les agissements de la ville de Lyon et leurs conséquences lui sont entièrement opposables. Ses demandes tendant à la condamnation des entreprises ne sont donc pas fondées.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par les sociétés HSDTM et Fontbonne et Fils, que la société Axa France Iard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions indemnitaires.

5. En l'absence de condamnation prononcée à leur encontre, les conclusions d'appel en garantie présentées par les sociétés HSDTM, Baur Métallerie et Fontbonne et Fils doivent être rejetées comme dépourvues d'objet.

6. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Axa France Iard doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, pour l'application de ces mêmes dispositions, de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros à verser à la société Fontbonne et Fils. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des sociétés HSDTM et Baur Métallerie les frais qu'elles ont exposés devant la cour.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Axa France Iard est rejetée.

Article 2 : La société Axa France Iard versera à la société Fontbonne et Fils la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Axa France Iard, HSDTM, Baur Métallerie et Fontbonne et Fils.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme E..., président assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2021.

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N° 19LY00818


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