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06/05/2021 | FRANCE | N°20LY01073

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 mai 2021, 20LY01073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- la décision n° 2017-160 du 19 octobre 2017 prise par le président de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon, à titre principal en tant qu'elle désigne tous les membres extérieurs représentés au conseil d'administration de cet établissement, et à titre subsidiaire seulement en tant qu'elle désigne huit personnalités qualifiées ;

- la délibération du 13 novembre 2017 par laquelle le conseil d'administration de l'ENS

de Lyon a modifié le règlement intérieur de l'établissement, et la décision n° 2017-161 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- la décision n° 2017-160 du 19 octobre 2017 prise par le président de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon, à titre principal en tant qu'elle désigne tous les membres extérieurs représentés au conseil d'administration de cet établissement, et à titre subsidiaire seulement en tant qu'elle désigne huit personnalités qualifiées ;

- la délibération du 13 novembre 2017 par laquelle le conseil d'administration de l'ENS de Lyon a modifié le règlement intérieur de l'établissement, et la décision n° 2017-161 du 14 novembre 2017 par laquelle le président de l'ENS de Lyon a désigné les institutions partenaires appelées à être représentées au conseil d'administration de l'établissement ;

- la délibération n° II-2 adoptée le 18 décembre 2017 par le conseil d'administration de l'ENS de Lyon en tant qu'elle prévoit le versement d'une cotisation d'un montant de 100 000 euros à l'Université de Lyon ;

- la décision n° 2017-186 du 24 novembre 2017 par laquelle le président de l'ENS de Lyon a désigné les membres du conseil d'administration de cet établissement, en tant qu'elle concerne les personnalités extérieures ;

- la décision n° 2017-192 du 8 décembre 2017 par laquelle le président de l'ENS de Lyon a désigné les membres du conseil d'administration de cet établissement, en tant qu'elle abroge et remplace la précédente décision de désignation en date du 24 novembre 2017 et désigne les personnalités extérieures.

Par un jugement n°s 1707714, 1800566, 1800599, 1805580 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'ensemble des décisions précitées.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2020, et des mémoires enregistrés les 4 septembre 2020, 19 octobre 2020, et 13 janvier 2021, l'ENS de Lyon, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est irrégulier s'il est considéré que le tribunal a entendu fonder son raisonnement sur le défaut de base légale de la décision attaquée du fait de l'annulation du règlement intérieur du 10 juillet 2014, et du fait que l'ENS de Lyon n'aurait pas adopté de nouveau règlement intérieur depuis, dès lors qu'un tel moyen n'a pas été soulevé par le requérant avant la clôture de l'instruction et n'est pas d'ordre public ;

- le jugement contesté est irrégulier s'il est considéré qu'il est fondé sur le moyen tiré de ce que les règlements intérieurs approuvés après le 10 juillet 2014 l'ont été par une autorité incompétente du fait de l'annulation de celui du 10 juillet 2014, dès lors que ce moyen n'a pas été soulevé d'office par le tribunal ;

- en tout état de cause, M. E... ne saurait en février 2020, soulever l'exception d'illégalité d'un règlement intérieur voté le 11 octobre 2016, soit il y a plus de quatre ans, à l'encontre d'une décision en date du 19 octobre 2017, soit il y a plus de trois ans ;

- l'annulation contentieuse en date du 6 décembre 2018 (n°1501193) est sans incidence sur la légalité de la décision n° 2017-160 puisqu'au jour de son édiction, le règlement intérieur dans sa version du 15 décembre 2014 n'était pas annulé, le jugement du 6 décembre 2018 n'étant pas encore intervenu ;

- l'annulation du règlement intérieur voté le 10 juillet 2014 est sans incidence sur la légalité de la décision n° 2017-160 du 19 octobre 2017 qui a été prise sur le fondement d'un nouveau règlement intérieur de l'ENS de Lyon, qui a été adopté et voté dans son intégralité, par une délibération n° II-2 du 11 octobre 2016, vote qui a ensuite été confirmé lors du conseil d'administration des 28 avril et 10 juillet 2017, ce règlement n'ayant pas été annulé et étant définitif ;

- la modulation dans le temps des effets de l'annulation aurait dû être prononcée au regard de la fragilité juridique de la situation de l'ENS de Lyon et des conséquences que le tribunal aurait dû tirer de son propre raisonnement ;

- les dispositions de l'article D. 719-42 du code de l'éducation sont inapplicables à l'ENS de Lyon, établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel dont le fonctionnement est régi par le décret pris en Conseil d'Etat n° 2012-175 du 7 mai 2012 ;

- en tout état de cause, l'article 2 du règlement intérieur permet de respecter les dispositions de l'article D. 719-47-2 du code de l'éducation puisqu'en prévoyant 13 membres extérieurs, l'écart ne pouvait pas être supérieur à 1 ; ce règlement était donc régulier et la décision de composition n° 2017-160, qui respectait la parité, était ainsi régulière ;

- la décision n° 2017-160 du président qui n'a fait que nommer les personnalités qualifiées dont la nomination relève de ses pouvoirs propres en veillant au respect de la parité, n'a pas modifié les représentants des institutions partenaires et des collectivités territoriales, qui relèvent de la compétence de ces institutions, lesquelles n'avait pas à procéder à de nouvelles désignations en l'absence d'annulation de celles-ci par le tribunal ; l'annulation de cette décision est donc sans incidence sur les désignations prises par les institutions partenaires et les collectivités territoriales ;

- le conseil d'administration pouvait se tenir de manière régulière avec un siège vacant suite à la démission de M. G..., représentant de l'EHESS ; la désignation tardive de son remplaçant n'est pas de nature à entrainer l'annulation de la décision attaquée ;

- M. E... n'est pas fondé à soutenir que le conseil d'administration doit comporter un nombre d'élus supérieurs au nombre de personnalités nommées dès lors que le président ne doit pas être pris en compte dans la détermination des représentants élus des personnels et usagers ; la rédaction de l'article 2 du règlement intérieur de l'ENS de Lyon qui avait été adoptée le 13 novembre 2017 était régulière ;

- du fait de la régularité de la décision n° 2017-160, les décisions prises ultérieurement (délibération du 13 novembre 2017, décisions n° 2017-161, 2017-186 et 2017-192) sont régulières ;

- le conseil d'administration qui a voté la délibération du 18 décembre 2017 était composé de manière régulière, de sorte que les moyens de légalité externe soulevés à l'encontre de cet acte ne pourront qu'être rejetés ;

- dès lors que les statuts (article 20) de l'université de Lyon prévoient le versement de cotisations de ses membres au titre des ressources de l'établissement, l'ENS de Lyon, membre, est fondée à lui verser une cotisation ; M. E... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la position prise par la cour le 27 juin 2019 dans l'affaire n° 17LY01350 ;

- concernant les moyens soulevés en première instance, à l'encontre des autres actes annulés par le tribunal, qui sont les mêmes que ceux soulevés à l'encontre de la décision n° 2017-160, elle se réfère à ses écritures de première instance ;

- les dispositions de l'article 15 de la loi du 23 mars 2020 concernant les mandats des chefs d'établissements échus avant le 31 juillet 2020, ne sont pas applicables à l'ENS de Lyon puisque le mandat du président a été renouvelé en juin 2019.

Par des mémoires enregistrés les 24 juin 2020, 25 septembre 2020 et 23 décembre 2020, M. E..., représenté par Me A... de la Selarl BCV Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Ecole Normale supérieure de Lyon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- il renvoi à ses écritures de premières instance concernant les différents moyens qu'il a soulevés ;

- l'ENS de Lyon ne dit rien concernant les nombreux moyens qu'il a soulevés à l'encontre des décisions autres que la décision n° 2017-160 et n'est donc pas fondée à soutenir que la prétendue légalité de cette dernière décision suffirait à rendre légales les autres décisions contestées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 2012-715 du 7 mai 2012 ;

- le décret n° 2013-1152 du 12 décembre 2013 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me C..., représentant l'ENS de Lyon et celles de Me F..., pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. L'ENS de Lyon relève appel du jugement n°s 1707714-1800566-1800599-1805580 du 16 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions susvisées des 19 octobre 2017, 13 novembre 2017, 24 novembre 2017, 8 décembre 2017, et 18 décembre 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. Le jugement contesté a retenu le moyen tiré du défaut de base légale de la décision attaquée n° 2017-160 du 19 octobre 2017 du président de l'ENS de Lyon désignant tous les membres extérieurs représentés à son conseil d'administration, en raison de l'annulation, par jugement définitif n° 1406922 du 21 septembre 2017, du règlement intérieur adopté le 10 juillet 2014 et de la décision du 25 juin 2014 désignant des personnalités extérieures, en tant qu'elle concerne les personnalités qualifiées, les représentants des institutions partenaires et les représentants des collectivités territoriales, ainsi que de l'annulation, par jugement définitif n° 1406922 du 21 septembre 2017 de la délibération du 15 décembre 2014 adoptant une nouvelle version du règlement intérieur. Ce moyen a été soulevé par M. E... devant les premiers juges avant la clôture de l'instruction, intervenue trois jours francs avant l'audience, fixée au 19 décembre 2019, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, en particulier dans son mémoire enregistré le 21 novembre 2019. Par suite, l'ENS de Lyon n'est pas fondée à soutenir que le jugement doit être annulé pour avoir irrégulièrement retenu d'office un moyen qui n'est pas d'ordre public.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, l'annulation de la délibération n° II-1 adoptée le 15 décembre 2014 par le conseil d'administration de l'ENS de Lyon approuvant le règlement intérieur de l'établissement par le jugement devenu définitif n° 1501193 du 6 décembre 2018 du tribunal administratif de Lyon implique, eu égard à son caractère rétroactif, que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Par suite, l'ENS de Lyon n'est pas fondée à soutenir qu'au jour de l'édiction de la décision n° 2017-160 du 19 octobre 2017, le règlement intérieur approuvé par la délibération précitée n'avait pas été annulé.

4. En deuxième lieu, il ressort du dossier de première instance que les délibérations des 11 octobre 2016, 28 avril 2017 et 10 juillet 2017 du conseil d'administration de l'ENS de Lyon n'emportent pas adoption d'un nouveau règlement intérieur mais constituent des modifications du règlement annulé par le tribunal administratif de Lyon, sans au demeurant que ces modifications soient relatives à l'article 2 de ce règlement qui concerne la composition du conseil d'administration. Par suite l'ENS de Lyon n'est pas fondée à soutenir que l'annulation du règlement intérieur voté le 10 juillet 2014 serait sans effet sur la régularité de la délibération en litige du fait de l'entrée en vigueur d'un nouveau règlement intérieur qui s'y serait substitué avant le vote de cette délibération.

5. En troisième et dernier lieu, l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

6. Lorsque le juge d'appel est saisi d'un jugement ayant annulé un acte administratif et qu'il rejette l'appel formé contre ce jugement en ce qu'il a jugé illégal l'acte administratif, la circonstance que l'annulation ait été prononcée par le tribunal administratif avec un effet rétroactif ne fait pas obstacle à ce que le juge d'appel, saisi dans le cadre de l'effet dévolutif, apprécie, conformément à ce qui a été dit au point 5 et à la date à laquelle il statue, s'il y a lieu de déroger en l'espèce au principe de l'effet rétroactif de l'annulation contentieuse et détermine, en conséquence, les effets dans le temps de l'annulation, en réformant le cas échéant sur ce point le jugement de première instance.

7. L'ENS de Lyon, qui fait état de la fragilité juridique de sa situation, de la situation de blocage résultant de l'irrégularité du règlement intérieur, de la fragilisation d'actes internes fondamentaux pour les personnels et d'actes pris par d'autres organismes publics, sans démontrer que cette situation résulte directement des décisions annulées, et des conséquences que le tribunal aurait dû tirer de son propre raisonnement, ne démontre pas que les conséquences de la rétroactivité de l'annulation de ces décisions pour les divers intérêts publics ou privés en présence excéderaient les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de cette annulation. Elle n'établit pas, en particulier, que l'effet rétroactif des annulations prononcées par le jugement contesté serait de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que les décisions annulées ont produits que des situations qui ont pu se constituer lorsqu'elles étaient en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de leurs effets. De tels éléments ne ressortent pas davantage des pièces du dossier. Il n'y a donc pas lieu de moduler dans le temps les effets des annulations prononcées par ce jugement et par suite de le réformer sur ce point.

8. Il résulte de tout ce qui précède que l'ENS de Lyon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon n'a pas privé les annulations prononcées de leur effet par nature rétroactif.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que l'ENS de Lyon, partie perdante, a présentées sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre sur le même fondement à sa charge une somme de 2 000 euros à verser à M. E....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'Ecole Normale Supérieure de Lyon est rejetée.

Article 2 : L'Ecole Normale Supérieure de Lyon versera à M. E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Ecole Normale Supérieure de Lyon et à M. B... E....

Délibéré après l'audience du 15 avril 2021, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2021.

2

N° 20LY01073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01073
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-05-05 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. Enseignement supérieur et grandes écoles. Grandes écoles.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : BCV AVOCATS ASSOCIES - BROCHETON - COMBARET - VIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-06;20ly01073 ?
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