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18/05/2021 | FRANCE | N°20LY03215

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 18 mai 2021, 20LY03215


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Financière Mag, venant aux droits de la société Novopac, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme de 62 553,59 euros outre intérêts au taux légal, capitalisés, en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de la décision du 18 décembre 2009 par laquelle l'inspecteur du travail de la 13ème section du Rhône l'a autorisée à licencier M. C... A....

Par jugement n° 1505904 lu le 13 juin 2017, le trib

unal n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de 4 526,79 euros.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Financière Mag, venant aux droits de la société Novopac, a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'État à lui verser la somme de 62 553,59 euros outre intérêts au taux légal, capitalisés, en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de la décision du 18 décembre 2009 par laquelle l'inspecteur du travail de la 13ème section du Rhône l'a autorisée à licencier M. C... A....

Par jugement n° 1505904 lu le 13 juin 2017, le tribunal n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de 4 526,79 euros.

Procédure devant la cour

La cour d'appel administrative de Lyon a rejeté l'appel de la société Financière Mag par arrêt n° 17LY03027 lu le 7 janvier 2019, lui-même annulé par décision n° 428743 du Conseil d'État lue le 4 novembre 2020.

La requête d'appel de la société Financière Mag, renvoyée à la cour, a été réenregistrée le 6 novembre 2020 sous le n° 20LY03215. La société Financière Mag a présenté un nouveau mémoire, enregistré le 10 décembre 2020 dans la présente instance.

Elle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1505904 du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande et de porter la condamnation de l'État à la somme de 62 553,59 euros outre intérêts au taux légal, capitalisés ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le jugement est irrégulier dès lors que sa minute ne comporte pas de signatures manuscrites ;

- il ne saurait lui être opposé un comportement fautif partiellement exonératoire de la responsabilité de l'État dès lors que, d'une part, le constat de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, qui fonde la condamnation prononcée par le conseil de prudhommes, résulte de l'analyse illégale de la situation économique ayant justifié la présentation de la demande et que, d'autre part, elle justifie avoir recherché un reclassement du salarié qui a décliné toutes les propositions.

Par mémoire enregistré le 28 juin 2018 (dans l'instance initiale n° 17LY03027), le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement manque en fait ;

- l'indemnisation versée par l'appelante au tire de l'article L. 2422-4 du code du travail résulte pour partie du caractère infondé de la demande de licenciement, donc de sa propre faute ;

- à l'issue du litige d'appel, aucune condamnation pour préjudice moral n'ayant été prononcée, aucune indemnité n'est due de ce chef ;

- la condamnation à réparer l'absence de cause réelle et sérieuse et les frais de procédure n'étant pas la conséquence directe de l'illégalité de l'autorisation de licenciement, l'État n'a pas à en garantir l'employeur.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Arbarétaz, président ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour la société Financière Mag ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 18 décembre 2009, l'inspectrice du travail de la 13ème section du Rhône a autorisé la société Novopac, à laquelle a succédé la société Financière Mag, à licencier pour motif économique M. A..., employé en qualité de chef d'équipe chargé du calandrage sur le site de Messimy et investi du mandat de membre de la délégation unique du personnel. Par jugement devenu définitif du 3 avril 2012, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision. L'entreprise ayant licencié M. A... avant l'annulation juridictionnelle de l'autorisation administrative, le conseil de prud'hommes de Lyon l'a, par un jugement du 25 novembre 2014, condamnée à verser à l'intéressé les sommes de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse, 9 053,59 euros au titre de l'indemnité spécifique prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail, 2 300 euros au titre de son préjudice moral et 2 000 euros de frais de procédure. Ayant vainement demandé au ministre du travail de l'indemniser des sommes qu'elle a été condamnée à verser à son ex-salarié en réparation du préjudice subi du fait d'un licenciement prononcé sur le fondement d'une autorisation illégale, la société Financière Mag a recherché la responsabilité de l'État devant le tribunal administratif de Lyon. Elle relève appel du jugement en tant qu'il n'a fait droit à sa demande qu'à hauteur de 4 526,79 euros, outre intérêts au taux légal capitalisés, en dédommagement de l'indemnité spécifique de l'article L. 2422-4 du code du travail après déduction d'une part de faute correspondant à la moitié de la condamnation prononcée de ce chef au judiciaire.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de la combinaison des articles R. 741-7, R. 751-2 et R. 751-4-1 du code de justice administrative que seule la minute du jugement doit comporter la signature manuscrite du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier, et que sont notifiées aux parties des expéditions qui ne mentionnent que les noms et fonctions des trois signataires. Il suit de là que le jugement attaqué n'est pas irrégulier pour avoir été notifié sous forme d'expéditions dépourvues de signatures manuscrites, la minute en étant revêtue.

Sur le fond du litige :

3. En application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. L'illégalité de la décision autorisant un tel licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique à l'égard de l'employeur, pour autant qu'il en soit résulté pour celui-ci un préjudice direct et certain. La décision du 18 décembre 2009 ayant autorisé le licenciement de M. A..., annulée en raison d'une appréciation erronée de la situation économique du demandeur, engage en conséquence la responsabilité de l'État dans les conditions qui viennent d'être rappelées.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que par jugement du 25 novembre 2014, confirmé sur ce point en appel, le conseil de prud'hommes de Lyon a condamné la société Financière Mag à verser à M. A... 9 053,59 euros d'indemnité spécifique prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail, destinée à compenser la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre le licenciement prononcé sur le fondement d'une autorisation administrative définitivement annulée et la réintégration du salarié protégé, ou bien jusqu'à l'expiration du délai de deux mois ayant suivi cette annulation, si la réintégration n'a pas demandée.

5. La dépense de 9 053,59 euros exposée au judiciaire par la société Financière Mag découle directement de l'illégalité ayant entaché l'autorisation délivrée le 18 décembre 2009 sur le fondement de laquelle le licenciement de M. A... a été prononcé. Dès lors qu'il appartenait à l'inspection du travail de vérifier la validité du motif économique de la demande de licenciement mais aussi l'effectivité des recherches de reclassement et qu'elle n'a pas cru devoir opposer à l'employeur la méconnaissance de cette obligation qui aurait nécessairement dû la conduire, si ce motif avait été fondé, à refuser l'autorisation, le ministre du travail ne peut utilement se prévaloir de la faute de la société Financière Mag prétendument caractérisée par une recherche insuffisante de reclassement et non individualisée à la situation de M. A.... Il suit de là, d'une part, que l'appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal lui a imputé une part de responsabilité égale à celle de l'administration et, d'autre part, que la condamnation de l'État doit être portée à la somme de 9 053,59 euros représentant la totalité de la condamnation prononcée de ce chef au judiciaire.

6. En deuxième lieu, le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon, également confirmé par la cour d'appel, a condamné la société Financière Mag à verser à M. A... une somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail qui indemnise à hauteur d'au moins six mois de salaire tout salarié licencié sans cause réelle et sérieuse. Dans la mesure où ledit jugement déduit expressément l'absence de cause réelle et sérieuse de l'annulation de l'autorisation de licencier prononcée par la juridiction administrative, cette dépense présente un lien direct avec l'illégalité de l'autorisation délivrée le 18 décembre 2019. Il suit de là, d'une part, que la société Financière Mag est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande et que l'État doit être condamné à lui verser la somme de 50 000 euros de ce chef, sans qu'il y ait lieu de retenir une part de responsabilité à la charge de l'appelante par les motifs exposés au point 5.

7. En troisième lieu, la somme de 2 000 euros mise à la charge de la société Financière Mag par le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon ayant été exposée par l'ex-salarié pour les besoins de l'instance qui lui a permis d'obtenir réparation d'un licenciement illégalement autorisé par la décision du 18 décembre 2019, cette dépense résulte directement de la faute de l'administration. Il suit de là que la société Financière Mag est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande et que l'État doit être condamné à lui verser ladite somme.

8. En revanche, il résulte de l'instruction que par arrêt rendu le 12 février 2016, la cour d'appel de Lyon, réformant le jugement du conseil de prud'hommes, a débouté M. A... de sa demande d'indemnisation de préjudice moral. En conséquence, faute d'avoir à supporter la condamnation de 2 300 euros prononcée de ce chef en première instance, la société Financière Mag n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation.

9. Il résulte de ce qui précède que la condamnation de l'État doit être portée de 4 526,79 euros à 61 053,59 euros et que le jugement attaqué doit être réformé à due concurrence. En vertu de l'article 1344-1 du code civil, la somme de 56 526,80 euros portera intérêts au taux légal à compter du 26 février 2015, date de notification au débiteur de la première demande de paiement. En application de l'article 1343-2 du même code, ces intérêts seront capitalisés au 26 février 2016 puis à chaque échéance anniversaire.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société Financière Mag et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La condamnation de 4 526,79 euros, outre intérêts capitalisés, mise à la charge de l'État par le jugement n° 1505904 du tribunal administratif de Lyon lu le 13 juin 2017 est portée à la somme de 61 053,59 euros, dont 56 526,80 euros assortis des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2017, capitalisés au 1er février 2018 puis à chaque échéance anniversaire.

Article 2 : L'État versera à la société Financière Mag une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n° 1505904 du tribunal administratif de Lyon lu le 13 juin 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Financière Mag est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Financière Mag et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

Mme Djebiri, premier conseiller ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.

N° 20LY03215 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03215
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-013 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de l'emploi.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : ACHOU - LEPAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-18;20ly03215 ?
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