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27/05/2021 | FRANCE | N°20LY02746

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 mai 2021, 20LY02746


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2020, sous le n° 2002954, la société immobilière européenne des mousquetaires, représentée par Me C..., avocat, a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté portant permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la création d'un commerce " Leclerc Express " à La Balme-de-Sillingy (69), délivré par le maire de cette commune à la société SAS Thelmadis, le 28 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision de rejet du recours grac

ieux formé auprès du maire de La Balme-de-Sillingy en date du 11 mai 2020 ;

3°) de mett...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2020, sous le n° 2002954, la société immobilière européenne des mousquetaires, représentée par Me C..., avocat, a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté portant permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la création d'un commerce " Leclerc Express " à La Balme-de-Sillingy (69), délivré par le maire de cette commune à la société SAS Thelmadis, le 28 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision de rejet du recours gracieux formé auprès du maire de La Balme-de-Sillingy en date du 11 mai 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Balme de Sillingy une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 10 juin 2020, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a transmis cette requête à la cour administrative d'appel de Lyon en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative.

Par une requête enregistrée le 10 juin 2020 sous le n°20LY01627 puis sous le n°20LY02746, transmise par le premier vice-président de la cour, le 6 août 2020, au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en application des articles R. 351-3 du code de justice administrative et L. 600-10 du code de l'urbanisme et dont le jugement a été attribué à la cour par ordonnance du président de section du contentieux du Conseil d'Etat du 8 septembre 2020, la société immobilière européenne des mousquetaires demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté portant permis de construire, en vue de la création d'un commerce Leclerc Express à La Balme-de-Sillingy (69), délivré par le maire de cette commune à la société SAS Thelmadis le 28 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision de rejet du recours gracieux formé auprès du maire de La Balme-de-Sillingy en date du 11 mai 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de La Balme-de-Sillingy une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le dossier de demande de permis de construire est incomplet en méconnaissance de l'article R.431-8 du code de l'urbanisme en raison des carences de la notice de présentation du projet ;

- le permis de construire litigieux est illégal en raison de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy avec le schéma de cohérence territoriale du bassin annécien en ce qu'il classe le terrain d'assiette du projet en zone UX ; il méconnaît également les articles L. 131-4 et L. 131-6 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire litigieux méconnaît l'article UX3 du plan local d'urbanisme de la Balme-de-Sillingy en raison du caractère incertain de l'aménagement du carrefour giratoire et du fait que la société pétitionnaire ne soit pas propriétaire de la parcelle d'implantation dudit carrefour giratoire ; des flux de circulation générés engendreront des difficultés d'accès et un risque pour les usagers ; l'aire de livraison prévue par le projet va entraîner la suppression de l'aire de retournement existante ;

- le permis de construire litigieux méconnaît les règles d'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques prévues à l'article UX6 du plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy en raison du non-respect de la marge de recul de cinq mètres en un point de la construction ;

- le permis de construire litigieux méconnaît l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme dès lors que l'aménagement de la zone des Vignes s'est faite en méconnaissance de la réglementation des lotissements.

Par un mémoire enregistré le 15 octobre 2020, la commune de La Balme-de-Sillingy, représentée par Me B..., avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société immobilière européenne des mousquetaires, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société requérante ne dispose pas d'un intérêt pour agir, au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elle ne se prévaut pas d'une atteinte portée aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien et qu'elle se fonde en réalité sur l'atteinte portée par le projet aux conditions d'exploitation de son supermarché, au sens de l'article L. 752-17 du code du commerce, qu'elle ne démontre pas, et que, par suite, la requête est irrecevable ;

- le dossier de demande de permis de construire est complet ;

- le plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy est compatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale du bassin annécien ;

- le permis de construire litigieux ne méconnaît pas l'article UX3 du plan local d'urbanisme dès lors que la création du carrefour giratoire est suffisamment certaine ;

- le permis de construire litigieux ne méconnaît pas l'article UX6 du plan local d'urbanisme dès lors que la construction est située bien au-delà de la distance de 5 mètres ;

- le permis de construire litigieux ne méconnaît pas la réglementation des lotissements dès lors que la création d'un lotissement n'a jamais été envisagée lors de la division parcellaire.

Par des mémoires enregistrés les 19 octobre et 14 décembre 2020, la SAS Thelmadis, représentée par Me F..., avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société immobilière des mousquetaires en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en ce que la société requérante ne dispose pas d'un intérêt à agir, au sens de l'article L.600-1-2 du code de l'urbanisme, dès lors qu'aucune des atteintes aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien, dont elle se prévaut, ne sont avérées ;

- le permis de construire litigieux ne méconnaît pas l'article R.431-38 du code de l'urbanisme dès lors que le dossier de permis de construire et précisément la notice de présentation du projet sont complets ;

- le plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy est compatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale du bassin annécien dès lors que la compatibilité d'un plan local d'urbanisme aux orientations du schéma de cohérence territoriale s'apprécie dans sa globalité ;

- le permis de construire litigieux ne méconnaît pas l'article UX3 du plan local d'urbanisme de la Balme-de-Sillingy dès lors que la création du carrefour giratoire est suffisamment certaine, que les flux de circulation générés et les risques en découlant ne sont pas avérés, que l'aire de retournement n'est pas supprimée par l'aire de livraison prévue par le projet litigieux ;

- le permis de construire litigieux ne méconnaît pas l'article UX6 du plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy dès lors que ses dispositions ne sont pas applicables au projet litigieux ;

- le permis de construire litigieux ne méconnaît pas l'article L.442-1 du code de l'urbanisme puisque la division parcellaire n'avait pas pour objectif la création d'un lotissement.

Par un mémoire enregistré le 9 décembre 2020, la société immobilière européenne des mousquetaires conclut aux mêmes fins.

Elle soutient en outre qu'elle dispose d'un intérêt à agir à l'encontre du permis de construire litigieux.

Par courrier du 22 janvier 2021, les parties ont été informées, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, que la cour était susceptible de surseoir à statuer en vue de la régularisation du vice tiré de ce que le permis de construire ne respecte pas en un point de la construction la marge de recul de 5 mètres par rapport à la voie d'impasse, en méconnaissance de l'article UX 6 du plan local d'urbanisme de la Balme-de-Sillingy.

La commune de la Balme-de-Sillingy a présenté des observations, enregistrées le 28 janvier 2021, sur l'application éventuelle de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

La SAS Thelmadis a présenté des observations, enregistrées les 29 janvier et 11 février 2021, sur l'application éventuelle de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

La société immobilière européenne des mousquetaires a présenté des observations, enregistrées le 5 février 2021, sur l'application éventuelle de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant la commune de La Balme-de-Sillingy, de Me C..., représentant la société immobilière européenne des mousquetaires et de Me F..., représentant la société SAS Thelmadis ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 octobre 2019, la commission départementale d'aménagement commercial de Haute-Savoie a émis un avis favorable à la demande présentée par la SAS Thelmadis de création d'un commerce " Leclerc Express " au 1 chemin des Vignes, les grandes Vignes sur la commune de La Balme-de-Sillingy. Par arrêté du 28 janvier 2020, le maire de La Balme-de-Sillingy a délivré à la SAS Thelmadis un permis de construire, en vue de la création d'un magasin " Leclerc " sur cette commune. La société immobilière européenne des mousquetaires demande à la cour d'annuler l'arrêté du maire de La Balme-de-Sillingy du 28 janvier 2020, en tant qu'il vaut autorisation de construire ainsi que la décision du 29 avril 2020, reçue, le 11 mai 2020 rejetant le recours gracieux formé auprès du maire de La Balme-de-Sillingy.

Sur la recevabilité de la requête

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dans sa version applicable au litige : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. En outre, eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que la société immobilière européenne des mousquetaires est propriétaire d'un terrain, situé au 7 chemin des vignes, contiguë à la parcelle d'assiette du terrain du projet litigieux, que la construction du nouveau bâtiment commercial " Leclerc " va générer des flux de circulation, constitutifs de risques pour les usagers et pour cette société, de nature à affecter les conditions de jouissance et d'accès à son bien. Ainsi, eu égard à sa qualité de voisine immédiate et au regard de l'atteinte directe portée par le projet aux conditions de jouissance et d'accès de son bien, la société immobilière européenne des mousquetaires dispose d'un intérêt à agir, au sens de l'article L 600-1-2 du code de l'urbanisme. Par suite, et contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, les conclusions formées par la société immobilière européenne des mousquetaires sont recevables.

Sur la légalité du permis de construire :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, le projet architectural comprend une notice précisant : " 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement ".

6. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. La société immobilière européenne des mousquetaires soutient que la notice de présentation du projet ne contient aucun élément relatif à la description de la végétation et des éléments paysagers. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'environnement paysager dans lequel s'insère le projet est décrit à plusieurs reprises dans la notice de présentation du projet et peut être apprécié au vu du plan masse, des documents graphiques et photographies joints à la demande de permis de construire. De plus, si la notice ne mentionne pas le traitement des limites de terrain, comme le soutient la société requérante, le plan de masse, les documents graphiques et les photographies joints au dossier permettent de l'apprécier. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 (...) " et aux termes de l'article L. 131-6 du même code : " Lorsque le plan local d'urbanisme, le document en tenant lieu ou la carte communale a été approuvé avant l'un des documents énumérés aux 1° à 4° de l'article L. 131-4, il est, si nécessaire, rendu compatible avec ce document : 1° Dans un délai d'un an s'il s'agit d'un schéma de cohérence territoriale ou de trois ans si la mise en compatibilité implique une révision du plan local d'urbanisme ou du document en tenant lieu ; 2° Dans un délai de trois ans s'il s'agit d'un schéma de mise en valeur de la mer ou d'un plan de déplacements urbains ; 3° Dans un délai de trois ans s'il s'agit d'un programme local de l'habitat, ramené à un an si ce programme prévoit, dans un secteur de la commune, la réalisation d'un ou plusieurs programmes de logements nécessitant une modification du plan. Le plan local d'urbanisme n'est pas illégal du seul fait qu'il autorise la construction de plus de logements que les obligations minimales du programme local de l'habitat n'en prévoient ". A l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. Les plans locaux d'urbanisme (PLU) sont soumis à une simple obligation de comptabilité avec ces orientations et objectifs. Si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des PLU, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Pour apprécier la compatibilité d'un PLU avec un schéma de cohérence territoriale, il y a lieu de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans examiner l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

9. La société requérante fait valoir que le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale du bassin annécien prévoit de ne pas autoriser le développement des commerces dans les zones d'activités économiques et artisanales non commerciales et le long des axes routiers dans la mesure où il viserait une chalandise intercommunale y accédant en voiture. Le plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy prévoit de favoriser le développement ou la création d'établissements industriels, commerciaux ou artisanaux en zone UX. Si la société requérante conteste le classement de la zone des Vignes située le long de l'axe routier RD1508, où se situe le terrain d'assiette du projet litigieux, en zone urbaine d'activités économiques (UX), il ressort des pièces du dossier qu'il s'agit d'une zone industrielle existante, développée et artificialisée. Le projet litigieux ne contribuera pas à l'étalement urbain et ne sera aucunement à l'origine de la création d'une nouvelle zone ou d'un site commercial isolé, conformément au schéma de cohérence territoriale qui interdit la création de nouvelles zones ou site commercial isolé en périphérie des zones urbaines et le long des axes de communication. Ainsi, le plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy est compatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale du bassin annécien, de sorte qu'il ne nécessitait pas d'être révisé en ce sens. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 131-4 et L. 131-6 du code l'urbanisme doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article UX 3 du plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy : " Les constructions et installations doivent être desservies par des voies publiques ou privées dont les caractéristiques correspondent à leur destination, notamment en ce qui concerne la commodité de la circulation, des accès et des moyens d'approche permettant une lutte efficace contre l'incendie, le ramassage aisé des ordures ménagères ou le déneigement. Les occupations et utilisations du sol soumises à autorisation peuvent être subordonnées à la réalisation d'aménagements particuliers concernant les accès et tenant compte de l'intensité de la circulation et de la sécurité des usagers (par exemple accès imposé sur une des voies si le terrain peut être desservi par plusieurs voies, création de trottoir, biseau de visibilité, tourne à gauche, recul du portail, giratoire.... La largeur de plate-forme des voies privées nouvellement créées ne pourra être inférieure à 8 m et leur pente sera de 10% maximum (cf. lexique). Le nombre des accès sur les voies publiques peut être limité dans l'intérêt de la sécurité. Une opération peut être interdite si ses accès provoquent une gêne ou des risques pour la sécurité publique. Les voies en impasse, ouvertes au public, desservant plus de deux constructions ou plus de trois logements doivent être aménagées selon les prescriptions des services communaux afin de permettre aux véhicules privés et à ceux des services publics (lutte contre l'incendie, enlèvement des ordures ménagères) de faire aisément demi-tour. Lorsqu'une aire de retournement sera prescrite son rayon minimum est fixé à 9,5 m. A... pente de la chaussée dans ces aires de retournement ne devra pas excéder 2% en tous sens. (...) ".

11. La requérante soutient que la réalisation du carrefour giratoire est incertaine dès lors qu'aucune information relative à son délai de réalisation ne figure au dossier et que la SAS Thelmadis n'est pas propriétaire de la parcelle sur laquelle s'implantera ledit carrefour. Toutefois, la société requérante a produit l'avis favorable à la réalisation du carrefour giratoire du département de Haute-Savoie en date du 9 janvier 2020, la convention d'autorisation de voirie et d'entretien relative à l'aménagement du carrefour portée à l'ordre du jour du conseil municipal du mois de septembre de la commune de La Balme-de-Sillingy, les échanges entre la commune et le département de Haute-Savoie attestant de la création du carrefour giratoire, la délibération du conseil municipal en date du 5 octobre 2020 autorisant le maire de la commune à signer la convention d'autorisation de voirie et d'entretien, et enfin le permis de construire qui en son article 4 fixe la participation de la SAS Thelmadis au financement de l'aménagement routier pour un montant de 275 000 euros. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'aménagement routier prévu ne revêt pas un caractère suffisamment certain. Egalement, la société requérante allègue que les flux de circulation générés par le projet seront constitutifs de modifications, de difficultés d'accès et de risques pour les usagers ; toutefois, il ressort des pièces du dossier que les flux de circulation générés par le projet ne seront pas d'une importance telle qu'ils seraient de nature à engendrer une saturation du trafic, même aux heures d'affluence, que le parking du futur supermarché sera suffisamment dimensionné, que des accès dédiés aux piétons et vélos ont été prévus, qu'un carrefour giratoire sera aménagé sur la RD 1508 afin de sécuriser l'accès au chemin des vignes et qu'enfin, l'accès aux services de secours et d'incendie est assuré. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet sera source de difficultés d'accès et de risques pour les usagers. Enfin, la société requérante fait valoir que l'aire de retournement sur la voie d'impasse sera supprimée par l'aire de livraison prévue par le projet. Toutefois, il ressort du plan de masse versé au dossier qu'il n'en est rien. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le permis de construire litigieux méconnaîtrait l'article UX 3 du plan local d'urbanisme doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article UX 6 du plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy : " Implantation par rapport aux voies et emprises publiques/ Les voies entrant dans le champ d'application de cet article sont les voies et emprises publiques, les chemins ruraux et les voies privées ouvertes à la circulation publique. Cet article s'applique à la parcelle même dans le cas d'un lotissement ou dans celui de la construction sur un même tènement de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance./ Les constructions doivent s'implanter suivant les marges de reculement indiquées au plan ou à défaut au moins en retrait de 5 m par rapport aux limites des voies et emprises publiques, ou bien s'implanter en alignement avec une construction existante (...) ".

13. Contrairement à ce qui est soutenu en défense, les dispositions précitées de l'article UX6 du PLU sont applicables à la voie d'impasse située sur le terrain litigieux dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la convention de servitude produite à l'instance, que celle-ci est une voie privée grevée d'une servitude de passage qui se révèle ainsi ouverte à la circulation publique.

14. La société requérante soutient que la construction envisagée méconnaît l'article UX 6 du plan local d'urbanisme dès lors qu'elle s'implante, en un point, à la limite de l'emprise de la voie d'impasse, sans aucun recul. Il ressort du plan de masse versé au dossier que la marge de recul de 5 mètres par rapport à la voie d'impasse n'est pas respectée en un point de la construction. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le permis de construire délivré à SAS Thelmadis méconnaît l'article UX 6 du plan local d'urbanisme de la Balme-de-Sillingy.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contigües ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ".

16. La société requérante soutient que la zone des vignes aurait dû faire l'objet d'une procédure d'aménagement à la date de la division parcellaire en 1996 et que le permis de construire litigieux a donc été délivré en méconnaissance de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles étaient destinées à être bâties à la date de la division parcellaire. Ainsi, la société requérante ne peut soutenir que la délivrance du permis de construire litigieux aurait dû être précédée de l'octroi d'une autorisation préalable d'aménagement. Le moyen sera donc écarté.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

17. Aux termes de l'article L. 60051 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 6005, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celuici statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

18. L'illégalité relevée résultant de la méconnaissance de l'article UX6 du plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy, qui n'affecte qu'une partie identifiée de la construction est susceptible d'être régularisée. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer, en application de l'article L. 60051 du code de l'urbanisme, et d'impartir à la SAS Thelmadis un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt afin de produire la mesure de régularisation nécessaire.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de société immobilière européenne des mousquetaires, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois, afin de permettre à la SAS Thelmadis de régulariser le vice tiré de la méconnaissance de l'article UX6 du plan local d'urbanisme de La Balme-de-Sillingy.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société immobilière européenne des mousquetaires, à la commune de La Balme-de-Sillingy, à la SAS Thelmadis et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au président de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente-assesseure,

Mme D..., première conseillère,

Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 mai 2021.

N° 20LY02746 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02746
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DEBAUSSART

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-05-27;20ly02746 ?
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