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23/09/2021 | FRANCE | N°19LY03233

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 23 septembre 2021, 19LY03233


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été respectivement assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1702292 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il y avait plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme D... à hauteur de la somme de 429 420 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédur

e devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 août 2019, M. C... et Mme D..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été respectivement assujettis au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1702292 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il y avait plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme D... à hauteur de la somme de 429 420 euros, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 août 2019, M. C... et Mme D..., représentés par Me Zivanovic et Me Le Goff, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions, à hauteur de la somme de 462 223 euros pour M. C... et de 32 803 euros pour Mme D... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'assujettissement de M. C... aux prélèvements sociaux à raison d'une plus-value immobilière réalisée en France est contraire à l'Accord de sécurité sociale conclu entre la France et la Croatie le 12 octobre 1995 ;

- l'article I bis de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par la jurisprudence du Conseil d'Etat, est à l'origine d'une différence de traitement entre les non-résidents de l'Union européenne et les non-résidents d'un Etat tiers, en méconnaissance des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la contribution additionnelle au prélèvement social, prévue par l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, est, pour les mêmes motifs, inconstitutionnelle.

Par un mémoire, enregistré le 17 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... et Mme D... ne sont pas fondés.

Par deux mémoires distincts, enregistrés le 19 mars 2020 et le 25 mai 2020, présentés en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, M. C... et Mme D... ont demandé à la cour administrative d'appel de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du I bis de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale.

Par une ordonnance n° 19LY03233 du 15 juillet 2020, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée M. C... et Mme D....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la Convention générale entre la France et la Yougoslavie sur la sécurité sociale signée le 5 janvier 1950 ;

- l'Accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la république de Croatie relatif à la succession en matière de traités conclus entre la France et la République socialiste fédérative de Yougoslavie signé à Paris le 9 octobre 1995 et à Zagreb le 12 octobre 1995 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme D... mariés depuis 1994 et résidents fiscaux croate pour M. C... et britannique pour Mme D..., ont cédé, le 26 septembre 2012, au prix de 16 500 000 euros, un terrain à bâtir, situé rue de Nogentil à Saint-Bon-Tarentaise (Savoie), qu'ils avaient acquis, à concurrence de la moitié de la pleine propriété pour chacun d'eux, le6 avril 2010, au prix de 8 600 000 euros. Ils ont déclaré les plus-values, d'un montant de 2 982 085 euros, qu'ils ont réalisées respectivement, et été soumis à ce titre aux prélèvements sociaux à hauteur de 462 223 euros chacun. Ils ont demandé la décharge de ces impositions par une réclamation du 8 décembre 2014 en se prévalant du principe d'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale résultant de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. L'administration a rejeté leur demande. Par un jugement du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de M. C... et de Mme D... tendant à la décharge de ces impositions, à hauteur de la somme de 429 420 euros correspondant à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale, au prélèvement social et à la contribution additionnelle au prélèvement social assignés à Mme D..., et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. C... et Mme D... relèvent appel de ce jugement, dans cette dernière mesure.

2. En premier lieu, M. C... et Mme D... reprennent dans leurs écritures le moyen, soulevé dans des mémoires distincts, tiré de ce que M. C... ne pouvait être assujetti aux prélèvements sociaux sur le fondement du I bis de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale et que Mme D... ne pouvait être assujettie à la contribution additionnelle au taux de 1,1 % prévue par l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, demeurant à sa charge à la suite du dégrèvement prononcé le 7 novembre 2017, dès lors que les dispositions en cause portent atteinte au principe d'égalité devant la loi fiscale et au principe d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles instituent une différence de traitement entre les personnes physiques non-résidentes de France affiliées au régime obligatoire de sécurité sociale d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France et les personnes physiques non-résidentes de France affiliées au régime obligatoire de sécurité sociale d'un Etat tiers. Toutefois, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors des cas où il est saisi dans les conditions prévues aux articles 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, de se prononcer sur un moyen tiré de la non-conformité de dispositions législatives à des règles et principes de valeur constitutionnelle.

3. En second lieu, aux termes de l'article 2 de la Convention générale entre la France et la Yougoslavie sur la sécurité sociale signée le 5 janvier 1950, maintenue en vigueur par l'Accord sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la succession en matière de traités conclus entre la France et la République socialiste fédérative de Yougoslavie, signé à Paris le 9 octobre 1995 et à Zagreb le 12 octobre 1995 : " § ler.- Les législations de sécurité sociale auxquelles s'applique la présente Convention sont : 1°. En France : a) La législation générale fixant l'organisation de la sécurité sociale ; b) La législation générale fixant le régime des assurances sociales applicable aux assurés des professions non agricoles et concernant l'assurance des risques maladie, invalidité, vieillesse, décès et la couverture des charges de la maternité, à l'exception des dispositions concernant l'assurance volontaire du risque vieillesse pour les nationaux français exerçant ou ayant exercé à l'étranger une activité professionnelle salariée ou non salariée ; c) La législation des assurances sociales applicable aux salariés et assimilés des professions agricoles et concernant la couverture des risques et charges ; d) La législation des prestations familiales ; e) Les législations sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ; f) Les régimes spéciaux de sécurité sociale, en tant qu'ils concernent les risques ou prestations couverts par les législations énumérées aux alinéas précédents et notamment le régime relatif à la sécurité sociale dans les mines ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " § 1er. - Les travailleurs salariés ou assimilés aux salariés par les législations applicables dans chacun des pays contractants occupés dans l'un de ces pays sont soumis aux législations en vigueur au lieu de leur travail. (...) § 3. - Les ressortissants français ou yougoslaves autres que les travailleurs salariés ou assimilés sont soumis à la législation concernant les prestations familiales en vigueur au lieu de leur principale activité professionnelle. S'ils n'exercent aucune activité professionnelle, ils sont soumis à la législation des prestations familiales en vigueur au lieu de leur résidence habituelle. "

4. Contrairement à ce que soutiennent M. C... et Mme D..., la Convention générale entre la France et la Yougoslavie sur la sécurité sociale, qui prévoit les modalités d'application par chacun des États contractants des dispositions relatives à la protection sociale de leurs ressortissants, n'a, en tout état de cause, ni pour objet, ni pour effet, de faire obstacle à ce que des revenus du patrimoine perçus par un résident croate soient soumis aux prélèvements sociaux prévus par la loi française, aucune stipulation de cette Convention n'établissant un principe d'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale comparable à celui résultant de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004. Les requérants ne sont, dès lors, pas fondés à se prévaloir de ces stipulations pour soutenir que M. C... ne pouvait être assujetti aux prélèvements sociaux qui lui ont été assignés au titre de l'année 2012.

5. Il résulte de ce qui précède que M. C... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Lesieux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.

5

N° 19LY03233

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03233
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-09-23;19ly03233 ?
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