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10/11/2021 | FRANCE | N°20LY02688

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 10 novembre 2021, 20LY02688


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 11 septembre 2020, 8 avril 2021 et 3 mai 2021, la SAS Brico Dépôt, représentée par Me Courrech, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 5 août 2020 par lequel le maire de Pierrelatte a délivré à la SA Immobilière européenne des mousquetaires un permis de construire en vue de la création d'un magasin de bricolage et un bâti " drive " à l'enseigne " Brico cash " d'une surface de vente totale de 4 874 m² sur le territo

ire de la commune ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Pierrelatte et de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 11 septembre 2020, 8 avril 2021 et 3 mai 2021, la SAS Brico Dépôt, représentée par Me Courrech, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 5 août 2020 par lequel le maire de Pierrelatte a délivré à la SA Immobilière européenne des mousquetaires un permis de construire en vue de la création d'un magasin de bricolage et un bâti " drive " à l'enseigne " Brico cash " d'une surface de vente totale de 4 874 m² sur le territoire de la commune ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Pierrelatte et de la SA Immobilière européenne des mousquetaires une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir et sa requête est recevable ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce dès lors que la précédente demande du pétitionnaire avait été rejetée et que le nouveau projet ne prend pas en compte les motivations des précédents avis défavorables rendus sur ses demandes ;

- le projet méconnaît les articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce dès lors qu'il aura un impact négatif sur l'aménagement du territoire notamment l'animation de la vie urbaine et qu'il présente des efforts insuffisants en termes de développement durable notamment concernant la desserte du site par des modes doux de transport.

Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2020, la commission nationale de l'aménagement commercial conclut à l'irrecevabilité et au rejet de la requête.

Elle sollicite une jonction de l'affaire avec les requêtes n° 20LY02771 et n° 20LY02838 et fait valoir que la requête est irrecevable dès lors que la requérante n'a pas accompli les formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et qu'elle ne présente pas d'intérêt pour agir et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, enregistrés les 16 mars 2021 et 8 juin 2021 (non communiqué), la SA Immobilière européenne des mousquetaires, représentée par Me Debaussart, conclut à l'irrecevabilité et au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requérante ne présente pas d'intérêt pour agir et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, enregistrés les 30 mars 2021 et 10 juin 2021 (non communiqué), la commune de Pierrelatte, représentée par Me Saban, conclut à l'irrecevabilité et au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête est irrecevable dès lors que la requérante n'a pas accompli les formalités prescrites par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, qu'elle ne justifie pas de la capacité pour agir de son représentant et qu'elle ne présente pas d'intérêt pour agir et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 7 mai 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 10 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Abel pour la SAS Brico Dépôt, de Me Debaussart pour la SA Immobilière européenne des mousquetaires et de Me Cohendy pour la commune de Pierrelatte.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 octobre 2019, la SA Immobilière européenne des mousquetaires a déposé auprès de la mairie de Pierrelatte une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale portant sur la construction d'un magasin de bricolage et un bâti " drive " d'une surface de vente de 4 874 m². Saisie de recours contre l'avis favorable rendu par la commission départementale d'aménagement commercial de la Drôme le 17 janvier 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis, le 24 juin 2020, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 5 août 2020, le maire de Pierrelatte a délivré au pétitionnaire un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour le projet susvisé. La SAS Brico Dépôt, qui exploite un magasin de bricolage sur le territoire de la commune de Saulce-sur-Rhône en dehors de la zone de chalandise définie par le pétitionnaire, demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la demande de jonction :

2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de joindre la requête, objet du présent arrêt, avec les requêtes n° 20LY02771 et 20LY02838 déposées par deux autres sociétés concurrentes au projet en litige.

Sur la recevabilité de la requête :

3. En vertu des dispositions de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme dans leur rédaction issue de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, lorsqu'un projet de création ou d'extension de surface de vente de magasin de commerce de détail est soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu des dispositions de l'article L. 752-1 du code de commerce et qu'il doit également faire l'objet d'un permis de construire, ce dernier tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, dès lors que le projet a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial compétente ou, le cas échéant, d'un avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial saisie d'un recours contre l'avis de la commission départementale.

4. Dans sa rédaction issue de l'article 52 de la loi du 18 juin 2014 mentionnée ci-dessus, le I de l'article L. 752-17 du code de commerce dispose que : " Conformément à l'article L.425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial (...) ".

5. Pour l'application de l'article L. 752-17 du code du commerce, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt à former un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'autorisation donnée à ce projet par la commission départementale puis, en cas d'autorisation à nouveau donnée par la Commission nationale, un recours contentieux. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.

6. D'une part, aux termes de l'article R. 752-3 du code de commerce, dans sa rédaction applicable depuis le 15 février 2015 : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la SA Immobilière européenne des mousquetaires consiste en la création d'un magasin de bricolage et d'un bâti " drive " à l'enseigne " Brico cash " d'une surface de vente de 4 874 m² à Pierrelatte. Si la société requérante, qui exploite un magasin de bricolage sur le territoire de la commune de Saulce-sur-Rhône, situé à 44 kilomètres du projet soit plus de 34 minutes en voiture, fait valoir que la zone de chalandise du projet aurait été mal définie, il ressort du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale que la société pétitionnaire a délimité la zone de chalandise à 50 communes réparties sur 4 départements (Ardèche, Drôme, Gard et Vaucluse) en limitant le temps d'accès maximal en voiture des consommateurs à 28 minutes à l'Est de la zone, 25 minutes à l'Ouest, 22 minutes au Sud et 18 minutes au Nord. Elle a ainsi tenu compte, au regard des temps de déplacement, de la nature et de la taille de l'équipement envisagé. Il ne saurait à ce titre être contesté, et quand bien même cela n'est pas relevé dans le dossier de demande, qu'il existe une barrière psychologique constituée au Nord du projet par l'agglomération de Montélimar, laquelle a été considérée comme un pôle extérieur, exclu de la zone de chalandise. Enfin, il a été tenu compte du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants dans la zone ainsi définie à savoir ceux de la ZAC de la Croix d'Or à Pierrelatte situé à 4 km du projet et du pôle secondaire de Bollène situé à 12,4 km du projet dans lesquels ont été identifiés 8 magasins de bricolage. En dehors de la zone, outre les pôles commerciaux de l'agglomération de Montélimar, les pôles commerciaux d'Orange et de Bagnols-sur-Cèze ont été identifiés comme exerçant une influence. Alors même le projet litigieux qui, compte tenu de la nature de l'activité exercée, n'est pas destiné à attirer exclusivement une clientèle de proximité, il ressort de ces éléments que la SA Immobilière européenne des mousquetaires a pu valablement exclure de sa zone de chalandise la commune de Saulce-sur-Rhône situé à 23 km au Nord de Montélimar et partant, le magasin exploité par la requérante. Contrairement à ce que soutient cette dernière, il ne ressort pas des pièces du dossier que la définition de la zone de chalandise serait trop restrictive.

8. D'autre part, si la société requérante affirme que la zone de chalandise du projet chevaucherait celle de son magasin de bricolage dès lors que 19,3 % de sa clientèle provient de communes appartenant à la zone de chalandise susdéfinie, elle n'apporte, à l'appui du tableau qu'elle produit pour l'étayer, aucun élément permettant de corroborer ses affirmations. A supposer même que le chevauchement des deux zones de chalandise soit établi, la société requérante n'établit pas que le projet litigieux aurait une incidence significative sur son activité commerciale en se bornant à alléguer d'une éventuelle perte de clientèle de 19,3 %. Il suit de là que la SAS Brico Dépôt ne dispose pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire litigieux. Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres fins de non-recevoir opposées en défense ni les moyens de la requête, les conclusions de la SAS Brico Dépôt dirigées contre cette décision sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Pierrelatte et de la SA Immobilière européenne des mousquetaires, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande la SAS Brico Dépôt au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance.

10. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement de sommes de 2 000 euros, d'une part, à la commune de Pierrelatte, d'autre part, à la SA Immobilière européenne des mousquetaires, au titre des frais exposés par elles dans cette instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Brico Dépôt est rejetée.

Article 2 : La SAS Brico Dépôt versera à la commune de Pierrelatte une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SAS Brico Dépôt versera à la SA Immobilière européenne des mousquetaires une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Brico Dépôt, à la commune de Pierrelatte, à la SA Immobilière européenne des mousquetaires, au président de la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2021.

4

N°20LY02688


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02688
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DEBAUSSART

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2021-11-10;20ly02688 ?
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