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18/01/2022 | FRANCE | N°20LY02157

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 18 janvier 2022, 20LY02157


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société anonyme Mutuelles du Mans Assurances IARD a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de la société Autoroutes Tunnel du Mont Blanc (ATMB) de rejet de sa réclamation indemnitaire préalable en date du 24 mai 2018, et de condamner la société ATMB à lui verser la somme de 40 023,24 euros en réparation de son préjudice.

Par un jugement n° 1806100 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

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Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2020 et le 1er juillet 2021, la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société anonyme Mutuelles du Mans Assurances IARD a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de la société Autoroutes Tunnel du Mont Blanc (ATMB) de rejet de sa réclamation indemnitaire préalable en date du 24 mai 2018, et de condamner la société ATMB à lui verser la somme de 40 023,24 euros en réparation de son préjudice.

Par un jugement n° 1806100 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2020 et le 1er juillet 2021, la SA Mutuelles du Mans Assurances IARD (MMA IARD), représentée par Me Pousset-Bougere, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner la société ATMB à lui verser la somme de 40 023,24 euros en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge de la société ATMB le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable et n'est pas tardive, le rejet implicite de son recours gracieux étant né le 1er août 2018 ; le courrier en date du 12 juillet 2018 par lequel le conseil de la société ATMB faisant part de la volonté de sa mandante de rejeter ce recours gracieux ne comportait pas la mention des voies et délai de recours, les délais de recours ne sont donc pas opposables en application de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ;

- le lien de causalité entre le débordement du bassin de rétention dont la société ATMB est gestionnaire et le sinistre qui a donné lieu à l'indemnisation de la victime à raison de l'inondation de la voie communale est établi ; l'examen de la configuration des lieux démontre que, par temps sec, le niveau du bassin de rétention se situe quasiment au niveau de la route ;

- la société ATMB est consciente de ce problème d'inondation de la route du Téléphérique, récurrent à chaque épisode pluvieux, qui oblige le centre technique municipal de la commune d'Estrembières à la fermeture de cette voie fréquentée ;

- subrogée dans les droits de la commune en sa qualité d'assureur, elle est fondée à rechercher la responsabilité du gestionnaire du bassin de rétention aux fins d'en obtenir le remboursement d'une somme de 40 023,24 euros correspondant aux sommes qu'elle a versées à titre d'indemnisation à la victime, pour 12 504,15 euros, et son assureur, pour 27 519,09 euros.

- la circonstance que la victime n'était pas assurée est sans incidence sur le lien de causalité avec la survenance de l'accident et ne peut avoir aucun effet exonératoire de responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2020, la SA Autoroutes Tunnel du Mont-Blanc ATMB conclut à l'irrecevabilité de la requête à raison de la tardiveté de la demande indemnitaire, au rejet de la requête et à la condamnation de la SA MMA à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SA ATMB expose que :

- la demande était tardive au regard des dispositions de l'articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative ;

- la preuve qu'il incombe à la requérante d'apporter de l'existence de la relation causale entre le bassin de rétention des eaux pluviales de l'aire de repos du Salève et l'inondation litigieuse de la voie commune dite route du Téléphérique, appartenant au domaine public routier de la commune, n'est pas apportée, faute de constatation et d'expertise contradictoire le jour du sinistre ; il lui incombe de prouver que le dommage a été causé par l'ouvrage public et non par la situation naturelle des lieux ; la configuration naturelle des lieux n'est pas suffisante pour mettre en jeu la responsabilité de plein droit d'ATMB ; le sinistre a eu lieu sur la voie communale ;

- aucun élément du dossier ne permet de rattacher le sinistre à un ouvrage d'ATMB ;

- la commune, compétente en matière de gestion des eaux pluviales sur son territoire, en acceptant d'indemniser l'usager a reconnu les conditions d'engagement de sa responsabilité dans ce dommage pour faute présumée tirée du défaut d'entretien normal de la voie communale ou pour faute résultant de l'absence d'exercice de son pouvoir de police administrative consistant dans la fermeture préalable de la voie ; la demande de sa compagnie d'assurance n'est donc pas justifiée ;

- la victime a encouru à la réalisation du dommage en omettant d'assurer son véhicule à moteur ;

- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cécile Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Penet, représentant la SA Mutuelles du Mans Assurances IARD, et celles de Me Schmidt, représentant la société ATMB.

Considérant ce qui suit :

1. La société MMA IARD, assureur de la commune d'Etrembières, a, pour le compte de son assurée, indemnisé à hauteur de 40 023,24 euros le propriétaire d'un véhicule, totalement inondé et déclaré économiquement non réparable, resté immobilisé le 16 juin 2016 sur la voie communale " rue du téléphérique " pour cause d'inondation de la chaussée. Par un courrier notifié le 31 mai 2018, la société MMA IARD a réclamé à la société ATMB le remboursement de cette somme, au motif que le sinistre avait été causé par le débordement du bassin de rétention des eaux pluviales géré par cette dernière, situé sur l'aire de repos du Salève, à proximité immédiate de la voie inondée. Par la présente requête, la SA MMA IARD relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la SA ATMB à lui verser, sur le fondement du dommage accidentel de travaux publics, la somme de 40 023,24 euros versée à la victime en réparation du préjudice subi.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande :

2. Aux termes de l'article R. 421-5 de ce même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

3. La SA ATMB oppose à la requête de la SA MMA IARD une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de sa demande pour tardiveté, en se prévalant, sur le fondement des dispositions précitées des articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative, de la notification par courrier du 12 juillet 2018, du rejet express, adressé par son conseil, de la réclamation préalable du 24 mai 2018. Toutefois, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, en l'absence de mention des voies et délais de recours dans la décision de rejet, le délai de recours n'étant pas opposable, la demande de la SA MMA IARD devant le tribunal administratif de Grenoble n'était pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense ne peut être accueillie.

Sur la responsabilité de la SA ATMB :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances, " l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ".

5. D'autre part, le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel. Il appartient toutefois au tiers, victime d'un dommage de travaux publics de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage public relevant de la responsabilité de son gestionnaire et les préjudices dont il se plaint.

6. Il résulte de l'instruction que la SA MMA a versé, à titre d'indemnisation, pour le compte de son assurée, la commune d'Etrembières, une somme de 40 023,24 euros aux propriétaires du véhicule resté immobilisé sur la voie communale dite " rue du Téléphérique ", le 16 juin 2016, en réparation du préjudice subi à raison de la destruction du véhicule par l'inondation de cette voie. En qualité de subrogée dans les droits et actions de la commune d'Etrembières, en application des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, la compagnie d'assurance requérante impute la cause du dommage résultant de l'inondation de la voie communale au débordement du bassin de rétention et d'évacuation par infiltrations des eaux pluviales, situé en bordure de la voie, et recherche la responsabilité de la SA ATMB, en tant que société concessionnaire de la construction et de l'exploitation de l'ouvrage public en cause.

7. Pour rejeter sa demande, le tribunal administratif de Grenoble a jugé que la SA MMA IARD n'établissait pas le lien de causalité entre le bassin de rétention et l'inondation de la voie, en omettant d'établir l'existence de précipitations sur la zone à cette date.

8. Toutefois, la société requérante fait valoir que le dommage est intervenu après un épisode pluvieux le 15 juin 2016, comme en attestent les relevés météorologiques produits en appel, et que le défaut d'entretien de l'ouvrage public est à l'origine du dommage causé par le débordement du bassin de rétention des eaux pluviales. Il résulte de l'instruction et notamment des échanges intervenus entre la commune et la SA ATMB, dont la requérante fait état, que le gestionnaire de l'ouvrage public avait connaissance du caractère récurrent, à chaque épisode pluvieux, de l'inondation de la voie communale située en bordure immédiate, causée par le débordement du bassin de rétention des eaux pluviales géré par la SA ATMB, contraignant le centre technique municipal à procéder à la fermeture de la voie. D'autre part, ces échanges permettent de constater que, dès 2015, des travaux de curage du bassin de rétention avaient été prescrits par la commune, dans le cadre de ses pouvoirs de police générale en application des articles L. 2221-1 et L. 2221-2 du code général des collectivités territoriales, en vue de faire cesser le dommage récurrent d'inondation de la voie causé par l'ouvrage public. En défense, la SA ATMB n'établit, ni même n'allègue avoir entrepris ces travaux d'entretien avant l'intervention du sinistre. Si elle se prévaut de la situation des lieux en faisant valoir que l'ouvrage public en cause est situé en contrebas d'une carrière, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que le fonctionnement du bassin de rétention des eaux de la carrière mis en service avant la date du sinistre serait à l'origine de l'inondation de la voie communale ou aurait provoqué le débordement du bassin de rétention des eaux pluviales qu'elle exploite. En se bornant à soutenir que le véhicule indemnisé n'était pas assuré par son conducteur, la SA ATMB échoue à dégager sa responsabilité, le dommage subi à raison de l'inondation de la voie, étant exclusivement imputable au défaut d'entretien de l'ouvrage public dont elle assure la gestion. Nonobstant l'absence de constatations contradictoires ou expertales le jour du sinistre, par les circonstances qu'elle invoque, la requérante rapporte la preuve qui lui incombe du lien de causalité entre le débordement du bassin de rétention et l'inondation de la voie à l'origine directe et exclusive du préjudice ayant donné lieu à indemnisation, fait générateur de sa créance. Il y a, par suite, lieu de condamner la SA ATMB à lui verser la somme de 40 023,24 euros correspondant à l'indemnité versée en réparation intégrale du dommage subi par le tiers.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SA MMA est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SA MMA IARD, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée en appel par la SA ATMB au titre des frais exposés par elle en cours d'instance et non compris dans les dépens. Il y a lieu, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SA ATMB une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA MMA IARD en appel et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1806100 du tribunal administratif de Grenoble en date du 4 juin 2020, est annulé.

Article 2 : La société anonyme Autoroutes Tunnel du Mont Blanc est condamnée à verser à la société anonyme Mutuelles du Mans Assurances IARD la somme de 40 023,24 euros.

Article 3 : La société anonyme Autoroutes Tunnel du Mont Blanc versera à la société anonyme Mutuelles du Mans Assurances IARD une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mutuelles du Mans Assurances IARD et à la société anonyme Autoroutes Tunnel du Mont Blanc.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président-assesseur,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2022.

5

N° 20LY02157


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02157
Date de la décision : 18/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité sans faute. - Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle CONESA-TERRADE
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL GAILLARD et OSTER ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-01-18;20ly02157 ?
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