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17/02/2022 | FRANCE | N°20LY00220

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 17 février 2022, 20LY00220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

MM. Arnaud D..., Gaëtan Barrault et Thomas C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2018 par lequel le préfet du Rhône a interdit une manifestation sur la voie publique le 8 décembre 2018 et intitulée " marche culturelle ", prévue entre la place du Change et la place Fourvière à Lyon.

Par un jugement n° 1900914 du 20 novembre 2019, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 janvier 202

0, MM. D..., Barrault et C..., représentés par Me Lambert, demandent à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

MM. Arnaud D..., Gaëtan Barrault et Thomas C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2018 par lequel le préfet du Rhône a interdit une manifestation sur la voie publique le 8 décembre 2018 et intitulée " marche culturelle ", prévue entre la place du Change et la place Fourvière à Lyon.

Par un jugement n° 1900914 du 20 novembre 2019, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2020, MM. D..., Barrault et C..., représentés par Me Lambert, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté est constitutif d'une discrimination et d'un détournement de pouvoir dès lors qu'il a été pris en raison de leurs opinions politiques ;

- le préfet a commis une erreur de fait et une erreur d'appréciation en interdisant cette manifestation en l'absence de risque avéré de trouble à l'ordre public et alors qu'il existait des moyens suffisants pour assurer la sécurité de cette marche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 décembre 2018, le préfet du Rhône a interdit la manifestation intitulée " marche culturelle ", prévue 8 décembre 2018 entre la place du Change et la place Fourvière à Lyon. MM. D..., Barrault et C..., organisateurs de cette marche, relèvent appel du jugement du 20 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont soumis à l'obligation d'une déclaration préalable tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d'une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " La déclaration est faite à la mairie de la commune ou aux mairies des différentes communes sur le territoire desquelles la manifestation doit avoir lieu, trois jours francs au moins et quinze jours francs au plus avant la date de la manifestation. (...) Elle est faite au représentant de l'Etat dans le département en ce qui concerne les communes où est instituée la police d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-4 du même code : " Si l'autorité investie des pouvoirs de police estime que la manifestation projetée est de nature à troubler l'ordre public, elle l'interdit par un arrêté qu'elle notifie immédiatement aux signataires de la déclaration au domicile élu. (...). ".

3. Le respect de la liberté de manifestation, qui est au nombre des libertés fondamentales, doit être concilié avec le maintien de l'ordre public. Il appartient à l'autorité investie du pouvoir de police d'apprécier le risque de troubles à l'ordre public et de prendre les mesures de nature à prévenir de tels troubles dont, le cas échéant, l'interdiction de manifestation si une telle mesure est seule de nature préserver l'ordre public.

4. Pour justifier de l'existence de risques de troubles à l'ordre public et décider d'interdire la manifestation en litige, le préfet du Rhône s'est fondé sur le fait que cette manifestation était organisée par des personnes connues comme appartenant à la mouvance d'extrême droite, dite identitaire, et qu'il existait un risque avéré d'échanges violents, leurs opposants idéologiques d'extrême gauche ayant systématiquement appelé à des contre-manifestations. Le préfet a ainsi relevé dans son arrêté qu'entre mars et octobre 2018 de nombreux incidents ont opposé militants d'extrême droite et militants d'extrême gauche à Lyon, entrainant des dégradations de locaux et des rixes. Les requérants, qui ne contestent pas la matérialité des différents faits exposés avec précision par le préfet, se bornent à faire valoir que leur marche annuelle s'est tenue sans heurts jusqu'en 2015 et que leur communiqué du 2 décembre 2018, cité dans l'arrêté préfectoral, ne dénonçait pas les actions de l'extrême gauche mais de la gauche. Dans ces conditions, le préfet n'a commis ni erreur de fait ni erreur d'appréciation en estimant qu'il existait à la date de son arrêté un risque de troubles à l'ordre public.

5. La manifestation devait se dérouler au plein cœur du Vieux Lyon le 8 décembre 2018, pendant la fête des Lumières qui rassemble deux à trois millions de visiteurs. Compte tenu du risque terroriste et des tensions sociales prévalant alors, l'organisation de cet évènement a nécessité la mise en place d'un dispositif de sécurité renforcé mobilisant les forces de l'ordre déjà très sollicitées. La circonstance que l'itinéraire que devait emprunter la marche était inclus dans un des périmètres de sécurité renforcé ne suffisait pas seule à en assurer la sécurité, les forces de l'ordre devant en priorité être mobilisées pour assurer la sécurité des participants à la fête. Dans ce contexte, et ainsi que l'a estimé le préfet, seule l'interdiction de la manifestation était de nature à préserver l'ordre public.

6. Si d'autres manifestations également prévues le 8 décembre 2018 à Lyon n'ont pas été interdites, il ne ressort pas des pièces du dossier que leur organisation pouvait entraîner un risque comparable d'atteinte à l'ordre public. Dès lors, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, que le risque de troubles à l'ordre public était avéré et que la seule manière de le prévenir était d'interdire cette manifestation, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils seraient victimes d'une discrimination eu égard à leurs opinions politiques.

7. Enfin, ainsi que l'a indiqué le tribunal qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

8. Il résulte de ce qui précède que MM. D..., Barrault et C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande. Leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MM. D..., Barrault et C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., désigné comme représentant unique des requérants, et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, présidente assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2022.

2

N° 20LY00220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00220
Date de la décision : 17/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-03 Police. - Police générale. - Sécurité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : LAMBERT PIERRE-VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-02-17;20ly00220 ?
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