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07/04/2022 | FRANCE | N°20LY02372

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 07 avril 2022, 20LY02372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la sanction disciplinaire de quinze jours d'arrêts, prononcée le 4 décembre 2017, ensemble le rejet de recours hiérarchique qui lui a été opposé le 7 février 2018, d'autre part, de condamner l'État à lui verser la somme de 44 817,48 euros en indemnisation des préjudices nés de cette sanction.

Par jugement n° 1801998, 1804147 lu le 30 juin 2020, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la courr>
Par requête enregistrée le 19 août 2020, M. A..., représenté par Me Laborie, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la sanction disciplinaire de quinze jours d'arrêts, prononcée le 4 décembre 2017, ensemble le rejet de recours hiérarchique qui lui a été opposé le 7 février 2018, d'autre part, de condamner l'État à lui verser la somme de 44 817,48 euros en indemnisation des préjudices nés de cette sanction.

Par jugement n° 1801998, 1804147 lu le 30 juin 2020, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 19 août 2020, M. A..., représenté par Me Laborie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions susmentionnées ;

2°) de condamner l'État à lui verser une somme de 15 250 euros outre intérêts de droit à compter de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'omission à statuer sur les moyens tirés du défaut d'information du droit à être assisté par un tiers et de l'irrégularité de l'entretien disciplinaire ;

- la sanction est irrégulière pour être intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et partiale ;

- le motif de la sanction est entaché d'erreur matérielle et les faits qui lui sont reprochés ne sont pas de nature à être qualifiés de fautifs ;

- la sanction n'est pas proportionnée ;

- il a subi un préjudice moral et un préjudice financier du fait de cette sanction illégale, la responsabilité de l'État est engagée pour cette illégalité fautive.

Par mémoire enregistré le 15 avril 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute de contestation du rejet implicite de sa demande indemnitaire devant la commission de recours militaire ;

- aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 23 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil, notamment l'article 1231-7 ;

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me Laborie, pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., brigadier-chef de 1ère classe, relève appel du jugement du 20 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la sanction de quinze jours d'arrêts qui lui a été infligée et du rejet de son recours hiérarchique, ainsi que ses demandes indemnitaires.

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours hiérarchique ou gracieux et de ne former un recours contentieux que lorsque ce recours préalable a été rejeté. L'exercice d'un tel recours n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours précontentieux doit nécessairement être regardé comme dirigé contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2018 rejetant son recours formé à l'encontre de la sanction disciplinaire du 4 décembre 2017 doivent ainsi être regardées comme dirigées également contre la décision du 4 décembre 2017.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4122-3 du code de la défense : " Le militaire est soumis aux obligations qu'exige l'état militaire conformément au deuxième alinéa de l'article L. 4111-1. Il exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ". Aux termes de l'article L. 4137-2 du même code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : 1° Les sanctions du premier groupe sont : (...) e) Les arrêts (...) ". Aux termes de l'article R. 4137-13 du même code : " Tout supérieur a le droit et le devoir de demander à ce que les militaires placés au-dessous de lui dans l'ordre hiérarchique soient sanctionnés pour les fautes ou les manquements qu'ils commettent (...) ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, au préalable de vérifier la matérialité des faits puis, si cette condition est vérifiée et s'il est saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Il est reproché à M. A... d'avoir le 2 novembre 2017, alors qu'il était en permission et qu'il était venu déposer à son chef de peloton un compte-rendu sur des faits de harcèlement dont il s'estimait victime, tenu des propos menaçants envers un sous-officier qui aurait propagé des rumeurs sur son compte. Il aurait été repris immédiatement par son chef de peloton sur la gravité de ces propos. Toutefois, M. A... tout au long de la procédure a nié avoir tenu de tels propos. La ministre de la défense se borne à se prévaloir exclusivement du compte-rendu du chef de peloton, rédigé douze jours plus tard, en des termes peu circonstanciés et qu'aucun élément objectif ne corrobore. Il suit de là que la matérialité de la faute imputée à M. A... ne ressort pas des pièces du dossier et ne peut être tenue pour établie. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de la sanction du 4 décembre 2017 et, par voie de conséquence, du rejet de recours hiérarchique, ainsi que du jugement attaqué en ce qu'il rejette la demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Aux termes de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I. -Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense (...) / II.- Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : 1° (...) l'exercice du pouvoir disciplinaire (...) ".

8. La décision du 4 décembre 20017 étant une sanction disciplinaire, la demande indemnitaire qui lui est connexe relève de la dérogation envisagée par les dispositions précitées du II-1° de l'article R. 4125-1 du code de la défense. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense doit être écartée.

9. La punition de quinze jours d'arrêt, entachée d'illégalité fautive, ayant été mise à exécution, M. A... a été privé de sa liberté d'aller et de venir et de sa vie privée et familiale. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral en l'évaluant à la somme de 1 200 euros. En revanche, M. A... n'établit pas la réalité du préjudice correspondant aux frais d'avocats qu'il soutient avoir exposés.

10. Il résulte de ce qui précède que l'État doit être condamné à verser à M. A... une somme de 1 200 euros et que le jugement attaqué doit être annulé en ce qu'il rejette la demande indemnitaire à hauteur de ladite somme. Enfin, les intérêts au taux légal courant de plein droit, sauf si le juge en décide autrement, à compter de la mise à disposition de l'arrêt, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce que la présente condamnation soit assortie des intérêts à compter du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801998, 1804147 lu le 30 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en ce qu'il rejette, d'une part, la demande d'annulation de la sanction infligée le 4 décembre 2017 à M. A... et le rejet de recours hiérarchique opposé le 7 février 2018, d'autre part, en ce qu'il rejette la demande indemnitaire de M. A... à hauteur de 1 200 euros.

Article 2 : La sanction disciplinaire de quinze jours d'arrêts infligée à M. A..., le 4 décembre 2017 et le rejet de recours hiérarchique opposé le 7 février 2018 sont annulés.

Article 3 : L'État est condamné à verser à M. A... une somme de 1 200 euros.

Article 4 : L'État versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre des armées, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 20LY02372 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02372
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : LABORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-07;20ly02372 ?
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