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19/04/2022 | FRANCE | N°20LY02719

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 19 avril 2022, 20LY02719


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B..., Mme D... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne à verser à Mme C... B... la somme de 105 818,75 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de sa prise en charge dans cet établissement le 13 juillet 2009 et la somme de 5 000 euros chacun à M. E... B... et Mme D... B... en raison de leurs préjudices propres.

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, appelée à l'instanc

e, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B..., Mme D... B... et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne à verser à Mme C... B... la somme de 105 818,75 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de sa prise en charge dans cet établissement le 13 juillet 2009 et la somme de 5 000 euros chacun à M. E... B... et Mme D... B... en raison de leurs préjudices propres.

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier Lucien Hussel à lui rembourser la somme de 2 866 euros au titre de ses débours et de mettre à la charge du centre hospitalier l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1804240 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier Lucien Hussel à verser à Mme C... B... une somme de 68 300 euros, à M. E... B... et Mme D... B... une somme de 3 000 euros chacun et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme totale de 3 821 euros au titre de ses débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2020 et des mémoires enregistrés le 20 novembre 2020 et le 26 janvier 2021, le centre hospitalier Lucien Hussel, représenté par Me Le Prado, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1804240 du 15 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les demandes présentées par les consorts B... et par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la prise en charge initiale au centre hospitalier Lucien Hussel avait été fautive, dans la mesure où la luxation de la tête radiale n'avait pas été décelée et n'avait pu être réduite ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que cette faute devait être regardée comme la cause directe des conséquences dommageables de l'infection dont a été victime C... B... ;

- alors que le traitement orthopédique n'est pas suffisant dans 10 % des cas face au type de lésion en cause, il ne pouvait être condamné à réparer l'entier dommage ; il convient de retenir une perte de chance de 90 % ;

- à titre subsidiaire, le tribunal a procédé à une évaluation excessive des préjudices subis ;

- compte tenu d'un taux de perte de chance de 90 %, l'indemnisation mise à sa charge doit être limitée à :

* la somme de 4 855,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

* la somme de 4 500 euros au titre des souffrances endurées ;

* la somme de 900 euros au titre du préjudice esthétique ;

* la somme de 5 580 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

* la somme de 20 908,80 euros au titre des besoins d'assistance par une tierce personne ;

- aucun préjudice d'affection ou de troubles dans les conditions d'existence n'est établi ;

- le préjudice d'agrément de Mme C... B... en lien avec la faute commise n'est pas établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 décembre 2020, les consorts B..., représentés par Me Forestier, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation du centre hospitalier Lucien Hussel à verser à Mme C... B... la somme de 106 068,75 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de sa prise en charge dans cet établissement le 13 juillet 2009 et la somme de 5 000 euros chacun à M. E... B... et Mme D... B... en raison de leur préjudice moral ;

3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le manquement aux règles de l'art commis par le centre hospitalier Lucien Hussel est à l'origine directe de l'intégralité du dommage subi ;

- Mme C... B... a droit à :

* la somme de 57 937,50 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne ;

* la somme de 11 131,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

* la somme de 20 000 euros au titre des souffrances endurées ;

* la somme de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

* la somme de 10 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

* la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

* la somme de 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- M. et Mme B..., parents F... B..., ont droit à la somme de 5 000 euros chacun au titre du préjudice moral qu'ils ont subi.

Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2021, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par Me Philip de Laborie, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la prise en charge initiale au centre hospitalier Lucien Hussel de C... B... n'a pas été conforme aux règles de l'art dans la mesure où la luxation de la tête radiale n'a pas été décelée et n'a donc pu être réduite ; cette faute a rendu nécessaire la reprise opératoire du 30 juillet 2009 au cours de laquelle la patiente a contracté une infection nécessitant plusieurs interventions chirurgicales ; la faute commise par le centre hospitalier Lucien Hussel est ainsi la cause directe des conséquences dommageables de cette infection ;

- elle a droit au remboursement des frais hospitaliers qu'elle a exposés en lien direct avec cette faute, pour un montant de 2 866 euros, et au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale à hauteur de 955 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Orhan-Lelièvre, représentant les consorts B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 13 juillet 2009, C... B..., alors âgée de sept ans, s'est blessée à l'avant-bras droit à la suite d'une chute de poney. Elle a été admise, le même jour, au service des urgences au centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne où elle a subi, après que le diagnostic d'une fracture diaphysaire du cubitus a été posé, une réduction orthopédique et une immobilisation du bras par la pose d'un plâtre. Une radiographie de contrôle, réalisée le 30 juillet 2009, a révélé un déplacement de la fracture et a confirmé une luxation de la tête radiale du coude, qui a rendu nécessaire une intervention chirurgicale avec ostéosynthèse, pratiquée le même jour à hôpital Femme-mère-enfant de Bron, dépendant des hospices civils de Lyon. L'apparition de complications infectieuses à la suite de cette intervention a nécessité plusieurs hospitalisations et interventions entre septembre 2009 et octobre 2013. Saisi par M. et Mme B..., le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise confiée à la docteure Chapuis, médecin en épidémiologie et hygiène hospitalière, qui s'est adjointe comme sapiteur le professeur A..., chirurgien orthopédiste. A la suite du dépot par l'expert de son rapport, M. et Mme B..., en leurs noms propres et en leur qualité de représentants légaux de la jeune C..., alors mineure, ont recherché devant le tribunal administratif de Grenoble la responsabilité du centre hospitalier Lucien Hussel au titre de l'erreur de diagnostic commise dans la nature de la fracture dont souffrait l'enfant lors de sa prise en charge dans cet établissement. Par un jugement du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Grenoble a retenu que la prise en charge initiale de C... B... au centre hospitalier Lucien Hussel n'était pas conforme aux règles de l'art en ce que la luxation de la tête radiale n'avait pas été décelée et que cette faute, qui a rendu nécessaire l'intervention chirurgicale du 30 juillet 2009 au cours de laquelle la patiente a contracté une infection, était la cause directe des conséquences dommageables de cette infection. Le tribunal administratif de Grenoble a condamné le centre hospitalier à réparer l'entier dommage subi et, en conséquence, à verser, d'une part, à Mme C... B... une somme de 68 300 euros au titre des préjudices qu'elle a subis, et à ses parents, M. et Mme B... une somme de 3 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 2 866 euros au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 955 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le centre hospitalier Lucien Hussel relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, les consorts B... demandent que les sommes qui leur ont été allouées par les premiers juges soient majorées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si, dans sa requête sommaire, le centre hospitalier Lucien Hussel soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé, il n'assortit ce moyen d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors, au demeurant, que le jugement comporte l'énoncé des motifs fondant son dispositif. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier Lucien Hussel :

3. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise ordonnée en référé par le tribunal administratif de Lyon, que la radiographie initiale du 13 juillet 2009 a montré que Mme C... B... souffrait d'une lésion complexe de l'avant-bras droit, dite de Monteggia, associant une fracture de la partie centrale du cubitus à une luxation de la tête radiale. Toutefois, cette luxation n'a pas été décelée lors de la réduction orthopédique réalisée le même jour au centre hospitalier Lucien Hussel et n'a, par conséquent, pas été réduite alors que, selon l'expert, l'objectif principal dans ce type de lésion complexe est qu'il soit procédé à la réduction de la luxation de la tête radiale. Il suit de là qu'en raison de l'absence de diagnostic d'une luxation de la tête radiale et de réduction de celle-ci, l'intervention du 13 juillet 2009 a été exécutée en méconnaissance des règles de l'art. Un tel manquement constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier Lucien Hussel.

4. La faute ainsi commise dans la prise en charge de Mme B... a rendu nécessaire la réalisation, le 30 juillet 2009, d'une intervention d'ostéosynthèse complexe, au cours de laquelle la patiente a contracté une infection à staphylocoque et enterobacter cloacae. Cette faute doit, par suite, être regardée comme la cause directe des conséquences dommageables de cette infection.

5. Il résulte également du rapport d'expertise que, dans 90 % des cas, un traitement orthopédique réalisé conformément aux règles de l'art est suffisant pour réduire une fracture de Monteggia du type de celle dont souffrait Mme B.... Il suit de là que le manquement commis par le praticien du centre hospitalier Lucien Hussel dans la réduction orthopédique de la lésion de Mme B... a entraîné, pour celle-ci, une perte de chance de 90 % d'éviter l'intervention chirurgicale au cours de laquelle une mise sous tension du revêtement cutané a été à l'origine d'une nécrose, ayant permis une contamination du dehors en dedans, provoquant ainsi l'infection dont elle a été victime. Si les consorts B... font valoir que le risque infectieux à la suite d'une ostéotomie du cubitus chez l'enfant est inférieur à 1 %, cette circonstance est sans incidence sur la perte de chance pour l'intéressée d'éviter de recourir à un traitement chirurgical. Dans ces conditions, la faute commise, qui engage la responsabilité du centre hospitalier, est à l'origine d'une perte de chance de 90 % d'éviter les préjudices ayant résulté de cette infection. Il suit de là que le centre hospitalier Lucien Hussel est fondé à soutenir, pour la première fois en appel, que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à indemniser l'intégralité des conséquences dommageables de l'infection et qu'il y a lieu de mettre à sa charge la réparation de 90 % du dommage subi.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices de Mme C... B... :

6. En premier lieu, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de Mme B... en lien avec le manquement dans sa prise en charge initiale a requis l'aide d'une tierce personne, à raison d'1h30 par jour au cours des périodes où elle a subi une incapacité temporaire partielle. Entre la date de l'intervention chirurgicale pratiquée le 30 juillet 2009, rendue nécessaire par le manquement fautif du centre hospitalier Lucien Hussel, et la date de consolidation, fixée au 22 décembre 2013, se sont écoulés 1 607 jours. Il convient de déduire de la durée d'indemnisation les périodes au cours desquelles Mme B... a été hospitalisée et a subi un préjudice temporaire total, soit durant 64 jours. Dès lors qu'il résulte de l'expertise que l'aide d'une tierce personne consiste en une assistance non spécialisée pour la toilette, l'habillage et la prise des repas, il y a lieu de calculer la somme à allouer à Mme B... à partir d'un taux horaire de 13,50 euros, légèrement supérieur au coût horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré des cotisations sociales entre 2009 et 2013, lequel s'élevait alors à 12,79 euros et tenant compte ainsi des majorations de rémunération pour travail du dimanche, et non à partir d'un taux horaire de 25 euros, comme le prétendent les intimés. En outre, afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours. Il est constant que Mme B... n'a pas perçu une rente ou une indemnité qui lui aurait été allouée au titre de l'assistance par tierce personne. Les frais au titre de l'aide d'une tierce personne sur cette période s'élèvent ainsi, compte tenu d'un taux de perte de chance de 90 %, à la somme de 31 742,26 euros.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que Mme B... a, du 30 juillet 2009 au 22 décembre 2013, subi un déficit fonctionnel total durant les 64 jours au cours desquels elle a été hospitalisée en lien avec la faute commise et un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25 % durant 1 543 jours. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise, qu'en l'absence de faute, la fracture de Mme B... aurait justifié, à compter du 15 juillet 2009, une immobilisation par plâtre durant 45 jours puis une rééducation, d'une durée comprise entre 45 jours et trois mois, qu'il convient de déduire de la période indemnisable avecun déficit fonctionnel temporaire évalué à 25 %. Par suite, il y a lieu, compte tenu du taux de perte de chance de 90 % de ramener à 6 100 euros le montant dû par le centre hospitalier Lucien Hussel à Mme B... au titre du déficit fonctionnel temporaire qu'elle a subi.

9. En troisième lieu, les souffrances subies par Mme B..., en lien avec la faute, ont été évaluées par l'expert à 4 sur une échelle de 7, en tendant compte en particulier de la longueur de la multiplicité des interventions et de l'antibiothérapie administrée par voie intraveineuse. En fixant à 10 000 euros le montant de l'indemnité allouée de ce chef à l'intéressée, les premiers juges ont fait une évaluation excessive de ce préjudice, ainsi que le relève le centre hospitalier. Il y a lieu d'évaluer les souffrances endurées à 8 222 euros et, compte tenu du taux de perte de chance de 90 % retenu, de ramener l'indemnité due à ce titre à la somme de 7 400 euros.

10. En quatrième lieu, selon le rapport d'expertise, les préjudices esthétiques temporaire et permanent, en lien direct avec la faute, tenant, d'une part, au port prolongé d'un plâtre et à une infection purulente et, d'autre part, à la persistance d'une cicatrice, ont été évalués globalement par l'expert à 1 sur une échelle de 7. Compte tenu des causes distinctes de ces deux préjudices, les premiers juges, en les évaluant globalement à la somme de 1 500 euros, en ont fait une appréciation qui, compte tenu du taux de perte de chance, n'est ni insuffisante ni excessive.

11. En cinquième lieu, Mme B... souffre, après consolidation, de séquelles en lien avec la faute commise, à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent évalué par l'expert à 5 %. Compte tenu de ce taux et alors que Mme B... était âgée de douze ans à la date de consolidation, le centre hospitalier Lucien Hussel est fondé à soutenir que tribunal administratif a fait une évaluation excessive de ce chef de préjudice en le fixant à 10 000 euros. En l'espèce, il y a lieu de fixer ce chef de préjudice, compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 5 600 euros.

12. En dernier lieu, au nombre des postes de préjudice personnel postérieurs à la consolidation figure, notamment, le préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer certaines activités sportives et de loisirs. Si l'expert a retenu un tel préjudice, qu'il a qualifié de " modéré ", il n'apporte aucune précision quant aux activités que Mme B... ne pourrait plus pratiquer. Mme B... ne justifie pas davantage rencontrer depuis sa consolidation des difficultés dans l'exercice des activités de loisirs et des activités sportives qu'elle pratiquait avant les complications infectieuses dont elle a été victime. Il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu du déficit fonctionnel permanent dont elle demeure affectée, Mme B... ne pourrait pas pratiquer la musique ou l'équitation. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices de M. et Mme B... :

13. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise et des témoignages versés au débat, que M. E... B... et Mme D... B..., parents de Mme C... B..., ont subi, entre 2009 et 2013, des troubles dans leurs conditions d'existence ainsi qu'un préjudice d'affection résultant notamment des souffrances et des hospitalisations à huit reprises subies par leur fille sur une période de quatre ans pour traiter la complication infectieuse dont elle a été victime, dont le tribunal administratif a fait une évaluation, compte tenu du taux de perte de chance de 90 %, qui n'est ni exagérée ni insuffisante en leur allouant une somme de 3 000 euros chacun.

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône :

14. La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a produit un décompte détaillant les débours qu'elle a engagés duquel il résulte qu'elle a exposés des frais hospitaliers imputables à la faute commise par le centre hospitalier Lucien Hussel qui s'élèvent à la somme de 2 866 euros. La caisse peut ainsi prétendre au remboursement de la somme de 2 579,40 euros au titre de ses débours, après application du taux de perte de chance de 90 %, outre la somme, non contestée en appel, de 955 euros allouée par les premiers juges au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Lucien Hussel est fondé à soutenir qu'il y a lieu de ramener le montant de l'indemnité qu'il a été condamné à verser à Mme B... à la somme de 52 342,26 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône à la somme de 3 534,40 euros, incluant l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les frais liés au litige :

16. D'une part, il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, liquidés et taxés à la somme de 2 400 euros par ordonnance du 31 octobre 2016 du président de ce tribunal, à la charge définitive du centre hospitalier Lucien Hussel.

17. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel, partie tenue aux dépens, le versement de la somme réclamée par les consorts B... et par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 68 300 euros que le centre hospitalier Lucien Hussel a été condamné à verser à Mme C... B..., par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 juillet 2020 est ramenée à la somme de 52 342,26 euros.

Article 2 : La somme de 3 821 euros que le centre hospitalier Lucien Hussel a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, par l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 juillet 2020 est ramenée à la somme de 3 534,40 euros.

Article 3 : Le jugement 15 juillet 2020 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Lucien Hussel, à Mme C... B..., à M. E... B..., à Mme D... B... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

F. Pourny La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02719


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02719
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. - Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL FORESTIER - LELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-04-19;20ly02719 ?
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