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03/05/2022 | FRANCE | N°21LY02058

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 03 mai 2022, 21LY02058


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 mai 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2103659 du 20 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistr

e le 20 juin 2021, M. A..., représenté par Me Sene, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 mai 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2103659 du 20 mai 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2021, M. A..., représenté par Me Sene, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision le privant de délai de départ volontaire :

- son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; la décision a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 612-2 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure attaquée est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juillet 2021, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 18 août 1968, déclare être entré en France le 13 décembre 2015. Le 5 avril 2017, le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour sur ce territoire pour une durée d'un an. Il a, par la suite, sollicité le bénéfice du statut de réfugié, qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 septembre 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 février 2018. Par un arrêté du 13 février 2020, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Il a fait l'objet, le 17 mai 2021, d'un contrôle de la régularité de son séjour en France sur le fondement de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du même jour, le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 20 mai 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions attaquées :

2. M. A... invoque en appel les moyens, déjà soulevés devant le tribunal administratif, tirés du défaut de motivation des décisions attaquées et du défaut d'examen particulier de sa situation, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation que le premier juge a portée sur les mérites de ces moyens, aux points 4 et 5 du jugement attaqué. Dès lors, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, que la cour fait siens.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. M. A... fait valoir qu'il vit en France depuis 2015, avec son épouse et leur fils, âgé de 17 ans à la date de la décision attaquée, et scolarisé en classe de terminale. Toutefois, l'épouse de M. A..., de même nationalité et qui a indiqué le 4 avril 2017, à l'occasion d'un dépôt de plainte pour des faits de violences conjugales, résider habituellement en Algérie et ne pas souhaiter vivre en France, a relevé qu'elle se bornait à effectuer des allers retours avec son pays d'origine, munie d'un visa, afin de rendre visite à son fils, lequel vit aux côtés de son père depuis le 20 décembre 2016. M. A..., qui au demeurant a été interpellé le 24 août 2020 pour des faits de vol à l'étalage, ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française ou avoir noué des liens en France. Le requérant ne justifie pas davantage être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 47 ans. En outre, si M. A... fait valoir qu'il souffre de la maladie d'Addison qui nécessite un suivi médical régulier, il n'établit pas, ni même n'allègue, que ce suivi ne pourrait pas être assuré dans son pays d'origine. D'ailleurs, M. A... produit une carte établissant que cette pathologie avait été diagnostiquée en Algérie où il bénéficiait d'un traitement à base de corticoïdes. La circonstance que le fils de M. A..., alors encore mineur à la date de la décision attaquée, soit scolarisé en terminale " sciences et technologies du management et de la gestion ", ne suffit pas à établir qu'il ne pourrait pas achever en France sa scolarité ou poursuivre une scolarité normale dans son pays d'origine, où il a été scolarisé jusqu'à l'âge de 13 ans. Au demeurant, le requérant ne justifie pas des résultats scolaires de son fils. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Dès lors, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère, dont la décision opposée au requérant n'a ni pour objet, ni pour effet de le séparer de son fils, n'a pas porté, à l'intérêt supérieur de celui-ci, une atteinte méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de M. A... doit être écarté.

Sur la légalité de la décision le privant d'un délai de départ volontaire :

6. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".

7. Il ressort des termes de la décision contestée que, pour refuser au requérant un délai de départ volontaire, le préfet s'est fondé sur les dispositions du 2°, du 5° et du 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a mentionné que M. A... s'était maintenu sur le territoire français à l'expiration de son visa sans être titulaire d'un titre de séjour, s'était soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement et ne justifiait pas de ressources propres. La circonstance que M. A... ne constituerait pas une menace à l'ordre public est sans incidence sur la légalité de la décision en litige dès lors que le préfet n'a pas opposé ce motif au requérant.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. Comme il a été dit au point 1, M. A..., entré en France en 2015 à l'âge de 47 ans, a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre le 5 avril 2017 et le 13 février 2020, qu'il n'a pas exécutées. En outre, ainsi qu'il a été énoncé au point 4, l'intéressé ne démontre ni l'intensité de ses attaches familiales en France, ni l'absence de toute attache privée et familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, alors même que l'intéressé ne représenterait pas, comme il le soutient, une menace pour l'ordre public, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gayrard, président,

Mme Conesa-Terrade, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022.

Le rapporteur,

F.-X. Pin

Le président,

J.-P. GayrardLa greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02058
Date de la décision : 03/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GAYRARD
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SENE MAMADOU

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-05-03;21ly02058 ?
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