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09/06/2022 | FRANCE | N°20LY03253

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 09 juin 2022, 20LY03253


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 novembre 2020 et le 29 avril 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Versthan, représentée par Me Debaussart, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2020 par lequel le maire de la commune de Varennes-Vauzelles a délivré à la SARL REOF-CP un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la SARL REOF-CP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justic

e administrative.

Elle soutient que :

- son recours est recevable ;

- le dossier ne com...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 novembre 2020 et le 29 avril 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Versthan, représentée par Me Debaussart, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2020 par lequel le maire de la commune de Varennes-Vauzelles a délivré à la SARL REOF-CP un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la SARL REOF-CP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son recours est recevable ;

- le dossier ne comporte aucun titre habilitant la société pétitionnaire à présenter sa demande, en méconnaissance de l'article R. 752-4 du code de commerce ;

- le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale était incomplet en l'absence d'étude d'impact relative aux effets du projet sur l'animation de la vie urbaine, de recensement de l'offre commerciale dans le même secteur d'activité dans les centres-villes de la zone de chalandise, de description des pôles commerciaux situés en-dehors de la zone de chalandise, et de présentation de la contribution du projet à l'animation des secteurs existants de la zone de chalandise, en méconnaissance des articles L. 752-6 et R. 752-6 du code de commerce ;

- le dossier est également insuffisant en ce qui concerne les mesures prises pour valoriser les filières de production locales ;

- la date de réalisation des aménagements routiers et cyclables projetés est insuffisamment certaine, alors que les modifications apportées aux accès seront importantes ;

- l'avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial est entaché d'erreur d'appréciation, compte tenu de l'impact négatif du projet sur l'animation de la vie urbaine, de la mauvaise desserte du projet par les modes de transport alternatifs, et de l'absence de contribution du projet à la valorisation des filières de production locales.

La Commission nationale d'aménagement commercial a transmis des pièces, enregistrées le 7 décembre 2020.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 février 2021 et le 6 mai 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Varennes-Vauzelles, représentée par Me Tissot, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SAS Versthan une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SAS Versthan ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2021, la SARL REOF-CP, représentée par la Selarl Létang Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SAS Versthan une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, la requérante ne justifiant pas que son activité est susceptible d'être affectée par le projet ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- le décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Debaussart, représentant la SAS Versthan, et de Me Le Fouler, représentant la SARL REOF-CP ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL REOF-CP a déposé le 31 octobre 2019 en mairie de Varennes-Vauzelles (Nièvre) une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un ensemble commercial de 7 170m² de surface de vente par adjonction à un magasin et un restaurant existants d'une jardinerie de 4 250m² de surface de vente à l'enseigne " Villa Verde ". Saisie sur recours préalable du pétitionnaire dirigé contre un avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial de la Nièvre du 7 janvier 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu le 11 juin 2020 un avis favorable au projet. Par un arrêté du 7 septembre 2020, le maire de Varennes-Vauzelles a délivré à la SARL REOF-CP le permis de construire demandé, valant autorisation d'exploitation commerciale. La SAS Versthan, qui exploite un magasin à l'enseigne " Bricomarché " sur le territoire de la commune de Varennes-Vauzelles, demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne l'habilitation à déposer la demande :

2. Aux termes de l'article R. 752-4 du code de commerce : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est présentée : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes (...) ".

3. Les attestations notariées annexées au dossier de demande d'autorisation faisant état des ventes en cours des parcelles concernées par le projet ainsi que des baux à construction prévus et en cours de rédaction sont suffisantes pour permettre à la SARL REOF-CP de justifier d'un titre l'habilitant à exécuter les travaux. Le moyen tiré du défaut de justification de la maîtrise foncière doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :

4. En premier lieu, la requérante fait valoir que le pétitionnaire n'a pas produit l'analyse d'impact du projet mentionnée par le III de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Toutefois, l'article 12 du décret n° 2019-331 du 17 avril 2019 relatif à la composition et au fonctionnement des commissions départementales d'aménagement commercial et aux demandes d'autorisation d'exploitation commerciale prévoit que les mesures prises pour l'application des dispositions législatives précitées ne concerneront que les demandes d'autorisation d'exploitation commerciale déposées à compter du 1er janvier 2020. Ainsi, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions par le projet litigieux dont la demande d'autorisation a été déposée le 31 octobre 2019.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au projet, issue du décret n° 2015-165 du 12 février 2015 : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / (...) 2° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : / (...) b) Une carte ou un plan de l'environnement du projet, dans un périmètre d'un kilomètre autour de son site d'implantation, accompagné d'une description faisant apparaître, le cas échéant : / - la localisation des activités commerciales (pôles commerciaux et rues commerçantes, halles et marchés) ; / - la localisation des autres activités (agricoles, industrielles, tertiaires) ; / (...) c) La description succincte et la localisation, à partir d'un document cartographique, des principaux pôles commerciaux situés à proximité de la zone de chalandise ainsi que le temps de trajet véhiculé moyen entre ces pôles et le projet ; 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; / (...) g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial (...). / 6° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, incluant les éléments suivants : / c) Le cas échéant, description des mesures propres à valoriser les filières de production locales (...) ".

6. La circonstance que le dossier de demande d'autorisation ne comporterait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions précitées, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. Contrairement à ce que soutient la SAS Versthan, le dossier de demande d'autorisation déposé par la SARL REOF-CP contenait des indications suffisantes pour éclairer la Commission nationale d'aménagement commercial s'agissant de la localisation des autres pôles commerciaux pertinents pour l'examen de sa demande, ainsi que de la contribution du projet à l'animation du secteur, conformément aux dispositions précitées du 2° et du 4° de l'article R. 752-6 du code de commerce. A cet égard, la production par la requérante d'une analyse d'impact réalisée à son initiative n'est pas de nature à démontrer que le pétitionnaire n'aurait pas intégré à son dossier l'ensemble des informations exigées par ces mêmes dispositions, et il n'en ressort pas davantage que ces informations auraient été erronées. Si le dossier de demande ne comporte pas de rubrique, facultative, dédiée à la valorisation des filières de production locales, la Commission a été suffisamment informée sur ce point par les mémoires complémentaires lui ayant été adressés par la société pétitionnaire. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que de quelconques aménagements du boulevard desservant le projet seraient envisagés ou nécessaires, à l'exception d'une éventuelle reprise du marquage au sol en face de la nouvelle entrée du site, qui ne constitue toutefois pas un aménagement au sens des dispositions précitées, et aucun avis du département, gestionnaire de la voie, n'était par ailleurs requis, au titre de la législation commerciale, s'agissant de la sécurité de l'accès élargi au site et de l'aménagement des seules voiries internes, à la charge du pétitionnaire. Les moyens tirés du caractère incomplet du dossier et de l'incertitude quant à la date de réalisation d'aménagements routiers et cyclables doivent ainsi être écartés.

En ce qui concerne la méconnaissance des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce :

8. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés ".

9. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet consiste à créer une jardinerie sur un site situé à environ 1km du centre-ville de Varennes-Vauzelles et à 4km de celui de Nevers. Si la requérante soutient que le projet serait de nature à porter atteinte à l'animation de la vie urbaine de la zone de chalandise, en raison notamment d'un taux de vacance commerciale de 18 à 20%, soit 2 commerces vacants, en centre-ville de la commune d'implantation, et la mise en œuvre d'une opération de revitalisation du territoire dans la communauté d'agglomération de Nevers, il ne ressort toutefois pas des éléments produits que l'offre de végétaux, constituant, avec l'animalerie, l'essentiel de l'activité de la future jardinerie, serait, en tout état de cause, de nature à concurrencer significativement ou à priver durablement de clientèle les petits commerces, y compris les fleuristes, situés en centre-ville de Nevers, de Varennes-Vauzelles, ou d'une autre commune de la zone, la circonstance qu'il existerait une surdensité commerciale en grandes surfaces de jardinerie étant, par ailleurs, sans incidence sur la légalité de l'autorisation délivrée. Il n'est dès lors pas démontré que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet ne porterait pas atteinte à la vitalité des centres-villes environnants.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les aménagements permettant l'utilisation de modes de transport doux, dont la requérante soutient qu'ils n'auraient pas été validés par le gestionnaire de la voirie, existent d'ores et déjà et ne nécessitent en conséquence aucune validation supplémentaire. Par suite, eu égard par ailleurs à la nature, au poids, à l'encombrement ou à la fragilité d'une large part des produits qui seront commercialisés par la jardinerie projetée, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la desserte du projet par les transports en commun et les modes doux était satisfaisante.

12. En dernier lieu, si la jardinerie en litige sera exploitée sous l'enseigne " Villa Verde ", dont la requérante fait valoir qu'elle comprend 82 magasins et a son siège à Montpellier, il n'est toutefois pas sérieusement contesté que le projet en litige est porté par un horticulteur et pépiniériste dont l'exploitation est proche de Varennes-Vauzelles et que ce projet ouvrira de nouveaux débouchés à cette exploitation locale existante. Dans ces conditions, en estimant qu'il contribuerait à valoriser une filière de production locale, la Commission nationale n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la SARL REOF-CP, que la SAS Versthan n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SARL REOF-CP qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS Versthan la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SAS Versthan le versement d'une somme de 2 000 euros à chacun des défendeurs ayant formé une demande au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Versthan est rejetée.

Article 2 : La SAS Versthan versera à la commune de Varennes-Vauzelles ainsi qu'à la SARL REOF-CP une somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Versthan, à la commune de Varennes-Vauzelles, à la SARL REOF-CP et à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

La rapporteure,

M. Le Frapper

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

C. Langlet

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ainsi qu'au ministre de l'intérieur en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY03253

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03253
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Mathilde LE FRAPPER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LETANG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-09;20ly03253 ?
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