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16/06/2022 | FRANCE | N°19LY04630

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 16 juin 2022, 19LY04630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association de droit allemand Kreis für Natürliche Lebenshilfe a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision du 19 septembre 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Isère lui a indiqué, à la suite des délibérations du collège territorial de second examen de Lyon, qu'elle ne peut pas bénéficier de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit.

Par une ordonnance n°1808346 du 14 octobre 2019, le président de la 6ème chambre du

tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association de droit allemand Kreis für Natürliche Lebenshilfe a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de la décision du 19 septembre 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Isère lui a indiqué, à la suite des délibérations du collège territorial de second examen de Lyon, qu'elle ne peut pas bénéficier de l'exonération de droits de mutation à titre gratuit.

Par une ordonnance n°1808346 du 14 octobre 2019, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 décembre 2019 et 11 mai 2020, l'association Kreis für Natürliche Lebenshilfe, représentée par Me Jacquot, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 14 octobre 2019 et la décision du 19 septembre 2018 susvisées ;

2°) d'ordonner à l'administration fiscale de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité ; le premier juge ne pouvait pas rejeter sa demande sur le fondement du 4°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative dès lors que sa requête n'était pas entachée d'une irrecevabilité manifeste non régularisable ; elle n'a pas été préalablement informée de l'irrecevabilité de sa demande en vertu de l'article R. 611-7 du même code ; ces irrégularités entraînent une violation disproportionnée du droit effectif d'accès au juge, du procès équitable et du principe du contradictoire ; l'absence de clarté des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative constitue un manquement au caractère accessible de la loi ;

- instituée légataire universel par le biais d'un testament olographe, elle a saisi les services fiscaux d'une demande de rescrit sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales puis d'une demande de second examen sur celui de l'article L. 80 CB du même livre et conteste l'avis défavorable qui lui a été notifié ;

- cette décision entraîne des effets notables autres que fiscaux puisqu'elle est susceptible de constituer une ingérence illégale et disproportionnée dans la liberté de culte et de religion et de dissuader les donateurs et légataires français de lui verser des dons et legs ;

- elle est fondée à solliciter l'exonération des droits de mutation prévue au 10° de l'article 795 du code général des impôts.

Par deux mémoires, enregistrés les 2 avril 2020 et 25 mai 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Jacquot représentant l'association de droit allemand Kreis für Natürliche Lebenshilfe.

Une note en délibéré présentée pour l'association de droit allemand Kreis für Natürliche Lebenshilfe a été enregistrée le 25 mai 2022.

Considérant ce qui suit :

1. L'association de droit allemand Kreis für Natürliche Lebenshilfe relève appel de l'ordonnance par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté comme irrecevable, sur le fondement du 4°) de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2018 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Isère lui a indiqué, à la suite des délibérations du collège territorial de second examen de Lyon, qu'elle n'était pas éligible au régime d'exonération des droits de mutation à titre gratuit prévu par les dispositions du 10° de l'article 795 du code général des impôts.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...) / La demande de régularisation mentionne qu'à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal. Elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ". Aux termes de l'article L. 80 CB du même livre : " Lorsque l'administration a pris formellement position à la suite d'une demande écrite, précise et complète déposée au titre des 1° à 6° ou du 8° de l'article L. 80 B ou de l'article L. 80 C par un redevable de bonne foi, ce dernier peut saisir l'administration, dans un délai de deux mois, pour solliciter un second examen de cette demande, à la condition qu'il n'invoque pas d'éléments nouveaux. (...) Lorsqu'elle est saisie d'une demande de second examen, auquel elle procède de manière collégiale, l'administration répond selon les mêmes règles et délais que ceux applicables à la demande initiale, décomptés à partir de la nouvelle saisine. "

4. Une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal en réponse à une demande présentée par un contribuable dans les conditions prévues par les dispositions mentionnées au point précédent a, eu égard aux effets qu'elle est susceptible d'avoir pour le contribuable et, le cas échéant, pour les tiers intéressés, le caractère d'une décision. En principe, la décision prise par l'administration à la suite d'un second examen, qui se substitue à la prise de position initiale, ne peut pas, compte tenu de la possibilité d'un recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt, être contestée par le contribuable par la voie du recours pour excès de pouvoir. Toutefois, cette voie de droit est ouverte lorsque la prise de position de l'administration, à supposer que le contribuable s'y conforme, entraînerait des effets notables autres que fiscaux et qu'ainsi, la voie du recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt ne lui permettrait pas d'obtenir un résultat équivalent. Il en va ainsi, notamment, lorsque le fait de se conformer à la prise de position de l'administration aurait pour effet, en pratique, de faire peser sur le contribuable de lourdes sujétions, de le pénaliser significativement sur le plan économique ou encore de le faire renoncer à un projet important pour lui ou de l'amener à modifier substantiellement un tel projet.

5. Un recours pour excès de pouvoir contre une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal ne peut être rejeté comme manifestement irrecevable pour défaut d'effets notables autres que fiscaux, par une ordonnance prise sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sans avoir au préalable invité le requérant à régulariser sa requête en apportant les précisions permettant d'en apprécier la recevabilité au regard des exigences mentionnée au point précédent et sans l'avoir informé des conséquences qu'emporterait un défaut de régularisation dans le délai imparti comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité, l'ordonnance attaquée, faute d'avoir satisfait à de telles obligations, est entachée d'irrégularité et doit être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de l'association Kreis für Natürliche Lebenshilfe devant le tribunal administratif de Lyon.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la demande de l'association requérante a été présentée sur le fondement du 1°) de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. La prise de position défavorable de l'administration n'entre donc pas dans les hypothèses visées aux 2° à 6° ou au 8° de l'article L. 80 B et à l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales de prises de position défavorables qui sont, eu égard aux enjeux économiques qui motivent ces demandes, réputées remplir les conditions leur permettant d'être contestées par la voie du recours pour excès de pouvoir.

7. D'autre part, à l'appui de sa demande dirigée à l'encontre de la décision du 19 septembre 2018, l'association Kreis für Natürliche Lebenshilfe soutient que le refus de l'administration de lui accorder le bénéfice de l'exonération pour les dons et legs qu'elle reçoit, prévu au 10° de l'article 795 du code général des impôts, est de nature à entraîner des effets sur sa situation économique en raison du fait qu'elle a été privée du legs à l'origine de la demande de rescrit depuis plus de cinq ans, ce qui constitue une ingérence dans la liberté de religion et d'association et que l'essentiel de ses revenus provenant de dons et legs de ses fidèles, ces derniers seraient dissuadés de réaliser de tels dons ou legs en raison de l'imposition à hauteur de 60% de ceux-ci. Toutefois, elle se borne à indiquer que cette décision a un impact financier, sans apporter d'éléments de nature à établir que cet impact excéderait la charge représentée par la soumission des dons et legs aux droits de mutation. A la supposer établie, la circonstance que ses fidèles seraient dissuadés, en raison de son régime d'imposition, d'effectuer à son profit des dons et legs, ne suffit pas à caractériser un effet notable autre que fiscal. La décision attaquée, qui n'emporte en elle-même que des effets fiscaux, ne peut davantage être regardée comme une ingérence illégale et disproportionnée dans la liberté de culte et de religion. Enfin, la circonstance que la notification de la décision attaquée mentionne qu'elle est susceptible d'un recours pour excès de pouvoir, si elle susceptible de rendre inopposables les voies et délais de recours devant le juge de l'impôt, est sans influence sur la recevabilité du recours pour excès de pouvoir. L'association requérante disposant d'une voie de droit devant le juge de l'impôt, elle n'est pas fondée à invoquer une violation du droit effectif d'accès au juge. Dans ces conditions, la demande d'annulation et d'injonction de l'association, laquelle ne fait valoir aucun effet notable autre que fiscal qui ne pourrait être appréhendé par le juge de l'impôt, doit être rejetée comme irrecevable.

8. Il résulte de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. Si la requérante obtient dans la présente instance l'annulation de l'ordonnance attaquée, sa demande devant le tribunal administratif est rejetée comme irrecevable. L'Etat ne pouvant dès lors être regardé comme la partie perdante pour l'essentiel, les conclusions de la requérante tendant au remboursement de ses frais d'instance non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n°1808346 du 14 octobre 2019 du président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon est annulée.

Article 2 : La demande de l'association Kreis für Natürliche Lebenshilfe devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Kreis für Natürliche Lebenshilfe et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juin 2022.

Le président,

F. Bourrachot

La présidente assesseure,

P. Dèche

La greffière,

S. Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N°19LY04630

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04630
Date de la décision : 16/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-02-01-02-01 Contributions et taxes. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Questions communes. - Pouvoirs du juge fiscal. - Recours pour excès de pouvoir.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET FRANCOIS JACQUOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-16;19ly04630 ?
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