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30/06/2022 | FRANCE | N°21LY03743

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 30 juin 2022, 21LY03743


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 novembre 2021, le 21 mars 2022 et le 3 juin 2022, la société Auchan Supermarché, représentée par Me Encinas, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 22 septembre 2021 par lequel le maire de Belleville-en-Beaujolais a délivré à la société Cab un permis en vue de l'extension d'un supermarché " Intermarché " et de la création de trois pistes supplémentaires de " drive "

, sur le territoire de cette commune ;

2°) de mettre à la charge de la commune de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 novembre 2021, le 21 mars 2022 et le 3 juin 2022, la société Auchan Supermarché, représentée par Me Encinas, avocate, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 22 septembre 2021 par lequel le maire de Belleville-en-Beaujolais a délivré à la société Cab un permis en vue de l'extension d'un supermarché " Intermarché " et de la création de trois pistes supplémentaires de " drive ", sur le territoire de cette commune ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Belleville-en-Beaujolais, une somme de 5 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle dispose d'un intérêt à agir et sa requête est recevable ;

- l'arrêté de permis de construire est entaché d'illégalité dès lors qu'il ne vise qu'une seule des deux sociétés pétitionnaires en méconnaissance des dispositions de l'article A 424-2 du code de l'urbanisme ;

- le dossier devait comporter une autorisation de la société Thomimmo au bénéfice de la société CAB pour la réalisation des travaux autorisés par le permis de construire ;

- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 22 juillet 2021 est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'est pas démontré que la procédure d'envoi des convocations à la réunion de la Commission ait été respectée ;

- le projet compromet l'objectif d'aménagement du territoire ;

- il compromet les orientations du schéma de cohérente territoriale (SCoT) du Beaujolais ;

- il comporte une importante consommation foncière ;

- il est nature à bouleverser les équilibres commerciaux existants ;

- il appartenait à la Commission nationale d'aménagement commercial de préciser les conséquences qu'elle avait tiré de son constat relatif à l'évolution de la population de la zone de chalandise pour considérer que le projet répondait aux objectifs d'aménagement du territoire ;

- le site du projet n'est pas correctement desservi par les transports en commun et les voies douces ;

- l'insertion architecturale et paysagère du projet n'est pas satisfaisante ;

- le projet ne comporte aucune mesure destinée à la protection des zones naturelles ;

- il existe un risque de conflit d'usage entre les flux de livraisons et les flux de la clientèle ;

- il n'est pas justifié du respect des prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondations.

Par des mémoires enregistrés le 25 février 2022 et le 5 avril 2022, la commune de Belleville-en-Beaujolais, représentée par Me Lacroix, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il ne résulte d'aucun texte, ni d'aucun principe, que le propriétaire aurait dû, en cette qualité, solliciter, aux côtés de la société exploitante, la délivrance du permis de construire, quand bien même elle aurait été pétitionnaire dans le volet commercial de l'autorisation sollicitée ;

- le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'envoi des convocations à la réunion de la Commission manque en fait ;

- le projet ne méconnaît pas l'objectif d'aménagement du territoire car il est compatible avec le SCoT du Beaujolais, il aboutit à une meilleure consommation de l'espace, il renforce l'offre commerciale existante, il prend en compte l'augmentation de la population de la zone de chalandise et il bénéficie d'une desserte en transports en commun et en mode " doux " tout à la fois effective et suffisante ;

- le projet apportera une réelle plus-value paysagère au magasin existant, en accord avec l'objectif de développement durable ;

- il est de nature à améliorer les flux de circulation des livraisons et des usagers du drive et il respecte les prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondations.

Par un mémoire enregistré le 31 mars 2022, la SAS Cab et la SAS Thomimmo, représentées par Me Debaussart, avocat, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requérante ne justifie pas de l'accomplissement des formalités exigées concernant la recevabilité de sa demande ;

- les membres de la Commission ont été régulièrement convoqués ;

- les imprécisions et incomplétudes des visas de l'arrêté de permis de construire sont sans incidence sur sa légalité ;

- le moyen tiré de ce que le dossier devait comprendre une autorisation de la société Thomimmo au bénéficie de la société Cab pour la réalisation des travaux autorisés par le permis de construire est irrecevable, en application des dispositions de l'article L.600-1-4 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, il n'est pas fondé ;

- le projet est compatible avec les orientations du SCoT du Beaujolais ;

- il va renforcer la compacité des installations ;

- il va contribuer à améliorer l'offre commerciale ;

- la Commission pouvait légalement prendre en compte l'évolution démographique de la zone de chalandise ;

- l'insuffisance des modes alternatifs de transports n'est pas démontrée ;

- le projet ne va pas aggraver les conditions de circulation ;

- il justifie d'une bonne insertion paysagère ;

- il permet d'assurer une bonne gestion des flux des véhicules automobiles ;

- il n'aura aucun impact sur les zones naturelles ;

- il justifie du respect des prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- les observations de Me Encinas, représentant la SAS Auchan Supermarché, de Me Plénet, représentant la commune de Belleville-en-Beaujolais, de Me Debaussart, représentant la SAS Cab et la SCI Thomimmo ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 décembre 2020, la société Cab a déposé auprès de la mairie de Belleville-en-Beaujolais une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'extension d'un supermarché " Intermarché " et de la création de trois pistes supplémentaires de " drive ", sur le territoire de cette commune. Saisie de recours contre l'avis favorable rendu par la commission départementale d'aménagement commercial du Rhône, le 18 mars 2021, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis, le 22 juillet 2021, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 22 septembre 2021, le maire de Belleville-en-Beaujolais a délivré à la société Cab un permis valant autorisation d'exploitation commerciale. La société Auchan Supermarché, qui exploite un supermarché dans la zone de chalandise du projet demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité de l'arrêté du maire de Belleville-en-Beaujolais du 22 septembre 2021 :

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article A. 424-2 du code de l'urbanisme :

2. Aux termes de l'article A 424-1 du code de l'urbanisme : " La décision expresse prise sur une demande de permis de construire, d'aménager ou de démolir ou sur une déclaration préalable prend la forme d'un arrêté (...) ". L'article A. 424-2 du même code dispose : " L'arrêté prévu au premier alinéa de l'article A. 424-1 : / a) Indique la collectivité au nom de laquelle la décision est prise ; / b) Vise la demande de permis ou la déclaration et en rappelle les principales caractéristiques : nom et adresse du demandeur, objet de la demande, numéro d'enregistrement, lieu des travaux ; / c) Vise les textes législatifs et réglementaires dont il est fait application ; / d) Vise les avis recueillis en cours d'instruction et leur sens. / L'arrêté mentionne, en caractères lisibles, le prénom, le nom et la qualité de son signataire ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le formulaire Cerfa de la demande de permis de construire mentionne que cette demande n'a été présentée que par la société Cab. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté litigieux n'avait pas à mentionner le nom et l'adresse de la société Thomimmo, propriétaire du terrain d'assiette. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne la convocation des membres de la Commission nationale d'aménagement commercial :

4. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. "

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du tableau annexé à " l'attestation de convocation ", qu'une convocation à la réunion de la Commission nationale du 22 juillet 2021, au cours de laquelle ont été examinés les recours formés contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial du Rhône sur le projet litigieux, a été adressée par la voie électronique, le 7 juillet 2021, c'est-à-dire quinze jours avant la réunion, à tous les membres titulaires de la Commission nationale. Il ressort, également, des pièces du dossier que cette convocation était assortie de l'ordre du jour de la réunion du 22 juillet 2021, qui a donc été reçu par les membres de la Commission nationale plus de cinq jours avant cette réunion. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-35 du code de commerce doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme :

6. Aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ". Ainsi, la requérante, qui a seulement intérêt à contester le permis de construire du 22 septembre 2021 en tant qu'il vaut autorisation commerciale, ne peut se prévaloir de ce qu'à l'appui de sa demande, la société Cab n'aurait produit aucune attestation concernant l'autorisation du propriétaire du terrain lui permettant de réaliser les travaux litigieux, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, dès lors que ce moyen se rattache aux règles d'urbanisme applicables au permis en tant qu'il vaut autorisation de construire. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'incompatibilité du projet en litige avec le schéma de cohérence territoriale du Beaujolais :

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale (SCoT), mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent pris dans leur ensemble.

8. Si la requérante fait valoir que le projet n'est situé dans aucune localisation préférentielle des commerces d'importance identifiée dans le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT du Beaujolais, ce document ne pose aucune interdiction d'extension limitée des commerces existants en dehors de ces zones et prescrit des orientations qualitatives tenant notamment à l'existence d'une desserte satisfaisante par les transports en commun et les modes doux. En l'espèce, le projet litigieux qui prévoit l'extension de 395 m² de la surface de plancher du commerce existant et reste suffisamment accessible par ces modes de transport n'est incompatible avec aucun de ces objectifs. Le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le document d'orientation et d'objectif du SCoT du Beaujoulais doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce :

9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au dernier alinéa de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs.(...) ".

10. D'une part, il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

11. D'autre part, les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-830 QPC du 12 mars 2020, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes. L'analyse d'impact prévue par le III du même article vise à faciliter l'appréciation des effets du projet sur l'animation et le développement économique des centres-villes et de l'emploi et n'institue aucun critère d'évaluation supplémentaire d'ordre économique. Enfin, les dispositions du IV de l'article L. 752-6, relatives à l'existence d'une friche en centre-ville ou en périphérie, ont pour seul objet d'instituer un critère supplémentaire permettant d'évaluer si, compte tenu des autres critères, le projet compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Ces dispositions n'ont pas pour effet d'interdire toute délivrance d'une autorisation au seul motif qu'une telle friche existerait.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit une diminution de 20 % de la surface totale de l'aire de stationnement ainsi que la perméabilisation de l'ensemble des places de parking. Ces aménagements seront accompagnés d'un agrandissement des espaces verts ainsi que de la plantation d'arbres de haute tige. La requérante n'apporte aucun élément permettant de démontrer que ces aménagements ne contribueraient pas à l'objectif de consommation économe de l'espace.

13. En deuxième lieu, ainsi qu'a pu légalement le relever la Commission nationale d'aménagement commercial pour fonder son appréciation sur le respect des critères définis par la loi, le projet se situe dans une zone de chalandise dont la population a augmenté de 15 % entre 2008 et 2018. La requérante ne peut utilement faire état de la forte densité de l'offre commerciale au sein de cette zone, dès lors que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre des critères à prendre en compte par la Commission nationale d'aménagement commercial. Ainsi qu'a pu le constater la Commission, le projet prendra place au sein d'une zone de forte densité de population et permettra du fait de l'extension de la surface de vente envisagée de continuer à attirer cette clientèle et de lui proposer une offre complémentaire à celle qui existe dans les centres-villes de Belleville-en-Beaujolais et des communes limitrophes. Enfin, si ces communes connaissent des taux de vacance commerciale allant jusqu'à 9 % et que Belleville-en-Beaujolais fait partie du programme " petites villes de demain ", ces seules circonstances ne suffisent pas à établir que le projet contesté serait de nature à fragiliser les commerces du centre-ville de cette commune, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le supermarché continuera à s'attacher à proposer des produits complémentaires à ceux présents dans ces petits commerces.

14. En dernier lieu, d'une part, la requérante n'apporte aucun élément permettant d'établir que l'étude de trafic routier jointe au dossier et réalisée en 2019 serait devenue obsolète notamment en raison de l'apparition de la pandémie de Covid-19. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet va entraîner un trafic supplémentaire de 200 clients par jour et que les axes routiers existants permettront aisément d'absorber cet accroissement de circulation. Enfin, en ce qui concerne l'accessibilité par les modes doux, le site est suffisamment desservi par cinq lignes de transports en commun et par des aménagements cyclables et piétonniers adaptés.

S'agissant du développement durable :

15. En premier lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme la requérante, qui a seulement intérêt à contester le permis de construire du 22 septembre 2021 en tant qu'il vaut autorisation commerciale, ne peut se prévaloir de la méconnaissance du règlement de la zone Ulc de plan local d'urbanisme, de celui de l'Aire de mise en Valeur de l'Architecture et du Patrimoine et des recommandations de l'avis de l'architecte des bâtiments de France.

16. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet tient compte de la visibilité du bâtiment en entrée de ville en prévoyant le remplacement de la couleur grise des façades par du marron et du beige et en augmentant les surfaces vitrées ainsi que les espaces verts. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'insertion paysagère et architecturale n'est pas satisfaisante.

17. Enfin, alors qu'il est constant que le projet ne se situe dans aucune zone de protection naturelle, en se bornant à se prévaloir des augmentations de flux de circulation, la requérante n'établit pas l'existence de risques sur les zones de protection naturelle situées à proximité.

S'agissant de la protection du consommateur :

18. D'une part, si la requérante fait valoir que des conflits d'usage peuvent survenir entre les véhicules de livraison et ceux de la clientèle du " drive ", il ressort des pièces du dossier qu'une signalisation par marquage au sol donnera priorité aux véhicules sortants de la clientèle sur ceux de livraison. D'autre part, si le projet est situé en zone inondable, il ressort des pièces du dossier que pour se conformer aux prescriptions du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondations du Val de Saône le pétitionnaire a prévu l'implantation des nouvelles entrées au niveau du magasin existant, et celle du bâtiment dédié aux nouvelles réserves, au niveau de référence préconisé par ce plan.

19. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la société Auchan Supermarché n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2021 par lequel le maire de Belleville-en-Beaujolais a délivré à la société Cab un permis en vue de l'extension d'un supermarché " Intermarché " et de la création de trois pistes supplémentaires de " drive ", sur le territoire de cette commune.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la société Auchan Supermarché au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance.

21. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Belleville-en-Beaujolais et une somme de 1 000 euros à chacune des sociétés Cab et à Thomimmo au titre des frais exposés par elles dans cette instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Auchan Supermarché est rejetée.

Article 2 : La société Auchan Supermarché versera à la commune de Belleville-en-Beaujolais une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Auchan Supermarché versera à chacune des sociétés Cab et Thomimmo une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auchan Supermarché, à la SAS Cab, à la SAS Thomimmo, à la commune de Belleville-en-Beaujolais, à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03743

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03743
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LETANG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-06-30;21ly03743 ?
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