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27/07/2022 | FRANCE | N°20LY00947

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 juillet 2022, 20LY00947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Climbing Frames Frances a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, de prononcer la décharge ou la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er mars 2014 au 31 mars 2015 et du mois de mai au mois d'août 2015, ainsi que des pénalités correspondantes et, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert.

Par un jugement n° 1704813 du 30 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a con

staté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions relatives aux rappels...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Climbing Frames Frances a demandé au tribunal administratif de Grenoble, à titre principal, de prononcer la décharge ou la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er mars 2014 au 31 mars 2015 et du mois de mai au mois d'août 2015, ainsi que des pénalités correspondantes et, à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert.

Par un jugement n° 1704813 du 30 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée et aux pénalités correspondantes à hauteur de 541 euros et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 13 novembre 2020, la SAS Climbing Frames France, représentée par Me Vial-Hessman, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ou leur réduction à concurrence de la somme de 171 473 euros ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner la désignation d'un expert ayant pour mission de vérifier la valeur probante de la comptabilité et la corrélation entre la taxe sur la valeur ajoutée déjà liquidée et le chiffre d'affaires reconstitué pour l'ensemble des exercices comptables ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ensemble des éléments fournis permet de retracer ses bases imposables ; aucun texte ne permet de déclarer non probante une comptabilité du seul fait qu'elle a été établie a posteriori ; la comptabilité présentée permet de retracer l'ensemble des factures émis et des charges déduites sur les deux exercices ;

- la méthode de reconstitution de ses chiffres d'affaires est approximative et conduit à une exagération des impositions ;

- s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, malgré les omissions ou inexactitudes affectant les factures, celles-ci sont assorties des justificatifs ouvrant droit à la déduction de la taxe sur le chiffre d'affaires acquittée.

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Climbing Frames France, créée le 1er mars 2014, a pour activité le commerce d'aires de jeux d'extérieur pour enfants et commercialise en France via un site de vente en ligne les produits fabriqués par sa société mère, la société Selwood Products Ltd. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er mars 2014 au 31 mars 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée à l'issue de laquelle l'administration l'a taxée d'office à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article L. 66-3 du livre des procédures fiscales au titre des mois de mars, mai à septembre, novembre et décembre 2014 et mars 2015 et lui a réclamé, selon la procédure contradictoire, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre des autres mois de la période vérifiée pour lesquels elle avait souscrit des déclarations. Par ailleurs, la société a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur la période du 1er avril au 30 août 2015 à l'issue duquel l'administration l'a taxée d'office à la taxe sur la valeur ajoutée au titre des mois de mai à août 2015. La SAS Climbing Frames France relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande de décharge des droits et pénalités qui lui ont été réclamés.

2. En application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, il incombe à la SAS Climbing Frames France, dès lors que les impositions en litige ont été établies d'office, d'apporter la preuve de leur caractère exagéré pour les mois de mars, mai à septembre, novembre, décembre 2014 et mars, mai, juin, juillet et août 2015.

3. S'agissant des autres mois, la SAS Climbing Frames France n'a pas répondu aux propositions de rectification du 8 octobre 2015. Il en résulte qu'en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, elle doit être regardée comme ayant tacitement accepté les rectifications proposées et il lui incombe d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions en litige.

4. Si postérieurement à la mise en recouvrement le 30 novembre 2015 et devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel, la SAS Climbing Frames France a produit une comptabilité reconstituée, cette circonstance n'est pas de nature à invalider les constatations faites par le vérificateur du défaut de comptabilité présentée par la société au cours du contrôle.

5. Le contribuable à qui incombe la charge de prouver l'exagération de l'évaluation administrative peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact de ses résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit lui faire connaître, en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points, à une exagération des bases d'imposition.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

6. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / [...] 2 La taxe est exigible : a) pour les livraisons et les achats visés au a) du 1 [...], lors de la réalisation du fait générateur ; / [...] ".

7. La SAS conteste la méthode d'évaluation suivie par l'administration pour reconstituer ses chiffre d'affaires et soutient que l'exagération des bases imposables doit être regardée comme démontrée compte tenu des justificatifs apportés.

8. Il est constant que la SAS n'a pas déposé ses déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée CA3 au titre des mois de mars, novembre, décembre 2014 et mars 2015. En l'absence de tout document comptable probant, l'administration a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires des mois de novembre et décembre 2014 en se fondant sur la moyenne du chiffre d'affaires déclaré au titre des mois d'octobre 2014, de janvier et février 2015, soit 265 847 euros, sans retenir de chiffre d'affaires au titre du mois de mars 2014 pour tenir compte du début d'activité. L'administration a déterminé le montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée mensuel à 53 169 euros pour les mois de novembre et décembre 2014. En l'absence de justificatif, l'administration n'a retenu aucune taxe sur la valeur ajoutée déductible. Par ailleurs, la société a télédéclaré, le 22 mai 2015, le montant de taxe sur la valeur ajoutée du mois de mars 2014 alors que les opérations de contrôle ont démontré que cette déclaration ne portait pas sur le mois de mars 2014 mais sur celui de mars 2015, ce que la société ne conteste pas.

9. Il résulte également de l'instruction que la société n'a pas souscrit de déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée CA3 pour les mois de mai à août 2015 et que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été déterminés selon la procédure de taxation d'office. Lors des opérations de vérification de comptabilité, la société a remis au vérificateur la copie du courriel informant le cabinet comptable du montant du chiffre d'affaires réalisé au titre du mois de mai 2015 et le livre des ventes extrait de la comptabilité tenue au Royaume-Uni au titre du mois de juin 2015. Les taxations ont été établies au titre des mois de mai et juin 2015 à partir des éléments fournis et, au titre des mois de juillet et août 2015, en l'absence de tout élément présenté au service vérificateur, à partir de la moyenne mensuelle du chiffre d'affaires réalisé au titre des deux mois précédents. En l'absence de justificatif, aucune taxe sur la valeur ajoutée déductible n'a été retenue par l'administration.

10. La SAS Climbing Frames France, qui produit une comptabilité reconstituée globalement pour l'exercice 2014-2015 et 2015-2016 postérieurement à la mise en recouvrement des impositions, le 30 novembre 2015, se borne à expliquer la méthodologie générale selon laquelle il conviendrait d'utiliser les pièces communiquées en se fondant sur des exemples isolés sans assortir son argumentation d'une critique précise et pertinente de la méthode de reconstitution de ses chiffres d'affaires par l'administration et du caractère exagéré des impositions qui en résulterait. Au demeurant, les montants des recettes portés sur les factures et les relevés bancaires ne correspondent pas systématiquement et les opérations figurant sur les relevés Paypal, le compte 70700200 " ventes de marchandises à 20 % " et les factures produites ne permettent pas de retracer l'ensemble des flux financiers. En se bornant à produire les relevés du transporteur Heppner établis au nom de la société Selwood Products Ltd et les factures de la société Selwood Products établies à son nom, la SAS n'établit pas qu'elle procède à l'auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée sur des achats intracommunautaires faute de produire une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée conforme aux prescriptions de l'article 271 du code général des impôts et une déclaration d'échange de biens mensuelle. Il résulte de ce qui précède que la société n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la méthode de reconstitution des chiffres d'affaires utilisée par l'administration serait radicalement viciée ou excessivement sommaire. Il s'ensuit que la société n'établit pas l'exagération des impositions qu'elle conteste.

11. Si la société fait valoir que la somme de 22 500 euros inscrite en comptabilité comme " prestations de service " n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, ce moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée.

12. La SAS Climbing Frames France fait valoir qu'elle a cessé toute activité depuis le mois de juillet 2015 et que sa société mère, la société Selwood Products Ltd, a pris en charge les ventes à compter de cette date. Toutefois, son bilan a été établi jusqu'au 31 mars 2016, elle n'a entrepris aucune démarche de cessation d'activité qui aurait été portée à la connaissance de l'administration et il n'est pas contesté que la société Selwood Products n'a été identifiée auprès des services de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux qu'en septembre 2015. Par suite, la société n'établit pas l'exagération des impositions qu'elle conteste.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

13. Aux termes du II de l'article 271 du code général des impôts : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; [...] 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels ". Aux termes de l'article 289 du code général des impôts : " I. - 1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : a. Pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu'il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie ; b. Pour les livraisons de biens visées aux articles 258 A et 258 B et pour les livraisons de biens exonérées en application du I de l'article 262 ter et II de l'article 298 sexies ; / (...) / II. Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée. " ; qu'aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II dudit code, dans sa rédaction alors applicable : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client ; 2° Le numéro individuel d'identification attribué à l'assujetti en application de l'article 286 ter du code général des impôts et sous lequel il a effectué la livraison de biens ou la prestation de services ; (...) 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération ; (...) 11° Le montant de la taxe à payer et, par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe correspondante mentionnés distinctement ; ".

14. Il résulte de la proposition de rectification que, faute de présenter des justificatifs se rapportant à la taxe sur la valeur ajoutée déduite, l'administration a remis en cause la déduction d'un montant de 941 euros de taxe sur la valeur ajoutée portée sur les déclarations mensuelles CA3 au titre de l'exercice clos le 31 mars 2015. En cours d'instance devant le tribunal administratif, l'administration a dégrevé la somme de 481 euros sur les 941 euros portés sur les déclarations.

15. S'agissant de certaines dépenses telles les frais de carburant, les produits achetés dans des supermarchés et des magasins ou des notes de restaurant, la société a seulement produit des tickets de carte bancaire qui ne comportent pas l'ensemble des mentions obligatoires requises par les dispositions précitées et ne pouvaient pas tenir lieu de factures. Au surplus, plusieurs factures ne comportent pas la mention de la taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, plusieurs factures ne sont assorties d'aucune précision permettant d'apprécier si les biens et les services sont utilisés pour les besoins des opérations imposables. Ainsi, la SAS Climbing Frames France n'établit pas que les dépenses en litige qui ont été exclues du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, pourraient donner lieu à déduction de la taxe, dès lors que, soit les conditions formelles de déduction ne sont pas remplies en l'absence de facture conforme ou de document en tenant lieu, soit ces dépenses ne peuvent être regardées comme présentant un lien direct et immédiat avec les opérations qu'elle réalise ni comme des frais généraux.

16. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la SAS Climbing Frames France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Climbing Frames France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Climbing Frames France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juillet 2022.

La rapporteure,

R. A...

Le président,

D. PruvostLa greffière,

M-B...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY00947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00947
Date de la décision : 27/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : LAVERGNE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-07-27;20ly00947 ?
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