La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/08/2022 | FRANCE | N°20LY02180

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 04 août 2022, 20LY02180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Montauroux et la SAS Gagnepark ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la restitution de rappels de crédit impôt recherche à hauteur de 109 064 euros au titre des exercices 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1809097 du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 août 2020, la SAS Montauroux et la SAS Gagnepark, représentées par Me Quentin, avocat, demandent à la cour :
<

br>1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 mars 2020 ;

2°) de prononcer ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Montauroux et la SAS Gagnepark ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la restitution de rappels de crédit impôt recherche à hauteur de 109 064 euros au titre des exercices 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1809097 du 31 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 août 2020, la SAS Montauroux et la SAS Gagnepark, représentées par Me Quentin, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 mars 2020 ;

2°) de prononcer la restitution des rappels de crédit impôt recherche susmentionnés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

Elles soutiennent que :

- le projet " développement de nouvelles technologies d'ombrières permettant l'intégration des ENR (énergies renouvelables) dans une optique de mutualisation et de gestion active de la performance énergétique et environnementale " répond aux critères définis notamment par l'article 49 septies F de l'annexe III du code général des impôts et détaillés dans la doctrine administrative ;

- il s'agit bien de travaux relevant du développement expérimental au sens du Manuel de Frascati ;

- les dépenses de sous-traitance ont été valorisées conformément aux règles encadrant leur éligibilité dans le cadre du crédit impôt recherche ;

- la veille technologique étant éligible au crédit impôt recherche, le temps consacré par les chercheurs et techniciens de recherche doit être considéré comme du temps de recherche et développement et doit donc être retenu pour le calcul des taux d'éligibilité, tant en en application du j) du II de l'article 244 quater B, de l'article 49 septies I quater de l'annexe III que de l'instruction du 10 mars 2005, 4 A-7-05 §17, reprise au BOI-BIC-RICI-10-10-20-50-20120912 § 250 et suivants, du Guide du crédit impôt-recherche paru en 2011 et d'une communication du ministère de la recherche de 2008 également relative au crédit impôt-recherche.

Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les sociétés requérantes n'apportent aucune information de nature à modifier les conclusions exprimées par l'expert dans ses rapports datés du 7 décembre 2015 et 25 août 2016 concernant l'éligibilité au crédit d'impôt recherche du projet relatif au développement de nouvelles technologies d'ombrières ;

- les dépenses de sous-traitance peuvent bénéficier d'un dégrèvement correspondant à la somme de 10 635 euros ;

- la consistance des dépenses de veille technologique invoquées n'est pas justifiée ;

- la circonstance que les dépenses de temps passé par le personnel en veille technologique ne soient pas éligibles au crédit d'impôt recherche justifie qu'elles ne soient pas retenues pour le calcul des pourcentages de dotations aux amortissements.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Gagnepark, filiale de la SAS Montauroux avec laquelle elle forme un groupe fiscalement intégré est une société spécialisée dans l'ingénierie et les études techniques. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 août 2014, à l'issue de laquelle par une proposition de rectification du 3 mars 2016, l'administration a notamment limité le montant du crédit d'impôt recherche de l'année 2011 à la somme de 34 005 euros et celui de l'année 2012, à la somme de 28 089 euros. La SAS Montauroux et la SAS Gagnepark relèvent appel du jugement du 31 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la restitution des rappels de crédit d'impôt recherche à hauteur de 109 064 euros au titre des exercices 2011 et 2012.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 1er octobre 2021, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration, en prononçant un dégrèvement d'un montant de 10 635 euros, a entendu restituer aux sociétés Montauroux et Gagnepark la somme correspondante. Les conclusions de la requête des sociétés sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne l'éligibilité du projet " développement de nouvelles technologies d'ombrières permettant l'intégration des énergies renouvelables dans une logique de mutualisation et de gestion active de la performance énergétique et environnementale " :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes. (...) ; b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) ; c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) j) Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche, dans la limite de 60 000 euros par an. (...) ". L'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts dispose : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale (...) b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. (...) ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif du crédit d'impôt prévu par les dispositions précitées du code général des impôts.

5. La SAS Gagnepark a déclaré, au titre des exercices 2011 et 2012, des dépenses, affectées à deux projets l'un relatif à la recherche et au développement de nouvelles architectures de parc de stationnement à haute tenue au feu et à ventilation optimisée et l'autre relatif au développement de nouvelles technologies d'ombrières permettant l'intégration des énergies renouvelables dans une optique de mutualisation et de gestion active de la performance énergétique et environnementale. Il résulte de l'instruction, notamment de l'avis émis le 7 décembre 2015 par l'expert mandaté par la délégation régionale à la recherche et à la technologie que le premier projet a été considéré comme éligible au dispositif de crédit d'impôt recherche, à l'exception de quelques dépenses et que le second a été considéré comme non éligible. S'agissant du second projet, il ressort du premier rapport de l'expert que les verrous techniques soulignés par la société relèvent plus de généralités, que les points d'incertitude relèvent en réalité d'objectifs de performance et qu'aucun élément du dossier ne fait apparaître de verrous scientifiques dont la levée aurait nécessité la réalisation de travaux de recherche et développement. Ces constations ont été confirmées par un second rapport d'expertise du 25 août 2016 faisant état de travaux très classiques de conception. Les requérantes font valoir que l'état de l'art était quasiment vierge au moment où la SAS Gagnepark a lancé son projet, qu'avec la collaboration avec l'entreprise M3 Fluide, elle a développé de nouveaux modèles de modélisation et de simulation d'ingénierie du vent qui ont été repris notamment par des grands noms de l'industrie du photovoltaïque français, que ces travaux ont permis l'invention brevetée d'un profilé dit A... rassemblant trois fonctions : support de charges, évacuation des eaux pluviales et mise à la terre et que ces travaux ont nécessité une implication spécifique de chacun de ses salariés. Toutefois, ces circonstances ne permettent pas de contredire utilement les constats effectués par l'expert, concernant notamment les travaux réalisés par la société sous-traitante, MP3 Fluide, qui a utilisé une méthode numérique appliquée à la mécanique des fluides, devenue assez classique. Par ailleurs, la circonstance que la SAS Gagnepark a déposé un brevet concernant ce projet ne saurait caractériser, à elle seule, une démarche de recherche et de développement. Dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'éligibilité de ce projet au crédit d'impôt recherche aurait dû être retenue en application des dispositions précitées.

6. En second lieu, les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir du manuel de Frascati qui ne constitue pas une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne l'éligibilité des dépenses de veille technologique :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) j) Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche, dans la limite de 60 000 euros par an. (...) ". Aux termes de l'article 49 septies I quater de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'application du j du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, la veille technologique s'entend comme un processus de mise à jour permanent ayant pour objectif l'organisation systématique du recueil d'informations sur les acquis scientifiques, techniques et relatifs aux produits, procédés, méthodes et systèmes d'informations afin d'en réduire les opportunités de développement. ".

8. Il résulte de ces dispositions que les dépenses de personnel qui sont exposées au titre de la veille technologique organisée pour la réalisation d'opérations de recherche et qui ne sont pas au nombre des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche mentionnées au b du II de l'article 244 quater B précité, sont éligibles au crédit d'impôt recherche dans la limite prévue au j du même II.

9. La SAS Gagnepark a déclaré, au titre du crédit d'impôt recherche des années 2011 et 2012, des dépenses de personnels correspondant à la participation de ces derniers à des travaux de lecture et de recherche dans des revues spécialisées et sur des sites internet. Toutefois, elle se borne à produire un tableau pour chacune des années concernées mentionnant le nom des personnels, leur titre et le nombre d'heures prétendument consacrées à la veille technologique, sans apporter d'éléments précis, documentés et vérifiables, permettant d'apprécier la consistance et la réalité du temps passé par chacun des salariés à la réalisation de la veille technologique. Par suite, les quotes-parts de dépenses de personnel correspondantes ne sauraient être assimilées à des dépenses de veille technologique au sens des dispositions du j) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts.

10. En second lieu, les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir de l'instruction du 10 mars 2005, reprise au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-50 §250 et suivants, qui n'ajoute pas à la loi fiscale telle qu'interprétée ci-dessus. Elles ne sont pas plus fondées à sa prévaloir du guide du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche relatif au crédit d'impôt recherche 2011 ou de la communication du même ministère, datée de 2008, intitulée " Le crédit d'impôt recherche et la veille technologique ", qui ne constituent pas, en tout état de cause, des interprétations formelles d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales émanant de l'administration fiscale et susceptibles de lui être opposées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Montauroux et la SAS Gagnepark ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Par voie de conséquence doivent être rejetées leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SAS Montauroux et de la SAS Gagnepark à hauteur de la somme de 10 635 euros.

Article 2 : Le surplus de la requête de la SAS Montauroux et de la SAS Gagnepark est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Montauroux, à la SAS Gagnepark et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition le 4 août 2022.

La rapporteure,

P. Dèche

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02180

ap


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02180
Date de la décision : 04/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-06-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. - Imposition des bénéfices occultes des sociétés (anciens articles 9, 117, 169 et 197 du CGI).


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : QUENTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-08-04;20ly02180 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award