La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2022 | FRANCE | N°20LY02565

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 27 septembre 2022, 20LY02565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune d'Irigny à lui verser une somme de 607 058,47 euros, à parfaire, en réparation des préjudices consécutifs à la délivrance de deux permis de construire illégaux accordés par le maire de la commune par arrêtés des 15 janvier et 15 juin 2010.

Par un jugement n° 1900160 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires c

omplémentaires enregistrés les 3 septembre et 13 octobre 2020, les 16 février et 4 mars 2022, ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune d'Irigny à lui verser une somme de 607 058,47 euros, à parfaire, en réparation des préjudices consécutifs à la délivrance de deux permis de construire illégaux accordés par le maire de la commune par arrêtés des 15 janvier et 15 juin 2010.

Par un jugement n° 1900160 du 3 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 3 septembre et 13 octobre 2020, les 16 février et 4 mars 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par la Selarl Duflot et Associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2020 ;

2°) de condamner la commune d'Irigny à lui verser la somme de 69 687,23 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Irigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 3 500 euros au titre de la première instance et de 5 000 euros au titre de l'instance d'appel.

Il soutient que :

- la commune a commis une faute en délivrant des permis de construire illégaux ;

- il est non professionnel de la construction et n'a commis aucune faute susceptible d'atténuer la responsabilité de la commune ; la commune ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir que les services de l'Etat ont procédé à l'instruction des demandes des permis de construire annulés ;

- le lien de causalité entre ses préjudices et la délivrance des permis de construire illégaux est direct et établi ; sa construction est irrégulière à la suite de l'annulation des permis de construire délivrés par la commune ;

- les préjudices subis sont constitués par l'ensemble des frais de justice afférents à sa défense dans les contentieux de permis pour un montant de 15 487,23 euros, par la compensation versée aux voisins à l'origine des annulations des permis pour un montant de 30 000 euros, par les troubles dans les conditions d'existence dus aux nombreuses procédures contentieuses pour un montant de 20 000 euros, par les frais engagés pour tenter de régulariser sa construction et couvrant le dépôt d'une nouvelle demande de permis de construire, qui a été finalement rejetée, pour un montant de 4 200 euros.

Par un mémoire enregistré le 10 novembre 2020, la commune d'Irigny, représentée par la Selarl Sisyphe, conclut au rejet de la requête et à ce que M. A... lui verse la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle se borne à reproduire les écritures de première instance ;

- elle n'a commis aucune faute, l'instruction ayant été faite par les services de l'Etat et de la métropole de Lyon dont elle était tenue de suivre les avis ;

- les préjudices dont se plaint le requérant trouvent intégralement leur cause dans son propre comportement ;

- le lien de causalité entre la faute de la commune et les préjudices subis n'est pas établi ;

- aucun des préjudices dont il est demandé réparation n'est établi et le lien avec le présent litige n'est pas justifié.

La clôture de l'instruction a été fixée au 4 mars 2022 par une ordonnance 17 février précédent prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Burnichon, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Cusin-Rollet, représentant M. A... et de Me Gardien pour la commune d'Irigny.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... s'est porté acquéreur d'une ... à Irigny, sur laquelle étaient édifiés une chapelle ainsi qu'un bâtiment annexe. Par un premier arrêté du 15 janvier 2010, le maire d'Irigny lui a accordé un permis de construire pour des travaux d'extension et de transformation de ces bâtiments. Ce permis a finalement été abrogé à la demande du pétitionnaire par arrêté du 20 août 2010 du maire d'Irigny. Un second permis a été accordé le 15 juin 2010 à M. A..., qui indique avoir fait construire sa maison d'habitation dans laquelle il réside depuis le mois de novembre 2011 mais avoir été assigné par ses voisins devant le juge civil en démolition de la construction et paiement d'une indemnité. Le permis de construire du 15 juin 2010 a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 16 décembre 2014, devenu définitif, à la suite d'un recours formé par ces mêmes voisins. Par jugement du 3 juillet 2020 dont M. A... interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. ".

3. La commune d'Irigny soutient dans son mémoire en défense que la requête de M. A... est irrecevable dès lors que celui-ci se borne à reprendre la demande de première instance sans indiquer les critiques faites au jugement attaqué. Toutefois, si le requérant a commis la maladresse d'adresser sa requête d'appel et son mémoire complémentaire à " M. le Président et messieurs les conseillers du tribunal administratif de Lyon ", il ressort de ses écritures qu'il critique le jugement attaqué et en demande explicitement l'annulation. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Irigny doit être écartée.

Sur la responsabilité de la commune et le fait du pétitionnaire :

4. En premier lieu, ainsi que l'a relevé le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction, ni même n'est démontré par l'appelant, que le permis de construire tacite né le 15 janvier 2010, qui a été abrogé par le maire d'Irigny à la demande du pétitionnaire qui entendait modifier son projet, aurait été illégal. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que la responsabilité de la commune se trouverait engagée du fait de l'illégalité de ce permis.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le maire d'Irigny a délivré le 15 juin 2010 un permis de construire à M. A... ayant pour objet la réalisation d'une habitation par réaménagement d'une chapelle et d'un appentis qui lui est accolé ainsi que la construction d'un bâtiment distinct largement enterré qualifié d'annexe comportant un garage pour deux véhicules ainsi qu'un cellier ou abri de jardin. Toutefois, ainsi que l'a relevé la cour administrative d'appel de Lyon dans l'arrêt précité du 16 décembre 2014, ce permis a été délivré en violation des règles du plan local d'urbanisme de la communauté urbaine de Lyon alors applicable. En conséquence, en délivrant le permis du 15 juin 2010, le maire d'Irigny a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

6. En troisième lieu, la délivrance du permis de construire relève de la compétence du maire dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme, comme en l'espèce. Ainsi, à les supposer établies, les erreurs dont seraient entachés ces actes sont susceptibles de constituer des fautes de nature à engager seulement la responsabilité de la commune, au nom de qui ils ont été délivrés. Si la commune soutient que le maire s'est contenté de suivre la proposition des services de l'Etat et de la Métropole mis à sa disposition pour l'instruction des autorisations d'urbanisme, il agissait toutefois toujours au nom de la commune en délivrant le permis sollicité par M. A..., de sorte qu'à supposer que les services instructeurs ait commis une erreur, seule la responsabilité de la commune peut être recherchée par le requérant.

7. En quatrième lieu, la responsabilité de la commune ne peut être atténuée d'une part, par la circonstance que le pétitionnaire a engagé des travaux alors même que le permis du 15 juin 2010 faisait l'objet d'un recours contentieux devant le tribunal, et d'autre part, par la circonstance que l'appel interjeté par le pétitionnaire contre le jugement du 10 mai 2012 a eu pour conséquence, à la suite d'un appel incident, d'aggraver sa situation. Par ailleurs, l'instruction ne permet pas d'établir que les inexactitudes qui entacheraient la demande du permis finalement annulé auraient été telles qu'elles n'auraient pas permis au service instructeur de les déceler. Enfin, la circonstance que M. A... ait effectué, postérieurement à l'obtention du permis en cause, des travaux non autorisés et irréguliers est sans incidence sur la faute de la commune. Ainsi, aucune faute de A... ne peut être retenue permettant à la commune de s'exonérer des conséquences de son comportement fautif.

Sur le lien de causalité et les préjudices :

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la somme de 30 000 euros versée aux voisins au titre d'une compensation en application d'un protocole transactionnel homologué par jugement du tribunal judiciaire du 2 février 2021 ne présente pas de lien direct avec l'illégalité du permis délivré le 15 juin 2010 dès lors que ce protocole transactionnel avait pour objet de résoudre un différend relatif à l'emprise de la servitude de passage qui grevait le fond de M. A... au profit des voisins. Il en est ainsi alors même que ce protocole a eu pour conséquence, en contrepartie, l'abandon par les voisins de M. A... de la totalité des actions contentieuses entreprises contre le requérant, notamment celle en vue de faire démolir ses constructions suite à l'annulation du permis en cause.

9. En deuxième lieu, M. A... réitère en appel sans y ajouter de nouveaux développements sa demande tendant à la réparation de troubles dans les conditions d'existence. Une telle demande doit être rejetée par adoption des motifs retenus par le tribunal au point 8 du jugement.

10. En troisième lieu, si M. A... justifie en 2019 du dépôt d'une demande de permis de construire de régularisation qui a été refusée par arrêté du maire d'Irigny du 27 mars 2020, les frais d'architecte exposés à ce titre, pour un montant de 4 200 euros, ne sont pas directement imputables à l'illégalité du permis du 15 juin 2010.

11. En quatrième lieu, les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration. Toutefois, lorsque le requérant a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement. Il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions.

12. En l'espèce, M. A... a pu bénéficier des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative durant l'instance en référé engagée devant le tribunal administratif de Lyon et les frais exposés pour sa défense ont fait l'objet d'une appréciation d'ensemble dans ce cadre qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef sur un autre fondement juridique. En revanche, dans son jugement du 10 mai 2012 et dans son arrêt du 16 décembre 2014, tant le tribunal administratif de Lyon que la cour administrative d'appel, constatant que M. A... était partie perdante, ont rejeté sa demande de paiement des frais de procès. L'intéressé se trouvait ainsi dans le cas où le demandeur ne peut légalement bénéficier des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le préjudice lié au paiement des frais de procès ne peut être regardé comme ayant été réparé par ce jugement et ces décisions. Il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi au regard des factures acquittées produites à l'instruction en condamnant la commune d'Irigny à lui verser la somme de 8 252,20 euros.

13. En dernier lieu, pour s'opposer à l'indemnisation des préjudices subis précités au point précédent, la commune d'Irigny n'est pas fondée à se prévaloir de ce que M. A... a retiré de l'existence de la surface construite illégalement et qui n'a pas été démolie, un bénéfice excédant le montant des préjudices ainsi exactement appréciés, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel bénéfice ait été effectivement réalisé par le pétitionnaire.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et, par suite, à en demander l'annulation ainsi que la condamnation de la commune d'Irigny à lui verser la somme de 8 252,20 euros.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune d'Irigny la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le même fondement du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La commune d'Irigny est condamnée à verser à M. A... la somme de 8 252,20 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Irigny au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la commune d'Irigny.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

Mme Claire Burnichon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.

La rapporteure,

C. Burnichon La présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 20LY02565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY02565
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP DUFLOT ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-09-27;20ly02565 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award