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20/10/2022 | FRANCE | N°20LY01238

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 20 octobre 2022, 20LY01238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 25 avril 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisie d'un recours hiérarchique de son employeur, l'UDAF de l'Allier, contre la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2016 ayant refusé de délivrer l'autorisation de la licencier pour inaptitude physique, après avoir retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annu

lé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé son licenciement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 25 avril 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisie d'un recours hiérarchique de son employeur, l'UDAF de l'Allier, contre la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2016 ayant refusé de délivrer l'autorisation de la licencier pour inaptitude physique, après avoir retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé son licenciement.

Par jugement n° 1701030 du 20 février 2020, le tribunal a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

I - Par requête enregistrée le 2 avril 2020 sous le n° 20LY01238, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée au tribunal par Mme A....

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal lui a opposé le délai de retrait d'une décision implicite créatrice de droits de deux mois dès lors qu'étaient en vigueur les dispositions des articles L. 242-1 et L. 243-3-3 du code des relations entre le public et l'administration ménageant un délai de retrait de quatre mois, lequel n'était pas expiré à la date de la décision litigieuse ;

- l'examen des autres moyens soulevés devant le tribunal par voie d'effet dévolutif doit conduire au rejet de la demande de Mme A....

Par mémoire enregistré le 3 juin 2020, présenté pour Mme A..., elle conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le motif de censure retenu par le tribunal est fondé alors en outre que la condition tenant à l'illégalité du refus implicite de retirer la décision de l'inspecteur du travail n'était pas remplie ;

- l'examen des autres moyens invoqués devant le tribunal par voie d'effet dévolutif doit conduire au maintien de l'annulation prononcée en première instance.

II - Par requête enregistrée le 8 avril 2020 sous le n° 20LY01277 et par mémoire enregistré le 3 juillet 2020, présentés pour l'UDAF de l'Allier, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701030 du 20 février 2020, d'en ordonner le sursis à l'exécution et de rejeter la demande présentée au tribunal par Mme A... ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a opposé le délai de retrait d'une décision implicite créatrice de droits de deux mois dès lors qu'étaient en vigueur les dispositions des articles L. 242-1 et L. 243-3-3 du code des relations entre le public et l'administration ménageant un délai de retrait de quatre mois, lequel n'était pas expiré à la date de la décision litigieuse ;

- l'examen des autres moyens invoqués devant le tribunal par voie d'effet dévolutif doit conduire au rejet de la demande de Mme A....

Par mémoire enregistré le 3 juin 2020, présenté pour Mme A..., elle conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le motif de censure retenu par le tribunal est fondé dès lors que les articles L. 242-1 et L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration sont rendus inapplicables aux dispositions qui comme celles de l'article R. 2422-1 du code du travail dérogent au droit commun ;

- l'examen des autres moyens invoqués devant le tribunal par voie d'effet dévolutif doit conduire au maintien de l'annulation prononcée en première instance.

Par mémoire enregistré le 25 novembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social s'associe aux conclusions de l'UDAF de l'Allier, par les mêmes moyens.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête n° 20LY01277 tendant au sursis à l'exécution du jugement attaqué, dans l'hypothèse où il serait statué sur le fond du litige.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu l'ordonnance n° 20LY01311 du 29 septembre 2020 du président de la 7ème chambre de la cour ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public,

- et les observations de Me Mouraix, pour l'UDAF de l'Allier ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., employée par l'UDAF de l'Allier en qualité de déléguée à la tutelle aux prestations familiales et successivement investie des mandats de déléguée du personnel et de déléguée syndicale, a été placée en congés de maladie du 24 janvier 2011 au 19 juillet 2013 puis a fait l'objet d'un avis, émis par le médecin de prévention, d'inaptitude définitive à son poste assortie d'une préconisation de recherche de reclassement sur un autre site. Après deux refus opposés par l'inspection du travail, l'UDAF de l'Allier a présenté une nouvelle demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude auprès de l'inspecteur du travail qui l'a rejetée, par une décision du 6 juillet 2016, aux motifs que l'inaptitude de Mme A... n'était pas établie, que l'obligation de recherche de reclassement n'avait pas été remplie et qu'existait un lien entre le mandat exercé et le projet de licenciement. La ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisie d'un recours hiérarchique formé par l'UDAF de l'Allier contre la décision prise par l'inspecteur du travail le 6 juillet 2016 a, par décision du 25 avril 2017, après avoir retiré le rejet implicite de ce recours hiérarchique né le 26 décembre 2016, annulé cette décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de Mme A.... D'une part, la ministre de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sous le n° 20LY01238, et, d'autre part, l'UDAF de l'Allier, sous le n° 20LY01277, relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, faisant droit à la demande de Mme A..., a annulé la décision ministérielle du 25 avril 2017.

2. Les requêtes susvisées nos 20LY01238 et 20LY01277, présentées respectivement par la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et par l'UDAF de l'Allier, dirigées contre le même jugement, sont relatives à une même décision ministérielle et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les appels de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et de l'UDAF de l'Allier :

3. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, rendu applicable par l'article 9 de l'ordonnance du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration susvisée au retrait des actes administratifs unilatéraux intervenus à compter du 1er juin 2016 : " L'administration ne peut (...) retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si (...) le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".

4. Le rejet implicite du recours hiérarchique formé par l'UDAF de l'Allier contre la décision prise par l'inspecteur du travail le 6 juillet 2016, né le 26 décembre 2016, ayant créé des droits au profit de Mme A... et étant intervenu alors que l'article L. 242-1 précité du code des relations entre le public et l'administration était entré en vigueur, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social disposait d'un délai de quatre mois pour le retirer. Ce délai n'étant pas expiré au 25 avril 2017, date de retrait par la ministre en charge du travail du rejet implicite du recours hiérarchique de l'UDAF de l'Allier né le 26 décembre 2016, c'est à tort que les premiers juges, pour annuler la décision ministérielle du 25 avril 2017 en litige, se sont fondés sur le motif tiré de l'expiration du délai de recours contentieux de deux mois permettant le retrait des décisions implicites créatrices de droit, ouvert antérieurement audit article L. 242-1.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A....

6. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. " Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative compétente pour adopter une décision individuelle entrant dans leur champ de mettre elle-même la personne intéressée en mesure de présenter des observations. Il en va de même, à l'égard du bénéficiaire d'une décision, lorsque l'administration est saisie par un tiers d'un recours gracieux ou hiérarchique contre cette décision. Ainsi le ministre chargé du travail, saisi, sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant ou refusant d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé - à même de présenter utilement ses observations, notamment par la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision et en lui laissant un délai suffisant pour ce faire. Cette obligation revêt le caractère d'une garantie pour le tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits. Il en est de même lorsque l'administration, après avoir rejeté implicitement le recours, retire ladite décision implicite de rejet, qui est créatrice de droits, et fait droit audit recours.

8. Or il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été avisée par courrier, le 17 avril 2017, qu'elle disposait d'un délai de quarante-huit heures pour présenter ses observations sur le projet de retrait de la décision implicite née le 26 décembre 2016 et s'est heurtée à un message d'absence de l'agent responsable du dossier à qui elle demandait un délai supplémentaire. Alors, en outre, que Mme A... établit n'avoir pu s'adjoindre le concours de son avocat pour assurer la défense de ses intérêts, ce délai, en réalité inférieur à deux jours ouvrés, ne saurait être regardé comme suffisant pour la mise en œuvre du droit au respect du contradictoire organisé par l'article L. 122-1 précité du code des relations entre le public et l'administration. Ce vice, qui a privé Mme A... de la garantie prévue par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration, est de nature à fonder l'annulation de la décision litigieuse du 25 avril 2017.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par Mme A..., la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et l'UDAF de l'Allier ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 25 avril 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, après avoir retiré le rejet implicite du recours hiérarchique formé par l'UDAF de l'Allier contre la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2016 lui ayant refusé l'autorisation de licencier Mme A... pour inaptitude physique, a annulé ladite décision de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation de licenciement demandée.

Sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement présentées par l'UDAF de l'Allier :

10. Le présent arrêt statuant sur les appels dirigés contre le jugement n° 1701030 lu le 20 février 2020 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, les conclusions de la requête n° 20LY01277 tendant ce qu'il soit sursis à son exécution ont perdu leur objet et il n'y a de toutes les façons plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, au titre des frais liés au litige exposés par l'UDAF de l'Allier. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... tendant à la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n° 20LY01238 et les conclusions de la requête de l'UDAF de l'Allier n° 20LY01277 tendant à l'annulation du jugement n° 1701030 du 20 février 2020 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand sont rejetées.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de l'UDAF de l'Allier n° 20LY01277 à fins de sursis à l'exécution du jugement n° 1701030 du 20 février 2020 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'UDAF de l'Allier et par Mme A... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administratives sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à l'union départementale des associations familiales de l'Allier et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

S. Lassalle

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

2

Nos 20LY01238, 20LY01277

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01238
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. - Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : GRÉGOIRE HERVET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-20;20ly01238 ?
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