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20/10/2022 | FRANCE | N°22LY00485

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 20 octobre 2022, 22LY00485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2102069 du 25 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal a renvoyé devant une formation c

ollégiale le jugement de la demande en ce qu'elle tendait à l'annulation de la décision ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2102069 du 25 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal a renvoyé devant une formation collégiale le jugement de la demande en ce qu'elle tendait à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et visait au prononcé d'une injonction (article 2), et a rejeté le surplus de cette demande (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 février 2022, M. B..., représenté par Me Grenier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2021 en ce que le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 6 juillet 2021 en tant que le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au profit de son conseil, Me Grenier, la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, dès lors qu'elle est fondée sur un refus de délivrance d'un titre de séjour lui-même illégal ; ce dernier est entaché d'une insuffisance de motivation ; il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions portant fixation d'un délai de départ volontaire et du pays de renvoi doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2022, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 octobre 2022, l'instruction a été rouverte jusqu'au mercredi 5 octobre 2022 à 14 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de la République du Sénégal né, selon lui, le 2 janvier 2002, est entré irrégulièrement sur le territoire français au mois de mars 2018 selon ses déclarations. Il a été confié provisoirement au service d'aide sociale à l'enfance du département de la Côte-d'Or. En dernier lieu par un jugement du 18 novembre 2019, le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Dijon l'a confié, en qualité de mineur, à l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité, regardée comme devant être fixée au 2 janvier 2020. La demande dont il a saisi le préfet de la Côte-d'Or pour la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été rejetée par un arrêté du 6 juillet 2021, qui lui a également fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 25 octobre 2021 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté du 6 juillet 2021, en ce qu'elle ordonne son éloignement et fixe le pays de destination.

2. En premier lieu, M. B... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en ce qu'elle est fondée sur un refus de titre de séjour qui serait lui-même illégal.

3. D'abord, le refus de titre de séjour opposé à M. B..., qui comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles il repose, est motivé.

4. Ensuite, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. " L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance (...) d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / (..). " Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

5. M. B..., qui déclare être né le 2 janvier 2002, et a été placé en tant que mineur étranger isolé auprès du service de l'aide sociale du département de la Côte-d'Or, jusqu'à sa majorité fixée au 2 janvier 2020, a produit devant l'autorité préfectorale, pour justifier de son identité et de son âge, un extrait des minutes du greffe du tribunal d'instance de Tambacounda du 15 mars 2019 autorisant la transcription de l'acte de naissance établi au nom de Oumar B..., une attestation de jugement rendu, établie par ce même greffe le 18 mars 2019, la copie littérale d'un acte de naissance n° 0797, registre de l'année 2018, et un extrait du registre des actes de naissance relatif à cet acte, établies par l'officier d'état civil du centre de Néttéboulou le 18 mars 2019. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'analyse documentaire réalisée par les services de la police aux frontières, le 27 octobre 2020, a conclu que ces documents étaient des contrefaçons de documents administratifs. Il en ressort que l'attestation de jugement ne comprenait pas les mentions du jugement auquel il était fait référence, ne permettant pas les vérification prévues par l'article 73 du code de procédure civile du Sénégal, que l'extrait des minutes du greffe portait des mentions incohérentes, soit la date de naissance à la suite de la mention " sexe ", au lieu du genre de l'intéressé, mais également que la copie littérale de l'acte de naissance et l'extrait du registre des actes de naissance étaient entachés de fautes d'orthographe et d'erreurs de formalisme. L'attestation de jugement, l'extrait des minutes du greffe et l'extrait du registre des actes de naissance ne portaient pas les timbres fiscaux pourtant exigés par la législation sénégalaise. D'ailleurs, dans le cadre d'une procédure judiciaire, M. B... a été convoqué en audition libre le 27 avril 2021 par les services de police, sur instruction du procureur de la République, pour être entendu s'agissant des faits de " détention de faux documents administratifs et tentative d'obtention indue de documents administratifs ". De surcroît, alors que l'intéressé a produit un acte de décès de son père, intervenu le 30 octobre 2003, la copie littérale de l'acte de naissance précitée mentionne qu'elle a été faite en présence de ce dernier. Si l'intéressé attribue cette mention à une erreur de l'état civil du Sénégal, cette seule circonstance ne saurait suffire à l'expliquer. Par suite, et alors même que M. B... produit une carte d'identité dite " Cedeao " et un passeport, qui ne constituent pas des actes d'état civil revêtus d'une force probante particulière, et de nouveaux actes d'état civil différents de ceux produits initialement, le préfet de la Côte-d'Or, compte tenu des incertitudes liés à son identité et à son âge, a pu légalement rejeter sa demande de titre de séjour présentée au titre de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation.

6. Enfin, à la date du refus de titre contesté M. B... ne se trouvait sur le territoire français que depuis un peu plus de trois ans, étant célibataire et sans enfant, alors que, avant son arrivée sur le territoire, il avait vécu toute son existence au Sénégal, où demeurent sa mère ainsi que deux sœurs. Par suite, et bien qu'inséré professionnellement, et bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée en qualité de commis de cuisine, après avoir obtenu le 13 octobre 2020 un brevet d'études professionnelles en restauration option cuisine à la suite de deux années d'études, il n'apparaît pas que le refus de séjour litigieux aurait été opposé en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il en résulte que le refus de séjour contesté n'est pas illégal.

8. En second lieu, et compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, à défaut pour le refus de titre de séjour d'être illégal, aucune illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant un délai de départ volontaire et désignant le pays de renvoi ne saurait être retenue.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des frais du litige.

10. Dès lors que M. B..., partie perdante, a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2022.

Le rapporteur,

J. Chassagne

Le président,

V.-M. Picard La greffière,

S. Lassalle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY00485

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00485
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-20;22ly00485 ?
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