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10/11/2022 | FRANCE | N°21LY00421

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 10 novembre 2022, 21LY00421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions de la rectrice de l'académie de Grenoble des 4, 19 et 22 octobre 2018, la plaçant en disponibilité d'office, l'affectant sur une zone de remplacement et la rattachant administrativement à un lycée, et d'enjoindre à cette autorité et au ministre en charge de l'éducation nationale de reconstituer sa carrière et de la réintégrer sur un poste de directeur délégué aux formations professionnelles et technolog

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions de la rectrice de l'académie de Grenoble des 4, 19 et 22 octobre 2018, la plaçant en disponibilité d'office, l'affectant sur une zone de remplacement et la rattachant administrativement à un lycée, et d'enjoindre à cette autorité et au ministre en charge de l'éducation nationale de reconstituer sa carrière et de la réintégrer sur un poste de directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques (DDFPT) sur un lieu d'affectation qui ne nécessite pas plus de vingt minutes de trajet depuis son domicile.

Par un jugement n° 1903058 du 14 décembre 2020, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 février et 14 juin 2021, Mme B..., représentée par Me de la Porte des Vaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions ci-dessus des 4, 19, 22 octobre 2018 et celle du 8 novembre 2018 par laquelle la rectrice de l'Académie de Grenoble l'a affectée sur un poste de titulaire en zone de remplacement (TZR), ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé le 4 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de reconstituer sa carrière et de la réintégrer sur un poste de DDFPT sur un lieu d'affectation qui ne nécessite pas plus de vingt minutes de trajet depuis son domicile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision la plaçant en disponibilité d'office est entachée de vices de procédure ; alors qu'elle avait formé une demande de congé de longue maladie, seul le comité médical de la Drôme et non de l'Isère était compétent ; il n'a rendu un avis que le 4 octobre 2018, soit dans un délai non raisonnable, et elle n'a rencontré le médecin de prévention que le 30 août 2018, dont l'avis ne lui a été transmis que le 9 octobre 2018 ; le courrier du 12 juillet 2018 lui transmettant l'avis du comité médical départemental de l'Isère n'indiquait pas qu'une nouvelle saisine de ce comité était nécessaire dans la mesure où celui de l'Isère n'était pas territorialement compétent, alors qu'elle avait déjà dû attendre une année pour obtenir un avis et que ses droits à congé de maladie ordinaire arrivaient à expiration le 17 août 2018 ; l'attente de l'avis du comité médical départemental a entraîné sa mise en disponibilité d'office du 17 août au 4 octobre 2018 ; la rectrice n'a pas sollicité le comité médical départemental le 17 février 2018, alors qu'elle avait bénéficié de six mois de congés maladie consécutifs à compter du 17 août 2017, et aucune réponse n'a été apportée à sa demande de congé de longue maladie adressée le 20 août 2017 ;

- elle est entachée d'illégalité, dès lors qu'elle ne lui a pas été notifiée, et qu'elle ne lui était donc pas opposable ;

- elle est insuffisamment motivée, ne mentionnant aucune disposition légale et se limitant à faire référence au procès-verbal de la séance tenue par le comité médical départemental sans en préciser la date ;

- elle est entachée d'illégalité en tant qu'elle fixe le début de sa mise en disponibilité d'office au 17 au lieu du 29 août 2018, dès lors qu'elle avait été placée en congé de maladie ordinaire du 17 au 29 août 2018 par arrêté du 29 mai 2018, définitif, seul un arrêté du 17 septembre 2018 la plaçant en congé de maladie ordinaire jusqu'au 30 novembre 2018 ayant été retiré ;

- elle est entachée de rétroactivité illégale, au regard des dispositions de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, dès lors qu'elle a été placée en disponibilité d'office postérieurement à l'expiration de ses droits à congés de maladie ordinaire, alors que le comité médical avait émis un avis favorable à sa reprise, aucune raison relative au déroulement de sa carrière ou à la régularisation de sa situation n'existant, et qu'elle aurait pu bénéficier d'un placement en congés annuels qui sont reportés pour l'intégralité de leur durée lorsqu'ils n'ont pas été pris pour raison de santé ;

- les décisions des 19, 22 octobre et du 8 novembre 2018, sont entachées d'incompétence ;

- ces décisions sont illégales, étant entachées de vices de procédure, n'ayant pas été précédées de la saisine de la commission administrative paritaire et d'une invitation à consulter son dossier, et méconnaissant les préconisations du médecin de prévention, alors qu'elles constituent une mutation d'office prise dans l'intérêt du service.

Par des mémoires enregistrés le 12 mai et le 9 juillet 2021, la rectrice de l'académie de Grenoble conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de ce que la décision portant placement en disponibilité d'office est entachée d'un vice de procédure, pour absence de saisine du comité médical départemental le 17 février 2018, et de ce qu'elle est entachée d'illégalité, dès lors qu'elle ne lui a pas été notifiée, et ne lui était donc pas opposable, sont inopérants ;

- elle était tenue de prendre la décision du 4 octobre 2018 portant placement en disponibilité d'office, au regard des dispositions de l'article 51 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, pour que Mme B... se trouve dans une position administrative régulière durant la période comprise entre l'épuisement de ses droits à congés de maladie ordinaire et la date de sa réintégration ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les moyens soulevés en appel par Mme B..., dirigés contre la décision du 4 octobre 2018 la plaçant en disponibilité d'office, relatifs à la légalité externe de cet acte, sont irrecevables comme constituant une demande nouvelle en appel, dès lors qu'ils relèvent d'une cause juridique distincte de celle à laquelle les moyens de première instance invoqués à l'encontre de cette décision appartenaient.

Un mémoire enregistré le 13 octobre 2022, présenté pour Mme B..., n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 ;

- l'arrêté du 9 août 2004 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation aux recteurs d'académie en matière de gestion des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... est titulaire du grade de professeur de lycée professionnel de classe normale. Elle a été placée en congé de maladie à compter du 17 août 2017. Par une décision du 4 octobre 2018, la rectrice de l'académie de Grenoble l'a placée en disponibilité d'office pour la période du 17 août au 4 octobre 2018, par le motif que ses droits à congés statutaires avaient expiré. Par une décision du 19 octobre 2018, elle a été affectée sur la zone de remplacement dite " 38-3 Bourgoin-Jallieu ", pour la période du 5 octobre 2018 au 31 août 2019 et, par une décision du 22 octobre 2018, elle a été rattachée administrativement au lycée professionnel Hector Berlioz de La Côte-Saint-André pour cette même période. Par une décision du 8 novembre 2018, la rectrice de l'Académie de Grenoble, en réponse à Mme B..., a confirmé ces deux dernières décisions. Par un courrier du 4 janvier 2019, reçu le 7 janvier 2019, l'intéressée a saisi le ministre en charge de l'éducation nationale d'un recours hiérarchique, contre cette dernière décision, qui a été implicitement rejeté. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 décembre 2020 ayant rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation des décisions des 4, 19 et 22 octobre 2018.

Sur la décision du 4 octobre 2018 :

2. En premier lieu, les moyens de légalité externe soulevés par Mme B... à l'encontre de la décision contestée, faute pour elle d'avoir présenté des moyens relevant de cette cause juridique devant les premiers juges, doivent être écartés comme étant irrecevables, constituant une demande nouvelle en appel.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). / (...). ". Selon les dispositions de l'article 51 de cette loi : " (...) / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34. Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés en vue de sa réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que si, par un arrêté du 17 septembre 2018, la rectrice de l'académie de Grenoble a placé Mme B... en congé de maladie du 30 août au 30 novembre 2018, compte tenu notamment de la précédente période durant laquelle elle avait bénéficié d'un tel congé jusqu'au 16 août 2018, cet arrêté a, sur ce point, été retiré par un nouvel arrêté du 27 septembre 2018, devenu définitif. Si Mme B... se prévaut de ce que, par un acte aujourd'hui définitif en date du 29 mai 2018, le recteur l'aurait placée en congé de maladie ordinaire du 17 au 29 août 2018, il apparaît toutefois qu'il n'a fait que lui adresser une demande d'avis du comité médical. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'illégalité en tant qu'elle fixe le début de sa mise en disponibilité d'office au 17 au lieu du 29 août 2018. Le moyen doit donc être écarté.

5. En dernier lieu, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration ne peut, par dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation.

6. Ainsi qu'il a été précédemment dit, la décision contestée est intervenue à la suite de l'avis du comité médical départemental de la Drôme du 4 octobre 2018 en faveur du placement de l'intéressée en disponibilité d'office du 17 août au 4 octobre 2018. Mme B..., placée en congés de maladie ordinaire à compter du 17 août 2017 jusqu'au 16 août 2018, a ainsi épuisé ses droits en application des dispositions précitées du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. L'appréciation, par le comité médical départemental de la Drôme, de l'aptitude de l'intéressée au service a été faite à la date du 4 octobre 2018. La décision contestée est donc intervenue afin de placer Mme B... dans une position conforme à son statut. Si elle fait valoir qu'elle aurait pu bénéficier d'un placement en congés annuels, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait présenté une demande en ce sens ou en aurait sollicité le report. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée de rétroactivité illégale.

Sur les décisions des 19, 22 octobre et 8 novembre 2018 :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel, dans sa rédaction applicable : " Les professeurs de lycée professionnel participent aux actions de formation, principalement en assurant un service d'enseignement dans leurs disciplines respectives. (...). ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les professeurs de lycée professionnel peuvent exercer les fonctions de directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques. / (...). ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 août 2004 visé plus haut, dans sa rédaction applicable : " Délégation permanente de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation est donnée aux recteurs d'académie : / (...) / II.- Pour prononcer les premières et les nouvelles affectations des personnels nommés dans l'enseignement secondaire, au sein de leur académie, appartenant aux corps suivants : / (...) / 9. Professeurs de lycée professionnel. / (...). ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 23 juin 2006 Mme B... avait été nommée à compter du 1er septembre 2006 en qualité de chef de travaux sciences et techniques industrielles au lycée professionnel Hector Berlioz de La Côte-Saint-André. Toutefois, par une décision du 4 octobre 2018, dont elle n'a pas remis en cause la légalité, l'intéressée a été placée en disponibilité d'office pour la période du 17 août au 4 octobre 2018. Dès lors, en vertu des dispositions précitées de l'article 1er de l'arrêté du 9 août 2004, et compte tenu de son statut de membre du corps des professeurs de lycée professionnel, la rectrice de l'académie de Grenoble était de toutes les façons compétente, à la date des décisions contestées, pour prononcer son affectation sur la zone de remplacement dite " 38-3 Bourgoin-Jallieu " pour la période du 5 octobre 2018 au 31 août 2019 et, pour cette même période, son rattachement administratif au lycée professionnel Hector Berlioz de La Côte-Saint-André. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que les décisions contestées seraient entachées d'incompétence.

9. En second lieu, compte tenu de ce qui précède, et comme l'avait estimé le comité médical départemental de la Drôme, qui avait jugé l'intéressée apte au service à compter du 5 octobre 2018, il appartenait à la rectrice de l'affecter à partir de cette dernière date, et conformément à son statut de membre du corps des professeurs de lycée professionnel, dans de nouvelles fonctions. Mme B... n'est donc pas fondée à soutenir que les décisions contestées seraient constitutives d'une mutation d'office dans l'intérêt du service irrégulière faute d'avoir donné lieu, au préalable, à la saisine de la commission administrative paritaire et à une invitation à consulter son dossier. Et même en admettant qu'elles méconnaîtraient les préconisations du médecin de prévention, une telle circonstance, à la supposer établie, n'est pas de nature, en tant que telle, à les entacher d'illégalité. Ces moyens ne peuvent donc qu'être écartés.

10. Par suite, et alors que la rectrice de l'académie de Grenoble n'était pas en situation de compétence liée pour prendre la décision du 4 octobre 2018, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

Le rapporteur,

J. ChassagneLe président,

V-M. Picard La greffière,

S. Lassalle

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00421

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00421
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Disponibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : MARCE - DE LA PORTE DES VAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;21ly00421 ?
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