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10/11/2022 | FRANCE | N°21LY00475

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 10 novembre 2022, 21LY00475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Moto Meca Scoot a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1903212 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.>
Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, et un mémoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Moto Meca Scoot a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1903212 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 3 octobre 2022, l'EURL Moto Meca Scoot, représentée par Me Naïm, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions, des pénalités et amendes afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a méconnu la charte du contribuable vérifié opposable sur le fondement de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle a sollicité le bénéfice des voies de recours et que l'administration n'a pas donné suite à sa demande ;

- l'administration n'était pas fondée à remettre en cause la méthode de calcul qu'elle a appliquée sur le fondement de la doctrine administrative pour déterminer la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge de l'article 297 A du code général des impôts des ventes de pièces détachées dès lors qu'elle reconstituait de nouveaux lots à partir des lots acquis auprès de son fournisseur.

Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions relatives aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de chefs de redressement autres que celui portant sur la remise en cause du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur les lots hétérogènes sont irrecevables en l'absence de moyens ;

- le moyen relatif à l'application de la doctrine administrative n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Moto Meca Scoot, qui avait pour activité l'achat, la vente et la réparation d'automobiles, de motocyclettes et de pièces détachées, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause l'application à certaines ventes de pièces détachées imposables à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge, de la méthode de calcul de la base d'imposition admise par la doctrine administrative pour les articles d'occasion susceptibles de remploi issus de lots hétérogènes, que la société avait utilisée pour déterminer la marge taxable, à laquelle elle a substitué la base d'imposition prévue à l'article 297 A du code général des impôts. L'EURL Moto Meca Scoot relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande des impositions consécutives au contrôle.

Sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des autres rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. L'EURL Moto Meca Scoot ne conteste pas l'irrecevabilité opposée par les premiers juges aux conclusions de sa demande de première instance tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de chefs de redressement autres que celui portant sur la remise en cause de la méthode de calcul de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. Par suite, les conclusions de l'EURL Moto Meca Scoot tendant à la décharge de ces impositions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 47 sont opposables à l'administration ". Dans la partie relative aux conclusions du contrôle, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoit, dans sa version applicable à la procédure en litige que " si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal. Si, après ces contacts, des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur ".

4. Les dispositions citées au point 3 assurent au contribuable qui en fait la demande la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur puis avec l'interlocuteur départemental dans les conditions qu'elles précisent. La mise en œuvre de cette garantie doit être demandée par le contribuable avant la décision d'imposition, c'est-à-dire la date de mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire résultant des opérations de contrôle entrant dans le champ de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.

5. Dans son dernier mémoire, enregistré le 3 octobre 2022, l'EURL Moto Meca Scoot, qui ne fait pas état de ce qu'elle n'aurait pas bénéficié d'un entretien avec le supérieur hiérarchique à la suite de son courrier du 8 janvier 2018, peut être regardée comme soutenant qu'elle n'a pas eu accès à l'interlocuteur départemental. Si, par un courrier du 20 mars 2019, elle a sollicité " le bénéfice des voies de recours prévues par l'avis de vérification et notamment un entretien avec le supérieur hiérarchique ", ce courrier, eu égard à ses termes, ne saurait tenir lieu de demande explicite de saisine de l'interlocuteur départemental adressée à l'administration. Dans ces conditions, l'EURL Moto Meca Scoot n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée, en méconnaissance des dispositions précitées de la charte du contribuable vérifié, de la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec l'interlocuteur départemental.

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

6. Il résulte des énonciations de la proposition de rectification du 16 octobre 2017 que l'administration a remis en cause l'application de la méthode de calcul de la base d'imposition admise par la doctrine administrative pour l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge des articles d'occasion susceptibles de remploi issus de lots hétérogènes que l'EURL Moto Meca Scoot avait utilisée pour déterminer la marge taxable d'une partie de ses ventes pour lui substituer la base d'imposition prévue à l'article 297 A du code général des impôts s'agissant des factures mentionnées en annexe de la proposition de rectification en relevant que les informations concernant ces biens acquis puis revendus étaient précises et rigoureusement enregistrées par l'EURL Moto Meca Scoot alors que cette méthode est réservée aux ventes de produits dont la nature et le prix sont indéterminés au moment de l'acquisition.

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ".

8. La requérante se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées, de la doctrine publiée au BOFIP BOI-TVA-SECT-90-20 310 applicable aux " articles ou matières dont la nature est indéterminée au moment de l'acquisition " selon laquelle " Les acquéreurs de lots hétérogènes (usine désaffectée ou matériel destiné à la casse par exemple) sont obligés de procéder à un tri à la suite duquel ils déterminent la nature exacte des produits qu'ils revendent, certains de ces produits peuvent être des matières de récupération destinées à entrer dans un nouveau circuit de fabrication, d'autres constituent des articles d'occasion susceptibles de remploi. Pour ces derniers, à défaut d'une connaissance exacte du prix d'achat correspondant, il est admis que la base d'imposition soit fixée à la moitié du prix de cession. "

9. Il n'est pas contesté que l'administration n'a pas remis en cause la méthode de calcul de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée appliquée par l'EURL Moto Meca Scoot aux ventes de pièces détachées dont le prix d'achat de chacune des pièces détachées revendues ne pouvait être établi avec exactitude et que les rappels en litige ne concernent que les opérations que l'administration a regardées comme des ventes de lots en l'état de véhicules deux-roues achetés auprès de son fournisseur pour un prix identifiable.

10. L'EURL Moto Meca Scoot fait valoir qu'elle procède à l'acquisition de lots hétérogènes dont l'unité de valeur est dénommée cadre ou châssis qu'elle revend, non pas en l'état, mais, après avoir réalisé un tri et un réassemblage, sous forme d'ensembles homogènes qui, s'ils présentent toutes les caractéristiques d'un deux-roues fonctionnel, sont composés de pièces issues de différents lots de véhicules acquis qui doivent dès lors être regardées comme des pièces de rechange et des pièces détachées dont le prix d'achat ne peut être connu avec exactitude.

11. Il résulte de l'instruction que l'EURL Moto Meca Scoot acquiert auprès de son unique fournisseur des lots de véhicules de type deux roues qui sont précisément identifiés et détaillés par des listes éditées lors de ses acquisitions. Les factures de vente établies par l'EURL Moto Meca Scoot comportent l'identification du véhicule deux-roues concerné, vendu en l'état sans cadre ou châssis, sans certificat d'immatriculation et sans garantie, et correspondant à un numéro d'ordre de fourrière ou à un numéro de châssis ou un numéro de moteur. Par ailleurs, le prix d'achat unitaire des véhicules acquis par l'EURL Moto Meca Scoot est connu dès lors que le prix des scooters est fixé forfaitairement à 55 euros par unité et que le prix des motos d'occasion, également précisé sur les factures, varie en fonction de la marque, des kilomètres parcourus et de la date d'immatriculation du véhicule. Par suite, et nonobstant les termes de la convention d'enlèvement d'épaves signée entre l'EURL Moto Meca Scoot et son fournisseur qui lui interdit de revendre en l'état les véhicules, il ne résulte pas de l'instruction que la société requérante effectuait un tri des pièces composant les lots de véhicules acquis et procédait ainsi à des ventes de pièces détachées susceptibles de remploi issus de lots hétérogènes. Il s'ensuit que l'EURL Moto Meca Scoot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause l'application de la méthode de calcul admise par la doctrine pour déterminer la marge taxable à la taxe sur la valeur ajoutée.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir du ministre reprise des écritures de première instance de l'administration, que l'EURL Moto Meca Scoot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de l'EURL Moto Meca Scoot est rejetée

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Moto Meca Scoot et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00475
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET F.NAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-11-10;21ly00475 ?
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