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20/12/2022 | FRANCE | N°22LY00391

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 20 décembre 2022, 22LY00391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Ennezat a rejeté sa demande du 12 juin 2017 tendant à ce qu'il prenne toutes les dispositions nécessaires afin que le mur du jardin de sa propriété n'ait pas à supporter un remblai adossé au droit de sa parcelle.

Par un jugement n° 1701915 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19LY02506 du

30 mars 2021, la cour administrative de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B... contre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune d'Ennezat a rejeté sa demande du 12 juin 2017 tendant à ce qu'il prenne toutes les dispositions nécessaires afin que le mur du jardin de sa propriété n'ait pas à supporter un remblai adossé au droit de sa parcelle.

Par un jugement n° 1701915 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19LY02506 du 30 mars 2021, la cour administrative de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par une décision n° 453105 du 8 février 2022, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour l'affaire.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire enregistré le 11 mars 2022, à la suite de la reprise d'instance après cassation de l'arrêt de la cour, la commune d'Ennezat, représentée par Me Maisonneuve, demande à la cour de rejeter la requête de M. B... et de mettre à sa charge le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions à fin d'injonction, nouvelles en appel, sont irrecevables ; il a seulement saisi le tribunal d'un recours pour excès de pouvoir ; le sont également les conclusions visant à faire constater une emprise irrégulière ;

- le lien de cause à effet entre les travaux et le dommage allégué n'est pas avéré ; les photographies versées aux débats ne démontrent pas qu'un remblai d'1,60 m à 1,70 m, sur un mur d'1,03 m aurait été réalisé ; des fissures étaient préexistantes aux travaux et sont sans rapport avec eux ; le mur présentait un caractère de vulnérabilité ; cette fragilité est exclusivement imputable à l'abstention fautive de M. B... ;

- la suppression de la place de parking et la destruction de la voie d'accès à la maison médicale porteraient une atteinte excessive à l'intérêt général au regard notamment du coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice prétendument subi.

Par des mémoires enregistrés les 11 mars et 28 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Perraudin, conclut, dans le dernier état de ses écritures, persiste dans ses précédentes conclusions, portant à 7 000 euros la somme réclamée en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le dommage qu'il subit est accidentel, lié à l'exécution des travaux de la maison de santé et de son parking ;

- la responsabilité de la collectivité est engagée, même en l'absence de faute ; le muret, qui est enterré sur la moitié de sa longueur, est devenu, par le fait de la commune, un mur chargé de contenir la poussée des terres qui sont appuyées contre lui, ainsi que celle des charges portées par ces terres (véhicules sur le parking) ;

- la commune d'Ennezat doit prendre toute mesure propre à faire cesser les dommages et à le rétablir le mieux possible dans son droit à ne pas subir de préjudice.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Picard, président ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation situé à Ennezat dans le département du Puy-de-Dôme. Sa parcelle, close par un muret, jouxte deux parcelles sur lesquelles la commune d'Ennezat a construit une maison de santé. En vue notamment de la création du parking de cette maison de santé, la commune d'Ennezat a procédé au remblaiement d'une des parcelles jusqu'en limite du muret de clôture de M. B.... Par un courrier du 12 juin 2017, M. B... a demandé au maire d'Ennezat de bien vouloir prendre toutes dispositions nécessaires pour que le muret de sa propriété ne supporte plus la charge de remblai que ces travaux ont créée et qu'il soutient. Par une décision du 8 février 2022, le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour du 30 mars 2021 qui, comme le tribunal administratif de Clermont-Ferrand dans son jugement du 30 avril 2019, avait rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande et qui, en appel, avait refusé d'ordonner à la commune de procéder à la remise en état initial du muret et de retirer la terre prenant appui sur ce muret, et a renvoyé l'affaire devant la cour.

2. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.

3. Pour la mise en œuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent, alors même que le requérant demanderait seulement l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.

4. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

Sur la recevabilité des conclusions :

5. Dans sa demande devant le tribunal, enregistrée le 17 octobre 2017, M. B... demandait seulement l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le maire d'Ennezat avait implicitement refusé, malgré un courrier en ce sens du 12 juin 2017, de " prendre toutes dispositions nécessaires " pour que le muret de son jardin " n'aie plus à supporter la charge de remblai pour laquelle il n'est pas fait ". Même si, dans l'instance devant le tribunal, M. B... n'a pas formellement assorti son recours de conclusions à fin d'injonction, il doit rétrospectivement être regardé comme ayant saisi cette juridiction de conclusions de pleine juridiction tendant à ce que la commune prenne des mesures destinées à mettre fin au dommage qu'il aurait exposé, de toutes les façons non soumises à ministère d'avocat en vertu des dispositions combinées des articles R. 431-2, R. 431-3 et R. 431 4 du code de justice administrative. Dès lors, ses conclusions, présentées à titre principal, tendant à ce que la cour ordonne à la commune " de procéder à la remise en état initial du mur et de retirer la terre afin qu'elle ne prenne plus appui sur ledit mur " ne sauraient, contrairement à ce que soutient la commune, être regardées comme nouvelles en appel et donc rejetées comme irrecevables.

6. Il résulte par ailleurs de l'instruction que les conclusions tendant à la constatation d'une emprise irrégulière, que le requérant a présentées pour la première fois en appel, sont nouvelles et, par suite, irrecevables.

Sur le fond du litige :

7. M. B... est propriétaire d'une parcelle cadastrée 196. Selon un constat d'huissier et les photographies produites, un muret séparatif situé au nord de la propriété d'une hauteur comprise entre 0,50 cm. côté est et 1 m côté ouest avait pour fonction initiale de clore la propriété des époux B.... Si la commune d'Ennezat fait valoir que le mur est mitoyen en se fondant sur le cahier des charges du lotissement qui stipule à l'article 7 que " Les acquéreurs devront se clore dans l'année qui suivra le jour de leur acquisition. Les clôtures séparatives seront établies à cheval sur la ligne divisoire des deux lots ", il n'est pas sérieusement contesté que les parcelles actuellement cadastrées AA 439 et AA 547 appartenant à la commune et anciennement cadastrées B 393, B 392 et B 1061 ne faisaient pas partie des vingt-trois lots du lotissement communal et que, par suite, les dispositions de l'article 7 du règlement du lotissement n'étaient pas applicable à la clôture séparant la parcelle 196 des parcelles 439 et 547. Par ailleurs, l'extrait du plan cadastral établit que le muret de clôture est situé en limite séparative des parcelles 439 et 547 à l'intérieur de la propriété de M. B.... Le muret de clôture doit donc être regardé comme la propriété de M. B....

8. Il résulte de l'instruction que, en vue notamment de la création du parking de la maison médicale, la commune d'Ennezat a procédé au remblaiement de la parcelle 547, l'a terrassée et a procédé à son imperméabilisation jusqu'en limite du muret de clôture. Il apparaît et n'est pas sérieusement contesté que, du fait de la réalisation de ces travaux publics, le muret s'est fissuré, même si des fissures préexistaient par ailleurs. Les dommages invoqués par M. B..., qui a la qualité de tiers par rapport à ces travaux, trouvent ainsi leur cause dans la poussée qu'exercent sur le muret de clôture de sa propriété les terres remblayées par la commune. Ces dommages, qui résultent pour l'essentiel de l'absence de réalisation par la commune d'un dispositif de soutènement des terres remblayées, présentent un caractère accidentel, n'étant pas inhérents à l'existence même de la maison de santé et de son parking. Par ailleurs, si la commune fait valoir que la suppression de la place de parking et la destruction de la voie d'accès à la maison médicale porteraient une atteinte excessive à l'intérêt général au regard notamment du coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, elle n'en justifie absolument pas, en particulier au regard de l'importance des travaux de reprise nécessaires et de leur caractère réalisable, de leur coût et de ses capacités financières. Il apparaît dès lors que, en s'abstenant d'intervenir pour mettre un terme aux dommages subis par M. B..., la commune, que ne se prévaut d'aucun droit de tiers, a commis une faute. Alors que le muret en cause n'avait d'autre fonction que de marquer une séparation avec la propriété voisine, n'ayant pas vocation à faire office d'ouvrage de soutènement, sa prétendue fragilité, attribuée à M. B..., ne saurait suffire à exonérer la commune des conséquences de sa faute.

9. En l'espèce, la commune n'établit, ni même n'allègue, que des mesures auraient été prises pour faire cesser les désordres affectant le mur de la propriété de M. B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la commune d'Ennezat de prendre les mesures nécessaires pour éviter que la terre du parking de la maison de santé prenne directement appui sur ce mur et pour le remettre dans l'état qui était le sien avant travaux, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, mais sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit mis à la charge M. B..., qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la commune d'Ennezat dans la présente instance et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Ennezat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 avril 2019 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint à la commune d'Ennezat de prendre les mesures énoncées au point 9 du présent arrêt.

Article 3 : La commune d'Ennezat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M A... B... et à la commune d'Ennezat.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Picard, président de chambre ;

- M. Seillet, président assesseur ;

- MmeDjebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2022.

Le président, rapporteur,

V.-M. Picard

Le président assesseur,

Ph. Seillet

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au préfet du Puy-de-Dôme, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière

N° 22LY00391 2

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY00391
Date de la décision : 20/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-03-04 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : PERRAUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-12-20;22ly00391 ?
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