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02/02/2023 | FRANCE | N°21LY00764

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 02 février 2023, 21LY00764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Selarl Pegorier et Associés a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période d'octobre 2013 à septembre 2016, ainsi que des majorations correspondantes.

Par une ordonnance n° 2006606 du 7 janvier 2021, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les

11 mars 2021 et 19 avril 2022, la Selarl Pegorier et Associés, représenté par Me Tissot, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Selarl Pegorier et Associés a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période d'octobre 2013 à septembre 2016, ainsi que des majorations correspondantes.

Par une ordonnance n° 2006606 du 7 janvier 2021, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 mars 2021 et 19 avril 2022, la Selarl Pegorier et Associés, représenté par Me Tissot, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le greffe du tribunal administratif lui a demandé de régulariser sa requête au seul visa de l'article R. 412-2 du code de justice administrative, relatif à la numérotation des pièces jointes et leur énumération dans un bordereau, et non au visa des articles R. 414-1 et R. 414-3 du même code relatifs à la présentation des pièces jointes des requêtes déposées par voie électronique, alors que l'ordonnance attaquée, par laquelle sa requête a été rejetée comme irrecevable, est fondée sur le non-respect de ces deux derniers textes ; elle n'a donc pas été mise à même de régulariser sa requête, ce qui faisait obstacle à son rejet pour irrecevabilité ;

- la demande régularisation qui lui a été adressée ne l'informait pas de la sanction d'irrecevabilité encourue, puisqu'elle mentionnait uniquement la sanction consistant à écarter les pièces des débats en l'absence de régularisation ;

- les pièces produites, à savoir des devis, factures et comptes rendus opératoires par patient, regroupées, eu égard à leur volume, en plusieurs fichiers distincts correspondant, pour chacun d'eux, à plusieurs mois de la période d'imposition, et répertoriées dans un inventaire, constituent des séries homogènes au regard de l'objet du litige, pour lesquelles il est admis que chacune d'entre elle ne soit pas répertoriée par un signet ;

- les tableaux récapitulatifs figurant au début de chaque fichier ne sont pas des pièces justificatives, qui auraient dû être mentionnées dans l'intitulé des fichiers figurant sur le bordereau, mais un document visant à faciliter la lecture, par le juge et l'administration, des pièces volumineuses produites ;

- le bordereau n'avait pas à énumérer toutes les factures, devis et comptes-rendus opératoires produits au sein de chaque fichier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tissot, représentant la Selarl Pegorier et Associés ;

Considérant ce qui suit :

1. La Selarl Pegorier et Associés, qui exerce une activité de chirurgie plastique, réparatrice et esthétique, a fait l'objet, en 2017, d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, à l'issue de laquelle l'administration, estimant qu'elle devait être assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur les honoraires non pris en charge par la sécurité sociale, lui a réclamé des droits de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, au titre de l'ensemble de la période vérifiée. La Selarl Pegorier et Associés relève appel de l'ordonnance du 7 janvier 2021 par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à la décharge de ces rappels et des majorations correspondantes.

Sur la régularité de l'ordonnance contestée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, d'une part : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. ".

3. Aux termes de l'article R. 414-1 du code de justice administrative, d'autre part : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat (...) la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant (...) ". Aux termes de l'article R. 414-3 du même code : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1, R. 412-2 et R. 611-1-1, les requérants sont dispensés de produire des copies de leur requête et de leurs mémoires complémentaires, ainsi que des pièces qui y sont jointes. / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête (...) ".

4. Les dispositions citées au point 3 relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. A cette fin, elles organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé et font obligation à son auteur de les transmettre soit en un fichier unique, chacune d'entre elles devant alors être répertoriée par un signet la désignant, soit en les distinguant chacune par un fichier désigné, l'intitulé des signets ou des fichiers devant être conforme à l'inventaire qui accompagne la requête. Ces dispositions ne font pas obstacle, lorsque l'auteur de la requête entend transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène, telles que des factures, à ce qu'il les fasse parvenir à la juridiction en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers sans répertorier individuellement chacune d'elles par un signet, à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que l'ordre de présentation, au sein de chacun d'eux, des pièces qu'ils regroupent soient conformes à l'énumération, figurant à l'inventaire, de toutes les pièces jointes à la requête.

5. En cas de méconnaissance des prescriptions relatives à la présentation des pièces jointes, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.

6. Par l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement des dispositions citées au point 3 du code de justice administrative, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme irrecevable la requête de la Selarl Pegorier et Associés, en retenant, d'une part, que les quatorze fichiers produits en dernier lieu par l'intéressée ne regroupaient pas des pièces constituant une série homogène eu égard à l'objet du litige, et d'autre part, que l'inventaire produit ne comportait pas l'énumération de toutes les pièces regroupées dans chacun de ces fichiers, lesquels représentent individuellement plusieurs centaines de pages, après avoir relevé que la réponse apportée, le 13 décembre 2020, par la Selarl Pegorier et Associés à la demande de régularisation qui lui a été adressée le 8 décembre 2020, n'avait pas régularisé sa requête.

7. Il ressort du dossier de première instance que la Selarl Pegorier et Associés a saisi, le 30 octobre 2020, par l'intermédiaire de son conseil et via l'application Télérecours, le tribunal administratif de Grenoble d'une requête comportant sept fichiers de pièces jointes, les trois premiers comportant chacun une seule pièce et les quatre suivants (n° 4 à 7) un nombre important de pièces non répertoriées par des signets, chacun de ces fichiers étant mentionné, dans l'inventaire détaillé, sous l'intitulé " factures et devis émis par la Selarl " au titre, respectivement, de 2013, 2014, 2015 et 2016. Ne parvenant pas à télécharger les pièces regroupées dans les fichiers n° 5 à 7 sur l'application Télérecours en raison de leur volume, le conseil de la société requérante a, le 16 novembre 2020, produit les pièces concernées en scindant ces trois fichiers en plusieurs fichiers comportant un nombre moins important de pièces, et modifié, en conséquence, l'inventaire détaillé des pièces communiquées, pour qu'il corresponde aux nouveaux fichiers joints, recouvrant chacun un ou plusieurs mois de chacune des années 2014 à 2016, et non une année complète. Le nouvel inventaire répertoriait ainsi chacun des nouveaux fichiers, numérotés de 5.1 à 7.4, sous l'intitulé " factures et devis émis par la Selarl ", suivi de la période correspondante.

8. Par lettre du 12 décembre 2020, le greffe du tribunal administratif de Grenoble a, au visa de l'article R. 412-2 du code de justice administrative, selon lequel " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. (...) ", demandé à la Selarl Pegorier et Associés de régulariser sa requête, en produisant " un exemplaire supplémentaire du bordereau d'accompagnement ", avant de lui préciser qu'à défaut de régularisation sous quinze jours, " ces pièces seront écartées des débats ". En réponse à cette demande, la société requérante a produit, le 13 décembre 2020, un nouvel inventaire des pièces jointes, mentionnant, pour les fichiers numérotés de 4 à 7.4, le libellé " factures, devis et comptes-rendus opératoires " ainsi que la période concernée.

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 et 8 ci-dessus que les motifs retenus par le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble pour rejeter la requête de la Selarl Pegorier et Associés, tirés de l'irrégularité en la forme de sa requête en raison des modalités de présentation des fichiers des pièces jointes et du caractère incomplet de l'inventaire détaillé les accompagnant, sont sans lien avec les termes de la demande de régularisation adressée au préalable à l'intéressée, laquelle, d'une part, visait d'autres dispositions du code de justice administrative, celles de l'article R. 412-2, et plus particulièrement la partie de ces dispositions relatives à la production de copies, qui ne concernent pas les requêtes adressées à la juridiction par voie électronique, et, d'autre part, sollicitait de sa part, non pas la régularisation de la présentation des fichiers déposés par l'insertion de signets, ni même la production d'une version complétée de l'inventaire détaillé, mais uniquement la production d'une copie dudit inventaire. De plus, cette demande de régularisation n'a pas fait mention de l'irrecevabilité de la requête susceptible d'être prononcée à défaut de régularisation dans le délai de quinze jours imparti. Par suite, et faute d'avoir été précédée d'une demande régulière de régularisation, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulée.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Grenoble, ainsi que le demande l'appelante.

Sur les frais liés au litige :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la Selarl Pegorier et Associés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2006606 du président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Grenoble du 7 janvier 2021 est annulée.

Article 2 : La Selarl Pegorier et Associés est renvoyée devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il soit statué sur sa demande.

Article 3 : L'Etat versera à la Selarl Pegorier et Associés la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Selarl Pegorier et Associés et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00764
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

54-01-08 Procédure. - Introduction de l'instance. - Formes de la requête.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : VEDESI - SCP SCHMIDT VERGNON PELISSIER THIERRY EARD-AMINTHAS et TISSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-02;21ly00764 ?
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