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23/02/2023 | FRANCE | N°21LY00837

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 23 février 2023, 21LY00837


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par deux requêtes distinctes, d'annuler, d'une part, les titres exécutoires nos 1019, 1020, 1021, 1022 et 1023 ainsi que, d'autre part, le titre exécutoire n° 1024 émis à son encontre le 20 décembre 2018 par la commune de Néris-les-Bains et la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes, de condamner la commune de Néris-les-Bains à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, et de mettre une

somme à la charge de la commune dans chaque instance au titre des frais lié...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par deux requêtes distinctes, d'annuler, d'une part, les titres exécutoires nos 1019, 1020, 1021, 1022 et 1023 ainsi que, d'autre part, le titre exécutoire n° 1024 émis à son encontre le 20 décembre 2018 par la commune de Néris-les-Bains et la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes, de condamner la commune de Néris-les-Bains à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, et de mettre une somme à la charge de la commune dans chaque instance au titre des frais liés au litige.

Par un jugement n° 1900026-1901001 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les titres exécutoires nos 1019 et 1024 émis par la commune de Néris-les-Bains à l'encontre de Mme A... (article 1er) et a rejeté le surplus de ses demandes (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 mars 2021 et le 7 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Boukheloua, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) d'annuler les titres exécutoires nos 1020, 1021, 1022 et 1023 émis à son encontre le 20 décembre 2018 par la commune de Néris-les-Bains et la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Néris-les-Bains la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel est parfaitement recevable ;

- le jugement est irrégulier, dès lors que la minute n'est pas signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le maire de Néris-les-Bains se trouvait en situation de compétence liée pour émettre les titres en litige ;

- elle se rapporte aux moyens développés en première instance dans un mémoire en réplique et un mémoire en duplique, joints à son mémoire d'appel ;

- le moyen tiré du défaut de mention suffisante des bases de la liquidation est recevable et fondé ;

- l'article 8 du décret du 6 mai 1988 méconnaît le principe d'égalité et est manifestement disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2022, la commune de Néris-les-Bains, représentée par la Selarl DMMJB Avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel, qui méconnaît l'article R. 411-1 du code de justice administrative faute d'énoncer les conclusions et moyens soumis au juge d'appel, est irrecevable ;

- le moyen tiré de l'indication insuffisante des bases de liquidation est irrecevable, pour avoir été présenté pour la première fois en-dehors du délai de recours contentieux ;

- en toute hypothèse, les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 88-614 du 6 mai 1988 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Martins Silva, représentant la commune de Néris-Les-Bains ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., titulaire du grade d'attaché principal, a occupé l'emploi fonctionnel de directrice générale des services de la commune de Néris-les-Bains à compter du 1er février 2001. Par arrêté du maire du 30 janvier 2015, elle a été admise sur sa demande, à compter du 1er juillet 2015, au bénéfice du congé spécial prévu à l'article 99 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, qui a pris fin lorsqu'elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er avril 2019. En raison de l'exercice par Mme A..., pendant son congé spécial, d'activités rémunérées par divers employeurs publics, le maire de Néris-les-Bains a émis, le 20 décembre 2018, six titres exécutoires à son encontre sur le fondement de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 susvisé, en remboursement de la part de rémunération indument perçue par l'intéressée au titre des mois concernés par les cumuls d'activités, pour un montant total de 20 984,87 euros. Par un jugement du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, dans un article 1er, annulé les titres exécutoires nos 1019 et 1024 se rapportant à l'année 2016. Mme A... relève appel de l'article 2 de ce jugement, par lequel le tribunal a rejeté le surplus de ses demandes tendant à l'annulation des titres exécutoires nos 1020 à 1023 ainsi qu'à la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes.

Sur la fin de non-recevoir opposée en appel par la commune de Néris-les-Bains :

2. Contrairement à ce que soutient la commune en défense, la requête d'appel comporte l'énoncé des conclusions soumises au juge. Par ailleurs, en joignant à sa requête d'appel une copie des mémoires de première instance dont elle a déclaré reprendre les moyens, la requérante a assorti sa requête des précisions permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé desdits moyens, conformément aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Néris-les-Bains doit en conséquence être écartée.

Sur la régularité du jugement :

3. Le moyen tiré du défaut de signature de la minute manque en fait. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 99, alors en vigueur, de la loi du 26 janvier 1984 : " Les collectivités ou établissements dans lesquels des fonctionnaires territoriaux occupent un emploi fonctionnel visé à l'article 53 ont la faculté d'accorder, sur demande des intéressés, un congé spécial d'une durée maximale de cinq ans dans des conditions fixées par décret. / (...) Pendant ce congé, la rémunération des intéressés demeure à la charge de la collectivité ou de l'établissement public concerné. / A l'expiration de ce congé, le fonctionnaire est admis d'office à la retraite. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article ". Selon l'article 8 du décret du 6 mai 1988 pris pour l'application de ces dispositions : " I. - L'intéressé perçoit, pendant le congé spécial, une rémunération égale au montant du traitement indiciaire atteint à la date de la mise en congé, majoré du montant de l'indemnité de résidence et, s'il y a lieu, du supplément familial de traitement. / II. - Lorsque le fonctionnaire en congé spécial exerce, pendant le congé spécial, une activité rémunérée, la rémunération prévue au I est réduite : / 1° D'un tiers, si les émoluments perçus au titre de l'activité exercée sont supérieurs à la moitié de cette rémunération ; / 2° De la moitié, s'ils sont supérieurs aux deux tiers de cette rémunération ; / 3° Des deux tiers, s'ils sont supérieurs à 100 % de cette rémunération ; / 4° Au montant de la retenue pour pension que l'intéressé doit verser en application de l'article 9, s'ils sont supérieurs à 125 % de cette rémunération ; / 5° Au montant de la retenue pour pension, dans tous les cas où les émoluments alloués au titre de l'activité exercée pendant le congé spécial sont versés par une administration, une entreprise publique, un office, établissement ou organisme public, ou un organisme privé chargé d'une mission de service public ".

5. Pour pouvoir demander à Mme A..., en application du 5° précité, le reversement intégral des sommes excédant le montant de la retenue pour pension, le maire de Néris-les-Bains était nécessairement conduit, d'une part, à apprécier si les émoluments alloués au titre d'une activité rémunérée exercée pendant le congé spécial provenaient du secteur public ou du secteur privé et, d'autre part, à vérifier à tout le moins que les délais de prescription de l'action en répétition des rémunérations indument perçues ne faisaient pas obstacle au reversement, ce qu'il a d'ailleurs fait dans un courrier du 19 novembre 2018. Ces vérifications excédant à elles seules un simple constat exclusif de toute appréciation sur les faits de l'espèce, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le maire de Néris-les-Bains était en situation de compétence liée pour émettre les titres exécutoires en litige et que les moyens soulevés par l'intéressée étaient, par suite, inopérants.

6. Il appartient ainsi à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés en première instance et en appel par Mme A....

7. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

8. Le fonctionnaire territorial placé à sa demande en position de congé spécial continue de percevoir de son administration son plein traitement alors qu'il doit cesser définitivement d'exercer ses fonctions à l'issue de ce congé. Toutefois, les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 prévoient que lorsque cet agent exerce, pendant son congé spécial, une activité rémunérée auprès d'une collectivité ou d'un organisme public, le traitement qu'il perçoit de son administration d'origine est réduit au montant de sa retenue pour pension.

9. Ces dispositions ont pour objet d'éviter que l'agent déjà bénéficiaire de son plein traitement ne puisse cumuler celui-ci avec une autre rémunération publique qu'il a choisi de percevoir en décidant, bien qu'il soit en position de congé spécial, de travailler pour le compte d'un autre organisme public. Elles poursuivent, dès lors, un objectif dissuasif d'intérêt général visant à éviter un plein cumul de rémunérations publiques. La différence de traitement instituée par l'article 8 du décret selon que la rémunération supplémentaire obtenue par l'agent en congé spécial présente un caractère privé ou public est ainsi en rapport avec l'objet poursuivi par le pouvoir réglementaire.

10. Par ailleurs, en modulant le montant des émoluments lorsque le bénéficiaire du congé spécial perçoit " une rémunération privée " en fonction du montant de cette dernière rémunération - laquelle modulation peut aller jusqu'à la réduction du traitement au montant de la retenue pour pension dans l'hypothèse prévue au 4° de l'article 8 du décret - et en la réduisant au montant de la retenue pour pension lorsque la rémunération est publique, sans prévoir de modulation tenant compte du montant de cette rémunération, le pouvoir réglementaire n'a pas introduit une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

11. Les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 6 mai 1988 ne sont pas équivoques et sont suffisamment précises. Par suite, elles ne méconnaissent ni l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ni le principe de sécurité juridique.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à contester par voie d'exception la légalité de l'article 8 du décret du 6 mai 1988.

13. Toutefois, il ressort du dossier de première instance que Mme A... avait, dès sa demande de première instance, critiqué l'absence de " décompte précis sur lequel figurerait le mode de calcul des sommes réclamées " et qu'elle en concluait que " les titres sont donc insuffisants dans la forme et dépourvus de fondement juridique explicité ". Par suite, la demande comportait, dès son introduction, un moyen tiré de la régularité formelle des actes que Mme A... était en conséquence recevable à développer dans un mémoire ultérieur devant les premiers juges comme dans ses écritures d'appel.

14. Aux termes de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. (...) / Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ". En application de ce principe, un établissement public local ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge des redevables.

15. Il résulte de l'instruction que si, contrairement à ce que soutient Mme A..., le courrier du maire de Néris-les-Bains du 19 novembre 2018 comportait les indications nécessaires et suffisantes lui permettant de comprendre les éléments de calcul de la créance en litige, les quatre titres exécutoires du 20 décembre 2018 qui demeurent en litige, ne comportent aucune référence précise à ce courrier antérieur, dont il n'est pas soutenu qu'il aurait été à nouveau joint aux états exécutoires, mais se bornent à indiquer que l'objet de la créance porte, soit sur un " remboursement MNT " soit sur un " trop-perçu de rémunérations ", ces indications étant seulement suivies de la période concernée. Par suite, en application des principes précités, Mme A... est fondée à soutenir que les titres exécutoires nos 1020 à 1023 ne comportaient pas d'indication suffisamment précise des bases de la liquidation. Elle est en conséquence, pour ce seul motif, lequel n'implique toutefois pas la décharge de l'obligation de payer, également fondée à demander l'annulation des titres en cause.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 de ce jugement, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres exécutoires nos 1020, 1021, 1022 et 1023.

Sur les frais liés au litige :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Néris-les-Bains, partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée en défense sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Les titres exécutoires nos 1020, 1021, 1022 et 1023 émis le 20 décembre 2018 par la commune de Néris-les-Bains à l'encontre de Mme B... A... sont annulés.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 janvier 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Néris-les-Bains.

Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2023.

Le président-rapporteur,

F. BourrachotLa présidente assesseure,

P. Dèche

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY00837

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY00837
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial - Procédure.

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial - Règles de fond.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : DMMJB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-23;21ly00837 ?
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