La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2023 | FRANCE | N°21LY01400

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 09 mars 2023, 21LY01400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie les a mis en demeure de quitter dans le délai de vingt-quatre heures le terrain qu'ils occupent avec d'autres personnes à Vuiz-en-Sallaz.

Par un jugement n° 2102048 du 2 avril 2021, le magistrat désigné du tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, ce dernier non communiqué, enregistr

s le 3 mai 2021 et le 26 décembre 2022, M. A... et M. B..., représentés par Me Candon, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... A... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet de la Haute-Savoie les a mis en demeure de quitter dans le délai de vingt-quatre heures le terrain qu'ils occupent avec d'autres personnes à Vuiz-en-Sallaz.

Par un jugement n° 2102048 du 2 avril 2021, le magistrat désigné du tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, ce dernier non communiqué, enregistrés le 3 mai 2021 et le 26 décembre 2022, M. A... et M. B..., représentés par Me Candon, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement, qui fait mention des échanges à l'audience, sans en expliciter le contenu, n'est pas suffisamment motivé ;

- le principe du contradictoire a été méconnu ;

- l'arrêté préfectoral a été pris en violation de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 dès lors qu'il est fondé sur l'arrêté du maire de Vuiz-en-Sallaz du 15 septembre 2020 interdisant le stationnement en dehors des aires aménagées dont l'illégalité est invoquée par voie d'exception et en tant qu'il n'était pas exécutoire ; en effet, l'arrêté du maire étant antérieur à la date à laquelle le président de la communauté de communes de Quatre Rivières a renoncé à exercer son pouvoir de police, il est prématuré et le maire n'était pas compétent pour le prendre ; cet arrêté municipal n'était pas exécutoire car il n'avait pas été transmis au préfet ; il n'est pas justifié de la raison pour laquelle la communauté de communes a bénéficié des dispositions du III de l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000 permettant, avant la réalisation des aires prescrites, d'interdire le stationnement ;

- l'arrêté préfectoral a été pris en violation l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 dès lors que la communauté de communes n'avait pas respecté la condition légale tenant à l'accomplissement des obligations de l'article 2 de cette loi.

Par un mémoire enregistré le 12 décembre 2022, le préfet de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... et M. B... ne sont pas fondés.

La clôture d'instruction a été prononcée, à effet immédiat, le 17 janvier 2023.

Un mémoire a été enregistré pour MM. A... et B... le 17 janvier 2023 après la clôture d'instruction.

Par courrier en date du 23 janvier 2023, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de substituer d'office l'article 9-1 de la loi du 5 juillet 2000 à l'article 9 de cette loi sur lequel le préfet a entendu se fonder comme base légale de l'arrêté litigieux.

MM. A... et B... ont présenté leurs observations sur cette substitution de base légale le 1er février 2023.

Ils font valoir qu'elle n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 29 mars 2021, le préfet de la Haute-Savoie a, sur demande du maire de la commune Vuiz-en-Sallaz, mis en demeure les propriétaires et occupants de résidences mobiles installées sans autorisation sur le parking du gymnase route de Boisinges à Vuiz-en-Sallaz de quitter les lieux dans un délai de vingt-quatre heures. Par un jugement du 2 avril 2021, dont M. A... et M. B... relèvent appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, les requérants font grief au magistrat désigné du tribunal d'avoir indiqué qu'il résultait des échanges tenus lors de l'audience que la communauté de communes des Quatre Rivières avait bénéficié des délais supplémentaires prévus au III de l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000, sans expliciter le contenu de ces échanges, et sans préciser duquel des trois cas énumérés par le III de l'article 2 relevait cette prorogation. Toutefois, le jugement indique que la communauté de communes dispose de tels délais eu égard à la circonstance qu'elle a entamé des démarches pour acquérir un terrain en vue de l'implantation d'une aire permanente d'accueil, ce qui correspond au second des trois cas énumérés par le III de l'article 2. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait, pour ce motif, insuffisamment motivé manque en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 779-5 du code de justice administrative : " Le juge statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. L'instruction est close dans les conditions prévues au second alinéa de l'article R. 613-2. ". Aux termes du second alinéa de l'article R. 613-2 : " (...) l'instruction est close soit après que les parties ou leurs mandataires ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience. ".

4. Il résulte de ces dispositions que le magistrat désigné du tribunal a pu, sans méconnaître le principe du contradictoire, fonder le jugement sur les échanges intervenus à l'audience.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :

5. Aux termes de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage : " I. Les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles installées sur des aires d'accueil ou des terrains prévus à cet effet (...) / II. Dans chaque département, (...) un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d'implantation et les communes où doivent être réalisés : / 1° Des aires permanentes d'accueil (...) / 2° Des terrains familiaux locatifs (...) / 3° Des aires de grand passage (...) / Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " I.-A.- Les communes figurant au schéma départemental et les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l'article 1er sont tenus, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en œuvre. / B.- Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent remplissent leurs obligations en accueillant sur leur territoire les aires et terrains mentionnés au A du présent I. / L'établissement public de coopération intercommunale compétent remplit ses obligations en créant, en aménageant, en entretenant et en assurant la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur son territoire (...). / III. - Le délai de deux ans prévu au I est prorogé de deux ans, à compter de sa date d'expiration, lorsque la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale a manifesté, dans ce délai, la volonté de se conformer à ses obligations (...) par l'acquisition des terrains ou le lancement d'une procédure d'acquisition des terrains sur lesquels les aménagements sont prévus. ". Aux termes de l'article 9 de cette loi : " I.- Le maire d'une commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l'article 1er peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article 1er, dès lors que l'une des conditions suivantes est remplie : / 1° L'établissement public de coopération intercommunale a satisfait aux obligations qui lui incombent en application de l'article 2 ; / 2° L'établissement public de coopération intercommunale bénéficie du délai supplémentaire prévu au III du même article 2 ; / 3° L'établissement public de coopération intercommunale dispose d'un emplacement provisoire agréé par le préfet ; / 4° L'établissement public de coopération intercommunale est doté d'une aire permanente d'accueil, de terrains familiaux locatifs ou d'une aire de grand passage, sans qu'aucune des communes qui en sont membres soit inscrite au schéma départemental prévu à l'article 1er ; 5° L'établissement public de coopération intercommunale a décidé, sans y être tenu, de contribuer au financement d'une telle aire ou de tels terrains sur le territoire d'un autre établissement public de coopération intercommunale ;/ 6° La commune est dotée d'une aire permanente d'accueil, de terrains familiaux locatifs ou d'une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental, bien que l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient n'ait pas satisfait à l'ensemble de ses obligations./ I bis.- Le maire d'une commune qui n'est pas membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires d'accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l'article 1er peut, par arrêté interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article 1er (...). II. En cas de stationnement effectué en violation de l'arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. / La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques (...). ". Aux termes de l'article 9-1 de la même loi : " Dans les communes non inscrites au schéma départemental et non mentionnées à l'article 9, le préfet peut mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et d'évacuation prévue au II du même article, à la demande du maire (...) en vue de mettre fin au stationnement non autorisé de résidences mobiles de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques (...). ".

6. Il résulte de ces dispositions que, pour les communes qui entrent dans le champ d'application des dispositions de l'article 9-1 de la loi du 5 juillet 2000, la mise en œuvre, par le préfet, de la procédure de mise en demeure et d'évacuation prévue par le II de l'article 9 de cette même loi en vue de mettre fin au stationnement non autorisé de résidences mobiles de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, n'est subordonnée qu'à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain. Ces dispositions ne prévoient pas que la mise en demeure de quitter les lieux adressée par le préfet doit être précédée d'un arrêté d'interdiction, du maire ou du président de l'agglomération, de stationnement.

7. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.

8. Il résulte des écritures présentées en défense par le préfet devant le tribunal que celui-ci a entendu fonder l'arrêté litigieux sur l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000.

9. Toutefois, d'une part, il n'est pas contesté que la commune de Vuiz-en-Sallaz, qui compte moins de 5 000 habitants, n'est pas inscrite au schéma départemental d'accueil des gens du voyage. D'autre part, il est constant qu'aucune des conditions prévues aux 1° à 5° du paragraphe I de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000, permettant au maire, sur le fondement de cet article, d'interdire le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles des gens du voyage n'était remplie. Il suit de là que la commune de Vuiz-en-Sallaz, bien que son maire ait le 15 septembre 2020 pris un arrêté interdisant le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage sur l'ensemble de son territoire, relevait des dispositions précitées de l'article 9-1 de la loi du 5 juillet 2000 et non des dispositions de l'article 9 de cette loi. Dans la mesure où l'arrêté litigieux aurait pu être pris, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement de l'article 9-1, et les intéressés n'ayant pas été privés d'une garantie, il y a lieu de substituer ce fondement à celui sur lequel s'est initialement fondé le préfet. Le préfet pouvait donc, sur la seule demande du maire de la commune, mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et d'évacuation prévue au II de l'article 9 auquel l'article 9-1 renvoie.

10. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté du maire de Vuy-en-Sallaz du 15 septembre 2020 serait illégal et non exécutoire et que la communauté de communes n'avait pas respecté la condition légale tenant à l'accomplissement des obligations de l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000 ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... et M. B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande. Leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, en ce compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., premier dénommé, pour tous les requérants, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Evrard, présidente de formation de jugement,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.

La rapporteure,

A. Duguit-Larcher La présidente,

A. Evrard

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 21LY01400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01400
Date de la décision : 09/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-03 Police. - Polices spéciales. - Police des gens du voyage.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CANDON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-09;21ly01400 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award