La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2023 | FRANCE | N°21LY01526

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 16 mars 2023, 21LY01526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SA L'Eté indien a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901364 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2021, et un mémoire récapitulatif enregistré le 30 décembre 2

021, la SAS Géronthome venant aux droits de la SA L'Eté indien, représentée par Me Chiron, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SA L'Eté indien a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1901364 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2021, et un mémoire récapitulatif enregistré le 30 décembre 2021, la SAS Géronthome venant aux droits de la SA L'Eté indien, représentée par Me Chiron, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer et de transmettre au Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative une demande d'avis sur la question du caractère imposable des reliquats de dotation budgétaire reçus par les sociétés commerciales exploitant des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en application des dispositions du code de l'action sociale et des familles et des conventions tripartites conclues entre ces derniers, l'agence régionale de santé (ARS) et le Conseil départemental ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dotations d'une année N ne correspondent pas aux dépenses d'une même année qu'elles doivent financer ; seule la partie de la dotation couvrant ces mêmes dépenses est à rattacher aux bénéfices de l'exercice ; le compte des produits constatés d'avance correspond aux excédents de dotation ;

- elle doit présenter une reddition des comptes à ses financeurs et n'a pas la libre disposition des excédents éventuellement constatés sur ces dotations qui sont affectés à la réduction des charges de l'exercice suivant ;

- les dotations versées à un EHPAD n'ont pas vocation à générer un bénéfice et leur intégration aux résultats taxables est à proscrire ; dans la mesure où l'activité de soins ne fait pas l'objet d'une tarification aux résidents et où la dotation est versée directement à l'EHPAD, l'activité devait être assurée dans la plus stricte neutralité fiscale.

Par un mémoire, enregistré le 2 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne font pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA L'Eté indien, qui exploitait à Daix (Côte-d'Or) un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) privé à but lucratif, assurait aux personnes âgées accueillies, outre un service d'hébergement et de restauration des prestations d'assistance à la dépendance ainsi que des prestations de soins sur la base d'une convention tripartite conclue le 1er mars 2011 avec le département de la Côte-d'Or et l'agence régionale de santé de Bourgogne pour l'assurance maladie. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2015 et 2016 à l'issue de laquelle l'administration a notamment, sur le fondement du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, réintégré, d'une part, dans ses produits d'exploitation des deux exercices la fraction des sommes facturées aux résidents au titre des prestations liées à la dépendance et de la somme versée par l'assurance maladie au titre de la dotation globale de financement des soins que la société avait comptabilisées au passif de son bilan dans des comptes de " produits constatés d'avance " et, d'autre part, un passif injustifié de 50 177 euros correspondant aux résultats excédentaires de la dotation globale de soins des exercices antérieurs à 2015 comptabilisés au passif de son bilan dans des comptes de " produits constatés d'avance ". En conséquence, la SA L'Eté indien a été assujettie, suivant la procédure contradictoire, à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016, assortis des intérêts de retard. La SAS Géronthome, venant aux droits de la SA L'Eté indien, relève appel du jugement du 9 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

2. Il résulte de l'instruction que la SA L'Eté indien, aux droits de laquelle est venue la SAS Géronthome, réalise trois types de prestations à savoir une prestation d'hébergement et de restauration, dont elle fixe elle-même le tarif et qu'elle facture chaque mois aux résidents, des prestations liées à la dépendance, dont le tarif, fixé par le département, dépend du niveau de perte d'autonomie du résident, et qui sont facturées chaque mois aux résidents, une partie étant couverte par l'aide personnalisée d'autonomie versée par le département et, enfin, des prestations liées aux soins, qui font l'objet d'une dotation versée par l'assurance maladie pour la prise en charge des prestations médicales liées à l'état de santé des résidents et, contrairement aux deux précédentes, ne sont pas facturées aux résidents. La SA l'Eté indien a comptabilisé au passif, dans un compte de " produits constatés d'avance ", le résultat excédentaire provisoire de chaque exercice vérifié pour le secteur " dépendance " et le secteur " soins ". Le vérificateur a estimé que ces écritures ayant pour effet de minorer les produits d'exploitation n'étaient pas justifiées, et qu'il y avait lieu, en application du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, d'enregistrer en produits d'exploitation de l'exercice la totalité des sommes facturées et de la dotation reçue.

3. D'une part, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. (...) / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : / a. Pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution ; (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " I. - Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services (...) énumérés ci-après : (...) 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale (...) ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code dans sa rédaction applicable jusqu'au 30 décembre 2015 : " I. ' Les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées mentionnées au 6° du I de l'article L. 312-1 du présent code (...) qui accueillent un nombre de personnes âgées dépendantes dans une proportion supérieure à un seuil fixé par décret ne peuvent accueillir des personnes âgées remplissant les conditions de perte d'autonomie mentionnées à l'article L. 232-2 que s'ils ont passé au plus tard le 31 décembre 2007 une convention pluriannuelle avec le président du conseil général et le directeur général de l'agence régionale de santé (...) ". Dans sa rédaction en vigueur du 30 décembre 2015 au 25 décembre 2016, le IV ter de l'article L. 313-12 du même code précise que " A.- La personne physique ou morale qui gère un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes mentionné aux I ou II conclut un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec le ou les présidents du conseil départemental et le directeur général de l'agence régionale de santé concernés. "

5. Aux termes de l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles : " Les établissements et services mentionnés au I de l'article L. 313-12 sont financés par : (...) / 2° Un forfait global relatif à la dépendance, prenant en compte le niveau de dépendance moyen des résidents, fixé par un arrêté du président du conseil général et versé aux établissements par ce dernier au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie mentionnée à l'article L. 232-8 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 314-184 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors applicable : " Les tarifs journaliers afférents à la dépendance sont arrêtés en appliquant les formules de calcul précisées à l'annexe 3-1. / La dotation budgétaire globale afférente à la dépendance prévue au II de l'article L. 232-8 est arrêtée par le président du conseil départemental en appliquant les formules de calcul précisées à l'annexe 3-7. Cette dotation globale prend en compte l'évolution du groupe iso-ressources moyen pondéré. / Le règlement de la dotation budgétaire globale afférente à la dépendance est effectué par acomptes mensuels correspondant au douzième du montant de cette dotation budgétaire globale arrêtée par le président du conseil départemental. Ces acomptes sont versés le vingtième jour du mois, ou, si ce jour n'est pas ouvré, le dernier jour précédant cette date. "

6. Aux termes de l'article L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 30 décembre 2015 : " Les établissements et services mentionnés au I de l'article L. 313-12 sont financés par : 1° Un forfait global relatif aux soins prenant en compte le niveau de dépendance moyen et les besoins en soins médico-techniques des résidents, déterminé par arrêté du directeur général de l'agence régionale de santé en application d'un barème et de règles de calcul fixés, d'une part, par un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et des personnes âgées, en application du II de l'article L. 314-3 et, d'autre part, par un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, pris en application du troisième alinéa de l'article L. 174-6 du code de la sécurité sociale ; (..) ". Dans sa rédaction en vigueur du 30 décembre 2015 au 25 décembre 2016, L. 313-12 du même code précise que " Les modalités de détermination du forfait global sont fixées par décret en Conseil d'Etat " et que " Le montant du forfait global de soins est arrêté annuellement par le directeur général de l'agence régionale de santé. "

7. Aux termes de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable : " Les dépenses afférentes aux soins médicaux dispensés aux assurés sociaux et aux bénéficiaires de l'aide sociale dans les établissements et services mentionnés à l'article L. 162-24-1 sont supportées par les régimes d'assurance maladie ou au titre de l'aide sociale, suivant les modalités fixées par voie réglementaire, éventuellement suivant des formules forfaitaires. ". Aux termes de l'article R. 174-9 du même code : " L'autorité compétente pour l'assurance maladie fixe, conformément aux articles 1er, 7 et 25 du décret n° 99-316 du 26 avril 1999 relatif aux modalités de tarification et de financement des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes : / 1° Les tarifs journaliers afférents aux soins applicables aux personnes hébergées qui ne sont pas prises en charge par un régime d'assurance maladie ; / 2° Une dotation globale de financement relative aux soins qui correspond à la part des dépenses obligatoirement prise en charge par les régimes d'assurance maladie. (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que les sommes facturées au titre du secteur " dépendance " correspondent à la rémunération de prestations de services, dont les produits, en application des dispositions du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, doivent être rattachés à l'exercice au cours duquel ces prestations ont été achevées. Il en va de même s'agissant des prestations de services réalisées au titre du secteur " soins " et rémunérées par la dotation globale versée par l'autorité compétente pour l'assurance maladie.

9. En l'espèce, la SA L'Eté indien a conclu en 2011 avec le département de la Côte-d'Or et l'agence régionale de santé pour l'assurance maladie une convention tripartite. Il n'est pas sérieusement contesté que les prestations de services facturées au titre du secteur " dépendance " étaient achevées à la date de clôture de chaque exercice en cause. Par ailleurs, les prestations de services réalisées au titre du secteur " soins " doivent être regardées comme ayant été achevées à la date de clôture de chaque exercice au titre duquel elle a été versée.

10. La SAS Géronthome se borne à faire valoir que la SA L'Eté indien était tenue de présenter une reddition des comptes à ses cocontractants, qu'elle ne maîtrisait pas l'affectation de l'excédent dégagé le cas échéant au cours d'un exercice, celui-ci pouvant être reporté au titre des ressources des années ultérieures et que la dotation relative aux soins lui est versée directement par l'agence régionale de santé. Toutefois, la circonstance que la SA L'Eté indien était tenue d'élaborer des documents budgétaires en vue de les présenter à ses cocontractants est sans lien avec la nature de bénéfice imposable des produits facturés ou reçus dans les conditions rappelées ci-dessus. Ainsi, les excédents dégagés à l'issue de l'exécution réelle des budgets prévisionnels de chaque exercice ne peuvent être analysés comme des créances incertaines dans leur principe ou dans leur montant ou comme des dettes à l'égard de ses cocontractants. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause leur inscription au passif du bilan et les a réintégrés dans la base imposable des exercices clos en 2015 et 2016.

11. L'administration était, par ailleurs, fondée, pour les mêmes motifs, à remettre en cause la comptabilisation au passif du bilan de l'exercice clos en 2015 des quotes-parts de la dotation globale de financement accordées par l'agence régionale de santé au titre d'exercices antérieurs, qui minoraient indûment l'actif net de la société à la clôture de ces exercices.

12. Il résulte de ce qui précède que la SAS Géronthome n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Géronthome est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Géronthome et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

Le président,

D. PruvostLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY01526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01526
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : LEGI CONSEILS BOURGOGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-16;21ly01526 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award