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06/04/2023 | FRANCE | N°20LY03220

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 avril 2023, 20LY03220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Aqualter Exploitation a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le Syndicat intercommunal d'assainissement du Haut-Buron (SIAHB) à lui verser la somme de 1 973 073,25 euros TTC à parfaire, subsidiairement de 1 052 908,75 euros TTC à parfaire, en règlement du décompte de résiliation du contrat de concession du service public d'assainissement des eaux usées, au 3 février 2015.

Par jugement n° 1800791 du 17 septembre 2020, le tribunal a, d'une part, fait droit à

sa demande à hauteur de 800 691,07 euros, après avoir imputé sur l'indemnité de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Aqualter Exploitation a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le Syndicat intercommunal d'assainissement du Haut-Buron (SIAHB) à lui verser la somme de 1 973 073,25 euros TTC à parfaire, subsidiairement de 1 052 908,75 euros TTC à parfaire, en règlement du décompte de résiliation du contrat de concession du service public d'assainissement des eaux usées, au 3 février 2015.

Par jugement n° 1800791 du 17 septembre 2020, le tribunal a, d'une part, fait droit à sa demande à hauteur de 800 691,07 euros, après avoir imputé sur l'indemnité de 821 849,67 euros qu'il a reconnue comme fondée, celle de 21 158,60 euros allouée au SIAHB à titre reconventionnel et, d'autre part, ordonné une mesure d'instruction avant de statuer sur la rémunération du volume d'eau facturée aux usagers et non acquittée avant résiliation.

Par jugement n° 1800791 du 21 janvier 2021, le tribunal a, d'une part, fait droit au chef de demande soumis à supplément d'instruction en condamnant le SIAHB à verser à la société Aqualter Exploitation la somme de 170 592,40 euros TTC et, d'autre part, a assorti la condamnation de 971 283,47 euros dont 170 592,40 euros TTC prononcée par les deux jugements des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018.

Procédures devant la cour

I - Par une requête enregistrée le 7 novembre 2020 sous le n° 20LY03220 et un mémoire enregistré le 8 novembre 2022, non communiqué, le SIAHB, représenté par Me Pitaud Quintin puis par la société d'avocats Jaffeux-Lheritier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) le cas échéant après avoir ordonné une mesure d'expertise, d'annuler le jugement lu le 17 septembre 2020 en ce qu'il le condamne à verser la somme de 800 691,07 euros, de rejeter la demande présentée par Aqualter Exploitation et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 1 167 213,79 euros en règlement du solde du décompte de résiliation ;

2°) de mettre à la charge de la société Aqualter Exploitation une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a fait droit à une demande irrecevable car présentée après le délai de deux mois décompté depuis la naissance de la décision implicite de rejet en application des articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative, le 2° de l'article L. 100-3 ou, subsidiairement, l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration s'opposant à ce que le délégataire d'une mission de service public (qui n'a pas la qualité de public) ou l'auteur de demandes abusives bénéficie des dispositions de l'article L. 112-6 de ce code, ou bien de l'ouverture d'un délai d'action raisonnable d'un an ;

- subsidiairement, c'est à tort que le tribunal a indemnisé la société Aqualter Exploitation de la valeur non amortie des biens de retour alors que ce chef de demande est dépourvu de fondement et que ne sauraient en tenir lieu les pièces comptables du concessionnaire, que la résiliation repose sur la faute du délégataire, que l'équipement n'était pas en état de fonctionner ;

- doivent être inscrites au débit de la société Aqualter Exploitation les sommes de 50 847,12 euros correspondant au remboursement d'un prêt bancaire sans que puisse être opposé l'article 2 de l'avenant n° 3, de 101 940,97 euros correspondant à l'évacuation des boues non traitées par la station d'épuration défectueuse sans que puisse être opposé l'article 57 du contrat de concession, de 162 863,02 euros correspondant aux frais de réparation de la station d'épuration défectueuse que le concessionnaire aurait dû prendre en charge, de 118 417,20 euros de devis de travaux, de 19 544,87 euros de frais de réparation de toiture de la station d'épuration, de 80 249 euros de frais d'installation d'un dessableur, et de 500 000 euros de préjudice moral.

Par mémoire enregistré le 4 janvier 2021, la société Aqualter Exploitation, représentée par Me Aubignat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement lu le 17 septembre 2020 en ce qu'il a limité à 800 691,07 euros la condamnation du SIAHB et de porter celle-ci à 1 973 073,25 euros TTC à parfaire, outre intérêts à compter du 3 février 2015, capitalisés ;

2°) de mettre à la charge du SIAHB une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance n'est pas irrecevable dès lors que l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration n'exclut du bénéfice de l'article L. 112-3 que les relations entre agents et administration, ses demandes préalables ne présentant aucun caractère abusif ;

- la résiliation ayant été jugée irrégulière en raison de l'absence de mise en demeure mais ne reposant sur une faute d'une gravité suffisante, elle doit être indemnisée du manque à gagner sur les cinq ans restant à courir jusqu'à l'échéance du contrat, soit 920 164,50 euros TTC, sans que puisse lui être opposée l'autorité relative de chose jugée par l'arrêt 17LY02519 ;

- doit être inscrit à son crédit l'arriéré de factures émises en 2014, qu'il incombe au SIAHB de produire, soit 66 598,47 euros TTC comprenant les intérêts moratoires à compter du 29 janvier 2015 ;

- doivent être prononcés sur la condamnation prononcée par le tribunal les intérêts moratoires de l'article 1231-6 du code civil, à compter de la demande indemnitaire ;

- les demandes reconventionnelles du SIAHB ne sont pas fondées, y compris celle de 21 158,60 euros à laquelle le tribunal a fait droit, ces frais ayant été exposés pour accomplir la mission de délégant prévue au contrat.

La clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2022, par une ordonnance en date du 21 septembre 2022.

II - Par une requête enregistrée le 19 mars 2021 sous le n° 21LY00835 et un mémoire enregistré le 3 novembre 2022, non communiqué, le SIAHB, représenté par la société d'avocats Jaffeux-Lheritier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 21 janvier 2021 et de rejeter la demande présentée par Aqualter Exploitation tendant au paiement de la somme de 170 592,40 euros TTC en règlement de l'eau livrée et non payée avant résiliation, et de condamner la société Aqualter Exploitation à lui verser la somme de 1 167 213,79 euros en règlement du solde du décompte de résiliation ;

2°) de mettre à la charge de la société Aqualter Exploitation une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a fait droit à une demande irrecevable car présentée après le délai de deux mois décompté depuis la naissance de la décision implicite de rejet en application des articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative, le 2° de l'article L. 100-3 ou, subsidiairement, l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration s'opposant à ce que le délégataire d'une mission de service public ou l'auteur de demandes abusives bénéficie des dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, ou bien de l'ouverture d'un délai d'action raisonnable d'un an ;

- subsidiairement, c'est à tort que le tribunal a indemnisé la société Aqualter Exploitation du volume d'eau facturé sur le fondement de l'enrichissement sans cause, entièrement compensé par l'incidence dommageable du comportement fautif ;

- ainsi, doivent être inscrites au débit de la société Aqualter Exploitation les sommes de 50 847,12 euros correspondant au remboursement d'un prêt bancaire sans que puisse être opposé l'article 2 de l'avenant n° 3, de 101 940,97 euros correspondant à l'évacuation des boues non traitées par la station d'épuration défectueuse sans que puisse être opposé l'article 57 du contrat de concession, de 162 863,02 euros correspondant aux frais de réparation de la station d'épuration défectueuse que le concessionnaire aurait dû prendre en charge, de 118 417,20 euros de devis de travaux, de 19 544,87 euros de frais de réparation de toiture de la station d'épuration, de 80 249 euros de frais d'installation d'un dessableur, et de 500 000 euros de préjudice moral.

Par mémoire enregistré le 7 janvier 2022, la société Aqualter Exploitation, représentée par Me Aubignat, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, s'agissant de l'instance n° 21LY00835 :

1°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 21 janvier 2021 en ce qu'il n'a prononcé les intérêts moratoires qu'à compter du 17 mai 2018, et de faire courir ceux-ci à compter du 3 février 2015 ;

2°) de mettre à la charge du SIAHB une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, s'agissant de l'instance n° 21LY00835, que :

- sa demande de première instance n'est pas irrecevable dès lors que l'article L. 112-2 du code des relations entre le public et l'administration n'exclut du bénéfice de l'article L. 112-3 que les relations entre agents et administration, ses demandes préalables ne présentant aucun caractère abusif ;

- la contestation de la condamnation au paiement de la somme de 170 592,40 euros n'est pas fondée ;

- doivent être appliqués sur la condamnation prononcée par le tribunal les intérêts moratoires de l'article 1231-6 du code civil, à compter de la première demande indemnitaire, présentée le 3 février 2015 ;

- les demandes reconventionnelles du SIAHB ne sont pas fondées, y compris celle de 21 158,60 euros à laquelle le tribunal a fait droit, ces frais ayant été exposés pour accomplir la mission de délégant prévue au contrat.

La clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2022, par une ordonnance en date du 18 octobre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de Me Aubignat pour la société Aqualter Exploitation.

Et après avoir pris connaissance des notes en délibéré présentées pour la société Aqualter, enregistrées le 17 mars 2023 ;

Considérant ce qui suit :

1. Par convention signée le 11 janvier 1995 modifiée par avenants, le SIAHB a concédé à la société SCET Environnement à laquelle ont succédé la société Alteau puis la société Alquater Exploitation, le service public de l'assainissement sur le territoire des communes-membres, pour une durée de 25 ans, à l'échéance du 31 décembre 2019. A la suite d'un différend persistant sur la production de justificatifs d'ordre financier et comptable permettant au délégant de contrôler l'activité du délégataire, le président du syndicat intercommunal a, le 29 janvier 2015, résilié pour faute la concession à compter du 3 février 2015. La société Aqualter Exploitation a alors saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand puis la cour administrative d'appel de Lyon d'un recours en contestation de la résiliation et en reprise des relations contractuelles. Ces deux juridictions ont rejeté son recours au motif que la résiliation était fondée quant à son motif, quoiqu'irrégulière faute de mise en demeure préalable. Tirant les conséquences de ces décisions, la société Aqualter Exploitation a alors demandé au tribunal administratif de condamner le SIAHB à lui verser la somme de 1 973 073,25 euros TTC en règlement du solde de la convention résiliée. Par les deux jugements dont il est relevé appel et appel incident, le tribunal a condamné le SIAHB au versement d'une somme de 971 283,47 euros dont 170 592,40 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018, après imputation de la somme de 21 158,60 euros demandée reconventionnellement par l'autorité délégante.

2. Les requêtes susvisées ont trait au même litige et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un même arrêt.

Sur les appels et les appels incidents :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. D'une part, la décision prise sur l'exécution d'un contrat auquel une personne publique est elle-même partie a pour objet de déterminer les droits et obligations du cocontractant et, en cas de différend, de lier le litige à soumettre au juge pour la poursuite ou la résiliation des relations contractuelles, non pas d'en contester la légalité dans le délai de deux mois enfermant l'exercice d'un recours en annulation. Il suit de là que le SIAHB ne peut utilement invoquer l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur, pour soutenir que la demande de première instance a été enregistrée après l'expiration du délai de deux mois décompté depuis le rejet implicite de la demande de paiement du solde de résiliation de la concession dont l'avait saisi, le 24 octobre 2016, la société Aqualter Exploitation.

4. D'autre part, il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle auquel le délai de recours contentieux des articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative n'est pas opposable doit, s'il entend contester cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation, mais à la condamnation de cette personne publique à verser les sommes dont elle est redevable en exécution d'un contrat. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 susvisée ou, le cas échéant, par les clauses instituant des forclusions propres au contrat en litige. Or, le SIAHB ne se prévaut d'aucune de ces deux causes d'extinction de la créance revendiquée par la société Aqualter Exploitation.

5. Enfin, l'examen de recevabilité de la demande présentée au tribunal ne reposant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, sur les conditions d'opposabilité du délai de l'article R. 421-1 du code de justice administrative et du droit à délivrance d'un accusé de réception prévu par l'article R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration, il est sans incidence que le SIAHB ait estimé opportun de faire usage du 1° de l'article L. 112-3 du même code en n'accusant pas réception des deux réclamations ultérieures qu'il a cru devoir regarder comme abusives.

6. Il suit de là que le SIAHB n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait dû faire droit à sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande et rejeter intégralement celle-ci pour ce motif.

En ce qui concerne le décompte de résiliation de la convention :

7. Il appartient à l'autorité administrative qui a prononcé la résiliation et, en cas de litige, au juge du contrat de déterminer les créances et les dettes trouvant leur cause dans les stipulations de ce contrat, d'en dégager un solde puis de condamner à cette hauteur la partie qui demeure débitrice. Il y a donc lieu, pour la cour, d'examiner les postes de dépenses ou de préjudices dont le SIAHB et, reconventionnellement, la société Aqualter Exploitation revendiquent l'imputation, chacun à son crédit.

8. A cet égard, le titulaire d'un contrat public résilié pour un motif tiré de son comportement peut obtenir l'indemnisation de tous ses préjudices notamment des bénéfices qu'il aurait dégagés jusqu'au terme de ce contrat lorsque la résiliation repose sur un motif non fondé. Si la résiliation est seulement irrégulière au regard des modalités de procédure et de forme contractuelles, le prestataire, qui n'a pas à supporter les conséquences onéreuses de la mesure dont il fait l'objet, a toujours droit à être rémunéré des prestations qu'il a livrées conformément au contrat et à être indemnisé de la valeur non amortie des biens de retour en raison de l'enrichissement qui résulte de leur incorporation au patrimoine du délégant.

S'agissant de la régularité et du motif de la résiliation et des conséquences à en tirer sur les droits des parties :

9. Par jugement n° 1500583 du 4 mai 2017 et par arrêt n° 17LY02519 du 19 décembre 2019, non contestés sur ce point dans le cadre du présent litige, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et la cour administrative de Lyon ont rejeté la contestation de la résiliation et la demande de reprise des relations contractuelles au motif que ladite mesure était irrégulière en raison de l'absence de mise en demeure préalable.

10. Il résulte, en revanche, de l'instruction que la société Aqualter Exploitation n'a pas produit dans le rapport d'exploitation de 2013 l'inventaire des biens désignés au contrat comme biens de retour et de reprise ainsi que les modalités de calcul et de répartition des charges indirectes ou de structure, en méconnaissance de l'article R. 1411-7 du code général des collectivités territoriales, et qu'elle n'a pas davantage justifié de la réalité de charges portées au compte annuel de résultat. Ainsi, elle a fait obstacle à l'exercice, par le SIAHB, du pouvoir de contrôle, notamment financier, dont il était titulaire dans le cadre de l'exécution de la concession de service public, en méconnaissance des articles 34, 70, 71 et 72 du contrat de concession. Ces manquements ne sauraient trouver une justification, même partielle, dans la sous-traitance à un tiers de l'exploitation du service, inopposable au concédant, ni dans la circonstance, à la supposer établie, que ce-dernier ait saisi l'occasion de rompre le contrat en raison d'une évolution du contexte juridique, laquelle n'a pas rendu plus difficile la production des justificatifs exigibles en exécution de la convention. Enfin, si l'article 39 de la convention prévoit la faculté de prononcer des pénalités qui, d'ailleurs, ne sont pas une mesure coercitive préalable ou alternative à la résiliation, l'obstruction au pouvoir de contrôle du concédant n'est pas au nombre des motifs limitativement envisagés par cette clause.

11. Il suit de là que le comportement du concessionnaire est constitutif d'une faute d'une particulière gravité, au sens de l'article 41 du contrat de concession, et que la résiliation prononcée en application de cette clause est fondée, ce qui fait obstacle à ce que la société Aqualter Exploitation soit indemnisée du manque à gagner qu'elle escomptait réaliser du 3 février 2015 au 31 décembre 2019. La demande de 920 164,50 euros qu'elle a présentée de ce chef doit en conséquence être rejetée et elle ne peut être rémunérée que des prestations livrées ou indemnisée et que des biens de retour financés et non entièrement amortis à la date d'effet de la résiliation.

S'agissant de l'indemnisation des biens de retour non amortis :

12. D'une part, aux termes de l'article 46 de la convention de concession : " A l'expiration de la concession, le concessionnaire sera tenu de remettre au Concédant en état normal de service, tous les ouvrages et équipements qui font partie intégrante de la concession. Le Concédant pourra retenir s'il y a lieu, sur le montant des reprises dues au concessionnaire, les sommes nécessaires pour mettre toutes les installations en état normal de service ". Aux termes de l'article 47.2 de la même convention : " En cas de cessation anticipée du contrat pour quelque cause que ce soit, les ouvrages financés par le concessionnaire seront remis au Concédant qui sera tenu au versement au profit du concessionnaire, d'une somme égale à la fraction non amortie au taux de 4% l'an, pour les ouvrages financés sur fonds propres ". Il ressort de ces stipulations combinées qu'est due au concessionnaire une indemnité correspondant à la valeur non amortie des biens de retour financés sur fonds propres, elle-même calculée selon un régime d'amortissement linéaire de 4% annuel, soit une durée de vingt-cinq ans, mais que doivent être imputés sur cette somme les frais de remise en état normal de service qui s'avéreraient nécessaires si les biens remis étaient affectés de dysfonctionnements en compromettant l'usage.

13. Il résulte du tableau établi par et sous la responsabilité de l'expert-comptable de la société Aqualter Exploitation que la valeur nette comptable des immobilisations remises au concédant s'élevait, au 3 février 2015, à 693 221,07 euros HT, ramenée à 687 071,06 euros par l'intéressée. Dans la mesure où, d'une part, ce document retrace les dotations aux amortissements de la comptabilité du concessionnaire, calculées en régime linéaire à des taux annuels supérieurs à 4 %, plus favorable au concédant que le taux contractuel et où, d'autre part, il désigne chaque bien, précise la date de son acquisition, son régime d'amortissement, la part déjà amortie et le reliquat non amorti, la somme qui en résulte répond aux exigences de l'article 47.2 précité de la convention, le SIAHB n'étant pas fondé à remettre en cause, par principe, la sincérité de la comptabilité ainsi produite. La somme de 687 071,06 euros doit donc être retenue comme base d'indemnisation de la valeur résiduelle des biens incorporés au patrimoine du syndicat intercommunal à la date d'effet de la résiliation.

14. D'autre part, les parties ayant pris l'initiative de procéder, le 3 février 2015, à une remise contradictoire des ouvrages et ayant signé un procès-verbal auquel était annexé un constat d'huissier décrivant l'état de la station d'épuration d'Aigueperse, elles doivent être regardées comme ayant reconnu la matérialité des dysfonctionnements que ce document répertorie et comme ayant renoncé à se prévaloir de ceux qui n'y figurent pas, dès lors qu'ils étaient apparents à cette date et qu'un examen diligent aurait permis de les déceler. Enfin, ce procès-verbal n'annexant aucune facture ou devis, il y a lieu d'examiner les demandes de réfaction du SIAHB en fonction de l'objet des factures et devis produits ultérieurement et de leur lien avec les dysfonctionnements récolés contradictoirement.

15. Il résulte du constat d'huissier annexé au procès-verbal de remise qu'ont été relevés contradictoirement à la station d'épuration d'Aigueperse réalisé en 2008 par le concessionnaire et figurant au nombre des immobilisations remises au concédant, le non-fonctionnement du boîtier de commande de la sonde d'entrée du poste de relèvement, une fissure engendrant une fuite du béton de la cuve de prétraitement, la mise hors service de l'une des turbines des bassins d'aération, des épaufrures sur les murets du passage en béton traversant l'un des deux bassins d'aération et l'arrachage d'un chemin de câbles, la non-conformité réglementaire du débimètre du clarificateur, le non-fonctionnement du bras de répartition entre les préleveurs du dispositif d'autocontrôle, le non-fonctionnement des vantaux électriques du portail d'accès au site, le dysfonctionnement du compresseur du dispositif de pompage des boues liquides, la dégradation généralisée des murs et de la toiture du local de transformation des boues, le non-fonctionnement du vérin électrique du dispositif d'étalement des boues, la fissuration et le descellement du support de béton de l'étaleur de boues, l'arrachage des câbles électriques d'alimentation de cet équipement, le dysfonctionnement du compresseur et de la pompe à chaleur du local électrique. Ces anomalies faisant obstacle à un usage normal des biens remis, le concessionnaire doit indemniser le concédant du coût de leur reprise, en vertu de l'article 46 de la convention, sous réserve que les factures ou devis présentés correspondent à ce qui a été contradictoirement constaté. Enfin, l'assainissement ne relevant pas des prestations soumises à TVA en vertu de l'article 256 B du code général des impôts et ne pouvant donner lieu à récupération de la taxe sur la facturation de ce service à l'usager, les travaux de réparation à imputer en moins-value doivent inclure la TVA qui en grève le montant.

16. A l'appui de ses prétentions, le SIAHB produit des factures ou devis de travaux. Correspondent à la reprise des anomalies de fonctionnement relevées contradictoirement à la remise des installations, les travaux de réparation de la toiture du local de transformation des boues d'un montant TTC de 19 544,87 euros (devis Semerap n° 1808311), les travaux de réhabilitation de séchage des boues d'un montant de 107 153,10 euros (facture 18/061) qui comprennent la réinstallation d'un dispositif électrique de manutention des boues, les travaux de remise en état des sondes d'entrée d'un montant de 2 639,52 euros (facture FT18-5966), les travaux de réfection de la dalle de béton de l'étaleur de boues d'un montant de 2 587,38 euros (facture FT18-2561), les travaux de déplacement du compresseur de traitement d'air dont le dysfonctionnement provenait de la forte humidité de la serre, d'un montant de 2 208 euros (facture FT16-6044), les travaux de remplacement de la sonde d'un montant de 3 765,89 euros (facture FT16-5759), les travaux de mise en conformité du débimètre d'un montant de 3 798,48 euros (facture FT16-5704), les travaux de réparation de la turbine des bassins d'aération d'un montant de 4 473,60 euros (facture FT16-4594), les travaux de renouvellement du dispositif de pompage polymère des boues d'un montant de 1 752 euros (facture FT16-4582). Le SIAHB est ainsi fondé à demander que soit déduite de l'indemnité retenue au point 15, la somme de 147 922,84 euros.

17. En revanche doivent être rejetées les demandes d'imputation des factures ou devis FT18-2630 d'un montant TTC de 2 443,92 euros et FT18-2627 d'un montant de 18 842,35 euros pour le renouvellement du dégrilleur, FT18-2582 d'un montant de 2 136,39 euros pour le terrassement permettant le passage d'une gaine télécom, FT17-118 d'un montant de 7 705,91 euros pour l'installation de filtres à bandes, FT16-5702 d'un montant de 1 164,96 euros pour le remplacement du moteur de la pince du dégrilleur, FT16-2657 d'un montant de 2 191,52 euros pour la remise en service de l'installation de déphosphatisation, DV19-00504 d'un montant de 8 763,96 euros pour le changement de la pompe de relèvement n° 1, DV19-00508 d'un montant de 4 885,35 euros pour la réparation du fond de poste de relèvement, DV19-00507 d'un montant de 26 531,85 euros pour le changement du poste de supervision de la station et la facture Egis Dessableur Gendarmerie d'un montant de 80 249 euros afférents à des travaux que leur descriptif ne permet pas de rattacher aux anomalies répertoriées dans le constat contradictoire et, pour la plupart, commandés plusieurs années après la reprise de la concession ce qui tend à confirmer leur absence de lien avec les défectuosités de l'ouvrage relevées en février 2015.

18. Il résulte de ce qui précède qu'après imputation d'une réfaction de 147 922,84 euros sur la valeur de 687 071,06 euros des biens de retour non amortis, l'indemnité dont est redevable le SIAHB à l'égard de la société Aqualter Exploitation s'élève à 539 148,22 euros.

S'agissant des autres postes de réfaction présentés par le SIAHB :

19. En premier lieu et d'une part, en vertu de la convention, il revenait au SIAHB de contrôler l'activité de son concessionnaire, sans égard au niveau de difficulté de cette mission. Doit, en conséquence, être rejetée la demande d'imputation de la somme de 21 158,60 euros correspondant aux frais d'expertise comptable qu'il a engagés pour analyser les documents qui lui ont été remis et qu'il a écartés comme insuffisants ou non probants. D'autre part, la société Aqualter Exploitation n'ayant pas à supporter la charge de la procédure de résiliation en raison de son irrégularité, la somme de 2 824,80 euros que le syndicat intercommunal soutient avoir exposée de ce chef ne peut être inscrite à son débit.

20. En deuxième lieu, l'article 57 de la convention de concession met l'évacuation des boues à la charge du concédant, sauf modification contractuelle du tarif de base répercutant le coût de cette prestation pour le concessionnaire qui, en tout état de cause, s'engage à respecter la réglementation en la matière. Le contrat n'ayant pas été modifié, le SIAHB doit supporter le coût de cette évacuation alors qu'il n'identifie pas la non-conformité réglementaire imputable à la société Aqualter Exploitation dont serait résulté un surenchérissement de la manipulation ou du transport de ces matières. Il suit de là que le syndicat intercommunal n'est pas fondé à demander l'imputation de la somme de 101 940,97 euros exposée de ce chef.

21. En troisième lieu, l'article 2 de l'avenant n° 3 ne met à la charge du concessionnaire le remboursement des annuités de l'emprunt souscrit auprès de l'Agence de l'eau que pendant l'exécution du contrat de concession, sans égard aux causes qui seraient susceptibles d'en faire varier la durée, notamment de l'abréger. La résiliation ayant mis fin au contrat, elle a libéré de plein droit la société Aqualter Exploitation de cette obligation. En conséquence, le SIAHB n'est pas fondé à demander que soit inscrite au débit de l'entreprise la somme de 50 847,12 euros correspondant aux annuités restant à honorer au 3 février 2015.

22. En quatrième lieu, l'existence d'un préjudice moral allégué de 500 000 euros n'est pas établie.

S'agissant des reliquats de rémunération dus à la société Aqualter Exploitation :

23. En premier lieu, il résulte des articles 32 à 36, 62 et 63 combinés de la convention de concession, modifiés par l'avenant n° 2 en vigueur depuis mai 2002, d'une part, que le concessionnaire se rémunère sur la redevance d'assainissement assise sur le volume d'eau potable consommée par les usagers, d'autre part, que selon des modalités à définir par convention, le gestionnaire du service d'eau potable facture à chaque usager la redevance revenant au concessionnaire du service d'assainissement. Alors que ladite redevance est due par les usagers et que la société Aqualter Exploitation ne se prévaut d'aucune clause de la convention de facturation dont il ressortirait que le produit de la redevance transiterait par le SIAHB pour lui être reversée, le reliquat de rémunération de 55 209,57 euros, outre 11 388,90 euros d'intérêts moratoires, dont elle demande le paiement au titre de 2014 ne peut être regardé comme une dette du concédant dont celui-ci devrait s'acquitter en rémunération d'un service rendu aux usagers. Il suit de là que la société Aqualter Exploitation n'est pas fondée à demander à ce que cette somme soit inscrite à son crédit, au décompte de résiliation.

24. En second lieu, la faute du concessionnaire à l'origine de la résiliation de la convention est sans incidence sur le droit de celui-ci à être rémunéré de la livraison d'une prestation dont ni la réalité ni la conformité au contrat ne sont contestées. Il suit de là que, par les motifs qu'il invoque, le SIAHB n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par son jugement du 21 janvier 2021, le tribunal l'a condamné à verser à la société Aqualter Exploitation la somme TTC de 170 592,40 euros en rémunération des volumes d'eau traités à la date d'effet de la résiliation, mais non encore facturés.

En ce qui concerne le montant de la condamnation du SIAHB et les intérêts :

25. Il résulte de tout ce qui précède que le solde du décompte de résiliation, créditeur pour la société Aqualter Exploitation, et la condamnation du SIAHB doivent être ramenés de 971 283,47 euros dont 170 592,40 euros TTC à 709 640,62 euros dont 170 592,40 euros TTC. Le SIAHB est seulement fondé à demander la réformation à cette hauteur du jugement du 17 septembre 2020 et les conclusions de sa requête n° 21LY00835 doivent être rejetées.

26. En vertu de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts de retard courent à compter de la mise en demeure du débiteur. La société Aqualter Exploitation n'établissant, en appel, n'avoir notifié au SIAHB une mise en demeure de payer le principal que le 25 octobre 2016, les intérêts moratoires de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier doivent courir à compter de cette date. Il suit de là qu'elle n'est fondée à demander la réformation du jugement attaqué qu'en ce qu'il prononce les intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2018 et que le surplus de ses appels incidents doit être rejeté.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

27. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du SIAHB et de la société Aqualter Exploitation.

DÉCIDE :

Article 1er : La condamnation mise à la charge du SIAHB par les articles 1ers des jugements du 17 septembre 2020 et du 21 janvier 2021 est ramenée de 971 283,47 euros dont 170 592,40 euros TTC à 709 640,62 euros dont 170 592,40 euros TTC.

Article 2 : Les intérêts au taux légal prononcés par l'article 2 du jugement du 21 janvier 2021 courent à compter du 25 octobre 2016.

Article 3 : Les jugements n° 1800791 des 17 septembre 2020 et 21 janvier 2021 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat intercommunal d'assainissement du Haut-Buron et à la société Aqualter Exploitation.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La rapporteure,

C. PsilakisLe président de chambre,

Ph. Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

Nos 20LY03220, 21LY00835


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03220
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Résiliation. - Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : JAFFEUX - LHERITIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-06;20ly03220 ?
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