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06/04/2023 | FRANCE | N°21LY01353

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 avril 2023, 21LY01353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune d'Annecy a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement la société Eranthis, en sa qualité de mandataire du groupement titulaire du marché de maîtrise d'œuvre, ou, à tout le moins, la société Sitétudes, membre de ce groupement, la société Rocamat Pierre Naturelle, la société Compagnie française de Pierres et Marbres et la société Kamen Pazin, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsab

ilité quasi-délictuelle pour les deux dernières sociétés, à lui verser la somme de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune d'Annecy a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement la société Eranthis, en sa qualité de mandataire du groupement titulaire du marché de maîtrise d'œuvre, ou, à tout le moins, la société Sitétudes, membre de ce groupement, la société Rocamat Pierre Naturelle, la société Compagnie française de Pierres et Marbres et la société Kamen Pazin, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle pour les deux dernières sociétés, à lui verser la somme de 1 182 729,43 euros TTC, assortie des intérêts moratoires, capitalisés à la date d'enregistrement de la demande en réparation de la dégradation et du caractère glissant de la place réaménagée du château d'Annecy.

Par jugement n° 18007962 du 2 mars 2021, le tribunal, après avoir rejeté comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître la demande dirigée contre la société Kamen Pazin, a condamné la société Eranthis, en sa qualité de mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, à verser à la commune d'Annecy la somme de 1 085 102,64 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal capitalisés au 14 décembre 2018, au titre de la responsabilité décennale des constructeurs, en indemnisation de la glissance de la place, a condamné la société Sitétudes à garantir la société Eranthis à hauteur de 90 % du montant de sa condamnation, a mis à la charge de la société Eranthis et de la société Sitétudes, chacune pour moitié, les dépens, taxés et liquidés à la somme totale de 13 682,23 euros, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 30 avril 2021 sous le n° 21LY01353, la société Sitétudes, représentée par Me Pacifici, demande à la cour, le cas échéant, après avoir ordonné une nouvelle expertise judiciaire :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la commune d'Annecy dirigée contre elle, à titre subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité à 20% ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Annecy la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- compte-tenu des insuffisances du rapport d'expertise sur le caractère anormalement glissant des dalles du parvis et sur l'origine de ce désordre, il y a lieu de procéder, avant-dire-droit, à une nouvelle expertise ;

- le revêtement du parvis du château ne présente pas un caractère anormalement glissant de nature à engager sa responsabilité au titre de la garantie décennale ; les normes XP P05-010 et XP P05-011 retenues par l'expert pour tester le niveau de glissance ne sont pas pertinentes, dès lors que la première est obsolète et que la deuxième ne s'applique qu'aux revêtements de sol en céramique, aux revêtements de sol à base de résines, aux peintures, aux revêtements de sol résilients et aux revêtements de sols stratifiés ; les valeurs obtenues selon les essais au pendule A... démontrent l'absence de glissance anormale ; les risques pour la sécurité des piétons et l'impropriété de l'ouvrage à sa destination ne sont pas démontrés par les témoignages produits par la commune ;

- à supposer que le caractère anormalement glissant du revêtement soit reconnu, ce dernier ne résulte pas du choix du matériau mais de la topographie et du niveau de la pente, qui ne lui sont pas imputables ;

- la dégradation du matériau, qui résulte de l'emploi par la commune d'un produit de déverglaçage inadapté, a également contribué à sa glissance ;

- elle n'a pas commis de faute dans l'exercice de sa mission, qui se limitait à transcrire dans le cahier des clauses techniques particulière les exigences des concepteurs membres du groupement de maîtrise d'œuvre et du maître de l'ouvrage et à rechercher le meilleur rapport qualité-prix au regard du programme fonctionnel fourni par la commune ; le choix du revêtement, qui relevait du groupement de maîtrise d'œuvre, ne lui incombait pas ; elle avait proposé de retenir comme matériau le granit ;

- la commune d'Annecy, qui assurait le rôle de conducteur d'opération, qui a utilisé un produit d'entretien agressif et qui a choisi un revêtement de nature inadaptée, a commis une faute de nature à l'exonérer de sa propre responsabilité ;

- la société Eranthis, en sa qualité de concepteur de l'ouvrage, a également commis une faute ;

- la société Rocamat a commis une faute au regard des manquements de cette société à son obligation de conseil ;

- à supposer que le caractère anormalement glissant du revêtement soit reconnu, ce dernier ne justifie pas la réfection totale de la place, mais, dès lors que par ailleurs sa dégradation ne présente pas un caractère décennal, uniquement une part limitée du montant des travaux correspondant à 542 500 euros ;

- la nécessité de l'aménagement provisoire d'un cheminement piétonnier, de même que celle du remplacement des dalles en calcaire par des dalles en granit n'est pas démontrée ;

- le remplacement des dalles en calcaire par des dalles en granit est à l'origine d'une plus-value au bénéfice de la commune.

Par mémoires enregistrés le 3 août 2021 et le 12 janvier 2023, la société Eranthis, représentée par Me Balme, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la commune d'Annecy la somme de 1 085 102,64 euros TTC au titre de la garantie décennale des constructeurs à raison du désordre de glissance ;

2°) de rejeter la demande de la commune d'Annecy dirigée contre elle ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande de la société Siétudes et l'appel incident de la commune d'Annecy ;

4°) de condamner les sociétés Rocamat et Sitétudes à la relever et garantir de toute condamnation ;

5°) de mettre à la charge de la société Sitétudes ou de tout autre succombant la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel incident de la commune d'Annecy est irrecevable dans la mesure où il a été présenté au-delà du délai de deux mois et qu'il n'a pas de lien avec l'appel principal ;

- l'organisation d'une contre-expertise est nécessaire ;

- l'expert a manqué à son devoir d'impartialité ;

- le caractère décennal des désordres liés à glissance anormale de la place du parvis n'est pas établi ;

- les matériaux étaient conformes aux exigences de la norme de référence NF-EN 13036-4 dont les tests ont été effectués au moyen des essais au pendule A... ;

- les normes expérimentales XP P 05-010 et XP P 05-011 ne sont pas applicables aux revêtements en pierre naturelle et aux ouvrages de voirie extérieurs ;

- le calcaire n'a pas été exclu par la société qui a procédé aux travaux de reprise ;

- les témoignages dont se prévaut la commune ne sont pas de nature à démontrer l'impropriété de l'ouvrage à sa destination ;

- en tout état de cause, les désordres liés à la glissance anormale ne lui sont pas imputables mais relèvent des fautes commises par la société Siétudes, qui est intervenue dès la phase concours, n'a émis aucune réserve sur l'emploi de ce matériau et était responsable de la direction et du contrôle des travaux, et par la société Rocamat, qui a manqué à son devoir de conseil ;

- la commune a par ailleurs commis une faute en privilégiant l'aspect esthétique ;

- le cahier des clauses techniques particulières prescrivait effectivement de privilégier des matériaux évitant le phénomène de glissance ;

- aucun lien de causalité ne peut être démontré entre son intervention et les désordres ;

- en ce qui concerne le quantum de la réparation, il n'est pas établi que les travaux de reprise devaient concerner l'intégralité de la place, dans la mesure où seule une partie est en pente et que la nécessité des travaux de reprise est imputée pour une part par l'expert au phénomène de dégradation dont le caractère décennal n'est pas établi ;

- il y a lieu de déduire du montant de la réparation la somme à laquelle la commune peut prétendre au titre du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les travaux provisoires ont été estimés par l'expert à 76 453,56 euros HT et non 89 750 euros HT comme demandé par la commune ;

- la commune ne peut prétendre à la prise en charge de ses frais d'avocat qui n'ont pas de rapport direct avec les désordres et sont manifestement excessifs ;

- en ce qui concerne la dégradation du revêtement, il n'est pas établi que ce désordre compromettrait la solidité de l'ouvrage ou le rendrait impropre à sa destination et présenterait un caractère décennal ;

- les frais d'huissier et de reprographie ainsi que les frais de l'expertise amiable se rapportent uniquement au délitement de la pierre qui ne présente pas un caractère décennal ;

- compte tenu de la nature des travaux à réaliser, la commune ne peut prétendre à la prise en charge des frais de maîtrise d'œuvre pour les travaux de reprise ;

- dès lors qu'elle a exécuté le jugement, les conclusions de la commune tendant à l'application de l'article R. 921-2 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

- le tribunal a déjà alloué à la commune le remboursement des frais de l'expertise ;

- elle est fondée à appeler en garantie la société Rocamat, eu égard aux manquements commis dans son devoir de conseil et la société Sitétudes au regard de sa mission de direction et de contrôle des travaux et pour ne pas avoir vérifié le respect du cahier des clauses techniques particulières s'agissant du choix de la pierre et avoir préconisé une variante inadaptée.

Par mémoires enregistrés le 9 septembre 2022 et le 20 janvier 2023, la commune d'Annecy, représentée par Me Tissot, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de rejeter les conclusions de la société Sitétudes ;

3°) de condamner les sociétés Eranthis et Sitétudes à exécuter le jugement, en application des articles R. 921-2 et L. 911-4 du code de justice administrative, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) à titre incident, de réformer le jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation des sociétés Eranthis et Stiétudes à l'indemniser de la dégradation du revêtement de la place du château et en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de ces sociétés à l'indemniser des frais de constat d'huissier d'un montant de 2 540,36 euros TTC, des frais de reprographie annexes d'un montant de 155,92 euros TTC, des frais et honoraires de l'expert privé d'un montant de 4 565,66 euros TTC et des frais de maîtrise d'œuvre engagés pour la conduite des travaux de réfection définitifs d'un montant de 90 050,10 euros TTC ;

5°) de condamner, le cas échéant solidairement, les sociétés Eranthis et Sitétudes à lui verser une indemnité portée à la somme de 1 182 729,43 euros TTC à raison des deux désordres de nature décennale en litige, avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2018, capitalisés à chaque échéance annuelle ;

6°) de condamner, le cas échéant solidairement, les sociétés Eranthis et Sitétudes à lui verser une somme de 13 682,23 euros au titre des frais et honoraires de l'expert judicaire mis à sa charge par une ordonnance de taxation du 28 décembre 2017 ;

7°) de condamner les sociétés Eranthis et Sitétudes à exécuter l'arrêt dans un délai d'un mois et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

8°) de mettre à la charge de ces sociétés la somme de 5 000 euros, chacune, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions tendant au remboursement des frais de maîtrise d'œuvre engagés pour la conduite des travaux de réfection, à hauteur de 75 041,75 euros HT soit 90 050, 10 euros TTC ;

- les désordres liés à la glissance anormale de la place, attestés tant par le rapport de l'expertise amiable remis le 12 novembre 2013 que par l'expertise judicaire et les plaintes des usagers dont elle fait état, sont de nature à rendre les ouvrages impropres à leur destination ;

- la glissance excessive est établie au regard des normes XP 05-010 et XP 05-011 afférentes au classement des locaux en fonction de leur résistance à la glissance et qui sont pertinentes, alors même qu'elles sont afférentes aux parvis des gares ou aéroports ;

- les normes NF B 10-601, NF EN 14231, NF EN 1341 et NF EN 1342 invoquées par les sociétés Eranthis et Sitétudes ne sont pas pertinentes, dès lors, pour la première, qu'elle n'est pas relative à la problématique de la glissance, pour la deuxième, qu'elle consiste en une méthode d'essai dépourvue de valeur de référence et pour la troisième et la dernière, qu'elles sont afférentes aux exigences de performance dans le cadre de prescriptions générales ;

- tant les résultats des tests reproduisant la pente réelle que ceux réalisés à plat démontrent le caractère intrinsèquement glissant de la pierre utilisée ;

- l'absence d'impartialité de l'expert n'est pas établie ;

- ses conclusions présentées à titre incident tendant à ce que le jugement soit annulé en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation des deux sociétés Eranthis et Siétudes à raison de la dégradation du revêtement sont recevables dès lors qu'elles ne soulèvent pas de litige distinct ;

- les désordres ayant trait au délitement de la pierre sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination, compte tenu de leur caractère évolutif et généralisé ; l'utilisation d'un produit déverglaçant est sans incidence sur la réalité de ce désordre ; en tout état de cause, l'emploi de ce produit, très circonscrit, n'est pas à l'origine du désordre ; elle n'a pas été informée des précautions d'usage, alors que cette obligation incombait aux maîtres d'œuvre et constructeurs en vertu de leur devoir de conseil, notamment au regard des contraintes pesant sur le site ;

- compte-tenu du caractère exceptionnel du site d'un point de vue patrimonial et touristique, la seule atteinte de nature esthétique à l'ouvrage est de nature à le rendre impropre à sa destination ;

- les cocontractants du groupement de maîtrise d'œuvre sont engagés solidairement les uns envers les autres ; il y a donc lieu de retenir la responsabilité solidaire du groupement de maîtrise d'œuvre ;

- en ce qui concerne le délitement de la pierre, le groupement de maîtrise d'œuvre a failli dans l'exercice de ses missions de surveillance de l'exécution des travaux, dès lors que la pierre retenue n'est pas conforme aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières ;

- il a également failli dans ses obligations de vérification, de conseil et d'alerte ;

- en ce qui concerne la glissance de la pierre, le groupement de maîtrise d'œuvre a failli à raison d'une erreur de conception de la place, dans la mesure où il n'a pas été tenu compte de la topographie, et de la prescription d'un revêtement en calcaire sans considération des contraintes propres au site ; cette erreur est principalement imputable à la société Sitétudes ; cette société ne s'est pas opposée à l'option " calcaire " proposée par les concepteurs ;

- en ce qui concerne le quantum de l'indemnisation, les sociétés requérantes ne demandent pas que cette indemnisation soit réduite ;

- c'est à bon droit que le tribunal a mis à la charge de ces sociétés les sommes de 107 000 euros TTC au titre des mesures provisoires de sécurisation de la place, 900 501,05 euros TTC au titre des travaux de reprise, 40 656 euros TTC au titre des frais d'investigation de la société Ginger CEBTP, sapiteur, la somme de 16 193,60 euros au titre des frais d'avocat et les dépens, à hauteur de 13 682,23 euros ;

- à titre incident, elle demande que soient mis à la charge de ces sociétés les frais de constat d'huissier, soit 2 540,36 euros TTC, de reprographie de ce constat soit 155,92 euros TTC, les honoraires de l'expert amiable, à hauteur de 1 895,66 euros et les frais de maîtrise d'œuvre engagés pour la conduite des travaux de réfection, à hauteur de 75 041,75 euros HT et 90 050, 10 euros TTC ;

- le jugement n'a pas été pleinement exécuté ; en conséquence, les sociétés Eranthis et Siétudes doivent être condamnées, sur le fondement des articles R. 921-12 et L. 911-4 du code de justice administrative, à exécuter le jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un mémoire enregistré le 10 janvier 2023, la société Rocamat, venant aux droits de la société Rocamat Pierre Naturelle, représentée par Me Hode, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de la commune d'Annecy à raison du désordre lié à la glissance ;

2°) de rejeter la demande de la commune d'Annecy et son appel incident ;

3°) de rejeter les appels en garantie formés à son encontre ;

4°) de condamner le groupement de maîtrise d'œuvre à la relever et garantir de toute condamnation ;

5°) de mettre à la charge de la société Sitétudes ou tout autre succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en sa qualité de fournisseur, elle n'est pas au nombre des constructeurs sur lesquels pèse la garantie décennale ;

- l'expert judiciaire a fait preuve de partialité ;

- la dégradation de la pierre n'est pas de nature décennale ; le caractère évolutif et généralisé du désordre n'étant pas à lui seul de nature à lui conférer un tel caractère ;

- en tout état de cause, elle ne lui est pas imputable dans la mesure où elle s'est conformée aux spécifications du cahier des clauses techniques particulières ;

- la glissance du matériau n'est pas démontrée, dès lors que les essais sur plan incliné, retenus par l'expert, ne sont pas applicables aux pierres naturelles et aux ouvrages de voirie tandis que les essais au pendule A..., qui sont les seuls applicables, ont conclu au caractère non glissant ; les témoignages dont se prévaut la commune ne sont pas probants ;

- le caractère glissant n'est pas intrinsèque à la pierre mais résulte de la conception et de l'exécution des travaux ;

- la commune a commis une faute par l'usage de produits d'entretien et de nettoyage inadaptés ;

- le traitement opéré par la société Ceccon frères est de nature à avoir endommagé la pierre et a provoqué sa glissance ;

- à titre subsidiaire, le groupement de maîtrise d'œuvre, qui a manqué à sa mission de direction et de contrôle des travaux, la société Sitétudes qui a participé directement aux désordres et les sociétés Compagnie française de pierres et marbres et Kamen-Pazin qui ont livré des pierres de caractère médiocre doivent la garantir de toute condamnation.

Un mémoire présenté pour la société Sitétudes, enregistré le 8 février 2023, n'a pas été communiqué.

II. Par une requête, enregistrée sous le numéro 21LY01436, et des mémoires enregistrés le 5 mai 2021, le 27 juillet 2022 et le 12 janvier 2023, la société Eranthis, représentée par Me Balme, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à la commune d'Annecy la somme de 1 085 102,64 euros TTC au titre de la garantie décennale des constructeurs à raison du désordre de glissance ;

2°) de rejeter la demande de la commune d'Annecy ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande de la société Sitétudes et l'appel incident de la commune ;

4°) de condamner les sociétés Rocamat et Sitétudes à la relever et garantir de toute condamnation ;

5°) de mettre à la charge de la société Sitétudes ou de tout autre succombant la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel incident de la commune d'Annecy est irrecevable dans la mesure où il a été présenté au-delà du délai de deux mois et qu'il n'a pas de lien avec l'appel principal ;

- l'organisation d'une contre-expertise est nécessaire ;

- les conclusions de la commune d'Annecy tendant au remboursement des dépens qu'elle a engagés, auxquelles le tribunal a déjà fait droit, sont dépourvues d'objet ;

- l'expert a manqué à son devoir d'impartialité ;

- le caractère décennal des désordres liés à glissance anormale de la place n'est pas établi ;

- les matériaux étaient conformes aux exigences de la norme de référence NF-EN 13036-4 dont les tests ont été effectués au moyen des essais au pendule A... ;

- les normes expérimentales XP P 05-010 et XP P 05-011 ne sont pas applicables aux revêtements en pierre naturelle et aux ouvrages de voirie extérieurs ;

- le calcaire n'a pas été exclu par la société qui a procédé aux travaux de reprise ;

- les témoignages dont se prévaut la commune ne sont pas de nature à démontrer l'impropriété de l'ouvrage à sa destination ;

- en tout état de cause, les désordres liés à la glissance anormale ne lui sont pas imputables mais relèvent des fautes commises par la société Sitétudes, qui est intervenue dès la phase concours, n'a émis aucune réserve sur l'emploi de ce matériau et était responsable de la direction et du contrôle des travaux, et par la société Rocamat, qui a manqué à son devoir de conseil ;

- la commune a par ailleurs commis une faute en privilégiant l'aspect esthétique ;

- le cahier des clauses techniques particulières prescrivait effectivement de privilégier des matériaux évitant le phénomène de glissance ;

- aucun lien de causalité ne peut être démontré entre son intervention et les désordres ;

- en ce qui concerne le quantum de la réparation, il n'est pas établi que les travaux de reprise devaient concerner l'intégralité de la place, dans la mesure où seule une partie est en pente et que la nécessité des travaux de reprise est imputée pour une part par l'expert au phénomène de dégradation dont le caractère décennal n'est pas établi ;

- il y a lieu de déduire du montant de la réparation la somme à laquelle la commune peut prétendre au titre du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- les travaux provisoires ont été estimé par l'expert à 76 453,56 euros HT et non 89 750 euros HT comme demandé par la commune ;

- la commune ne peut prétendre à la prise en charge de ses frais d'avocat qui n'ont pas de rapport direct avec les désordres et sont manifestement excessifs ;

- en ce qui concerne la dégradation du revêtement, il n'est pas établi que ce désordre compromettrait la solidité de l'ouvrage ou le rendrait impropre à sa destination et présenterait un caractère décennal ;

- les frais d'huissier et de reprographie ainsi que les frais de l'expertise amiable se rapportent uniquement au délitement de la pierre qui ne présente pas un caractère décennal ;

- compte tenu de la nature des travaux à réaliser, la commune ne peut prétendre à la prise en charge des frais de maîtrise d'œuvre pour les travaux de reprise ;

- dès lors qu'elle a exécuté le jugement, les conclusions de la commune tendant à l'application de l'article R. 921-2 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

- le tribunal a déjà alloué à la commune le remboursement des frais de l'expertise ;

- elle est fondée à appeler en garantie la société Rocamat, eu égard aux manquements commis dans son devoir de conseil et la société Sitétudes au regard de sa mission de direction et de contrôle des travaux et pour ne pas avoir vérifié le respect du cahier des clauses techniques particulières s'agissant du choix de la pierre et avoir préconisé une variante inadaptée.

Par mémoires enregistrés les 20 mai 2022 et 8 février 2023, ce dernier non communiqué, la société Sitétudes, représentée par Me Pacifici, demande à la cour, le cas échéant après avoir ordonné une nouvelle expertise judiciaire :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la commune d'Annecy dirigée contre elle ou, à titre subsidiaire, de limiter sa part de responsabilité à 20% ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Annecy la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- compte-tenu des insuffisances du rapport d'expertise sur le caractère anormalement glissant des dalles du parvis et sur l'origine de ce désordre, il y a lieu de procéder, avant-dire-droit, à une nouvelle expertise ;

- le revêtement du parvis du château ne présente pas un caractère anormalement glissant de nature à engager sa responsabilité au titre de la garantie décennale ; les normes XP P05-010 et XP P05-011 retenues par l'expert pour tester le niveau de glissance ne sont pas pertinentes, dès lors que la première est obsolète et que la deuxième ne s'applique qu'aux revêtements de sol en céramique, aux revêtements de sol à base de résines, aux peintures, aux revêtements de sol résilients et aux revêtements de sols stratifiés ; les valeurs obtenues selon les essais au pendule A... démontrent l'absence de glissance anormale ; les risques pour la sécurité des piétons et l'impropriété de l'ouvrage à sa destination ne sont pas démontrés par les témoignages produits par la commune ;

- à supposer que le caractère anormalement glissant du revêtement soit reconnu, ce dernier ne résulte pas du choix du matériau mais de la topographie et du niveau de la pente, qui ne lui sont pas imputables ;

- la dégradation du matériau, qui résulte de l'emploi par la commune d'un produit de déverglaçage inadapté, a également contribué à sa glissance ;

- elle n'a pas commis de faute dans l'exercice de sa mission, qui se limitait à transcrire dans le cahier des clauses techniques particulière les exigences des concepteurs membres du groupement de maîtrise d'œuvre et du maître de l'ouvrage et à rechercher le meilleur rapport qualité-prix au regard du programme fonctionnel fourni par la commune ; le choix du revêtement, qui relevait du groupement de maîtrise d'œuvre, ne lui incombait pas ; elle avait proposé de retenir comme matériau le granit ;

- la commune d'Annecy, qui assurait le rôle de conducteur d'opération, qui a utilisé un produit d'entretien agressif et qui a choisi un revêtement de nature inadaptée, a commis une faute de nature à l'exonérer de sa propre responsabilité ;

- la société Eranthis, en sa qualité de concepteur de l'ouvrage, a également commis une faute ;

- la société Rocamat a commis une faute au regard des manquements de cette société à son obligation de conseil ;

- à supposer que le caractère anormalement glissant du revêtement soit reconnu, ce dernier ne justifie pas la réfection totale de la place, mais, dès lors que par ailleurs sa dégradation ne présente pas un caractère décennal, uniquement une part limitée du montant des travaux correspondant à 542 500 euros ;

- la nécessité de l'aménagement provisoire d'un cheminement piétonnier, de même que celle du remplacement des dalles en calcaire par des dalles en granit n'est pas démontrée ;

- le remplacement des dalles en calcaire par des dalles en granit est à l'origine d'une plus-value au bénéfice de la commune.

Par mémoires enregistrés le 9 septembre 2022 et le 20 janvier 2023, la commune d'Annecy, représentée par Me Tissot, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de rejeter les conclusions de la société Eranthis ;

3°) de condamner les sociétés Eranthis et Sitétudes à exécuter pleinement le jugement, en application des articles R. 921-2 et L. 911-4 du code de justice administrative, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) à titre incident, de réformer le jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation des sociétés Eranthis et Sitétudes à l'indemniser de la dégradation du revêtement de la place du château et en en tant qu'il a rejeté sa demande de condamnation de ces sociétés à l'indemniser des frais de constat d'huissier d'un montant de 2 540,36 euros TTC, des frais de reprographie annexes d'un montant de 155,92 euros TTC, des frais et honoraires de l'expert privé d'un montant de 4 565,66 euros TTC et des frais de maîtrise d'œuvre engagés pour la conduite des travaux de réfection définitifs d'un montant de 90 050,10 euros TTC ;

5°) de condamner, le cas échéant solidairement, les sociétés Eranthis et Sitétudes à lui verser une indemnité portée à la somme de 1 182 729,43 euros TTC à raison des deux désordres de nature décennale en litige, avec intérêts au taux légal capitalisés à chaque échéance annuelle ;

6°) de condamner, le cas échéant solidairement, les sociétés Eranthis et Sitétudes à lui verser une somme de 13 682,23 euros au titre des frais et honoraires de l'expert judicaire mis à sa charge par une ordonnance de taxation du 28 décembre 2017 ;

7°) de condamner les sociétés Eranthis et Sitétudes à exécuter l'arrêt dans le délai d'un mois et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

8°) de mettre à la charge des sociétés Eranthis et Sitétudes la somme de 5 000 euros, chacune, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions tendant au remboursement des frais de maîtrise d'œuvre engagés pour la conduite des travaux de réfection, à hauteur de 75 041,75 euros HT soit 90 050, 10 euros TTC ;

- les désordres liés à glissance anormale de la place, attestés tant par le rapport de l'expertise amiable remis le 12 novembre 2013 que par l'expertise judicaire et les plaintes des usagers dont elle fait état, sont de nature à rendre les ouvrages impropres à leur destination ;

- la glissance excessive est établie au regard des normes XP 05-010 et XP 05-011 afférentes au classement des locaux en fonction de leur résistance à la glissance et qui sont pertinentes, alors même qu'elles sont afférentes aux parvis des gares ou aéroports ;

- les normes NF B 10-601, NF EN 14231, NF EN 1341 et NF EN 1342 invoquées par les sociétés Eranthis et Siétudes ne sont pas pertinentes, dès lors, pour la première, qu'elle n'est pas relative à la problématique de la glissance, pour la deuxième, qu'elle consiste en une méthode d'essai dépourvue de valeur de référence et pour la troisième et la dernière, qu'elles sont afférentes aux exigences de performance dans le cadre de prescriptions générales ;

- tant les résultats des tests reproduisant la pente réelle que ceux réalisés à plat démontrent le caractère intrinsèquement glissant de la pierre utilisée ;

- l'absence d'impartialité de l'expert n'est pas établie ;

- ses conclusions présentées à titre incident tendant à ce que le jugement soit annulé en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation des deux sociétés Eranthis et Siétudes à raison de la dégradation du revêtement sont recevables dès lors qu'elles ne soulèvent pas de litige distinct ;

- les désordres ayant trait au délitement de la pierre sont de nature à compromettre la solidité des ouvrages et à les rendre impropres à leur destination, compte tenu de leur caractère évolutif et généralisé ; l'utilisation d'un produit déverglaçant est sans incidence sur la réalité de ce désordre ; en tout état de cause, l'emploi de ce produit, très circonscrit, n'est pas à l'origine du désordre ; elle n'a pas été informée des précautions d'usage, alors que cette obligation incombait aux maîtres d'œuvre et constructeurs en vertu de leur devoir de conseil, notamment au regard des contraintes pesant sur le site ;

- compte-tenu du caractère exceptionnel du site d'un point de vue patrimonial et touristique, la seule atteinte de nature esthétique à l'ouvrage est de nature à le rendre impropre à sa destination ;

- les cocontractants du groupement de maîtrise d'œuvre sont engagés solidairement les uns envers les autres ; il y a donc lieu de retenir la responsabilité solidaire du groupement de maîtrise d'œuvre ;

- en ce qui concerne le délitement de la pierre, le groupement de maîtrise d'œuvre a failli dans l'exercice de ses missions de surveillance de l'exécution des travaux, dès lors que la pierre retenue n'est pas conforme aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières ;

- il a également failli dans ses obligations de vérification, de conseil et d'alerte ;

- en ce qui concerne la glissance de la pierre, le groupement de maîtrise d'œuvre a failli à raison d'une erreur de conception de la place, dans la mesure où il n'a pas été tenu compte de la topographie, et à raison de la prescription d'un revêtement en calcaire sans considération des contraintes propres au site ; cette erreur est principalement imputable à la société Siétudes ; cette société ne s'est pas opposée à l'option " calcaire " proposée par les concepteurs ;

- en ce qui concerne le quantum de l'indemnisation, les sociétés requérantes ne demandent pas que cette indemnisation soit réduite ;

- c'est à bon droit que le tribunal a mis à la charge de ces sociétés les sommes de 107 000 euros TTC au titre des mesures provisoires de sécurisation de la place, 900 501,05 euros TTC au titre des travaux de reprise, 40 656 euros TTC au titre des frais d'investigation de la société Ginger CEBTP, sapiteur, la somme de 16 193,60 euros au titre des frais d'avocat et les dépens, à hauteur de 13 682,23 euros ;

- à titre incident, elle demande que soient mis à la charge de ces sociétés les frais de constat d'huissier, soit 2 540,36 euros TTC, de reprographie de ce constat soit 155,92 euros TTC des honoraires de l'expert amiable, à hauteur de 1 895,66 euros et des frais de maîtrise d'œuvre engagés pour la conduite des travaux de réfection, à hauteur de 75 041,75 euros HT et 90 050, 10 euros TTC ;

- le jugement n'a pas été pleinement exécuté ; en conséquence, les sociétés Eranthis et Sitétudes doivent être condamnées, sur le fondement des articles R. 921-12 et L. 911-4 du code de justice administrative, à exécuter le jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par mémoire enregistré le 10 janvier 2023, la société Rocamat, venant aux droits de la société Rocamat Pierre Naturelle, représentée par Me Hode, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de la commune d'Annecy à raison du désordre lié à la glissance ;

2°) de rejeter la demande de la commune d'Annecy et son appel incident ;

3°) de rejeter les appels en garantie formés à son encontre ;

4°) de condamner le groupement de maîtrise d'œuvre à la relever et la garantir de toute condamnation ;

5°) de mettre à la charge de la société Sitétudes ou tout autre succombant la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en sa qualité de fournisseur, elle n'est pas au nombre des constructeurs sur lesquels pèse la garantie décennale ;

- l'expert judiciaire a fait preuve de partialité ;

- la dégradation de la pierre n'est pas de nature décennale ; le caractère évolutif et généralisé du désordre n'étant pas à lui seul de nature à lui conférer un tel caractère ;

- en tout état de cause, elle ne lui est pas imputable dans la mesure où elle s'est conformée aux spécifications du cahier des clauses techniques particulières ;

- la glissance du matériau n'est pas démontrée, dès lors que les essais sur plan incliné, retenus par l'expert, ne sont pas applicables aux pierres naturelles et aux ouvrages de voirie tandis que les essais au pendule A..., qui sont les seuls applicables, ont conclu au caractère non glissant ; les témoignages dont se prévaut la commune ne sont pas probants ;

- le caractère glissant n'est pas intrinsèque à la pierre mais résulte de la conception et de l'exécution des travaux ;

- la commune a commis une faute par l'usage de produits d'entretien et de nettoyage inadaptés ;

- le traitement opéré par la société Ceccon frères est de nature à avoir endommagé la pierre et provoqué sa glissance ;

- à titre subsidiaire, le groupement de maîtrise d'œuvre, qui a manqué à sa mission de direction et de contrôle des travaux, la société Sitétudes qui a participé directement aux désordres et les sociétés Compagnie française de pierres et marbres et Kamen-Pazin qui ont livré des pierres de caractère médiocre doivent la garantir de toute condamnation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- les observations de Me Balme pour la société Eranthis, celles de Me Tissot pour la commune nouvelle d'Annecy et celles de Me Luc Johns pour la société Rocamat ;

Considérant ce qui suit :

1. En 2008, la commune d'Annecy a entrepris le réaménagement de la place située sur le parvis du château. Le marché de maîtrise d'œuvre a été confié à un groupement dont le mandataire était M. C..., auquel a succédé la société Eranthis et qui était composé du cabinet Buisson, paysagiste, de M. B... en qualité d'architecte ainsi que de la société Sitétudes pour la conception de la voirie et réseaux divers (VRD). Les travaux du lot n°1 " Terrassement/VRD " ont été confiés à la société Ceccon Frères BTP et le marché de fourniture de pierre (lot n°2) a été attribué à la société Rocamat Pierre Naturelle, à laquelle a succédé la société Rocamat qui s'est elle-même approvisionnée en pierres calcaires auprès de la société croate Kamen-Pazin, représentée en France par la société Compagnie française des pierres et marbres. Les travaux du lot n°1 ont été réceptionnés, le 28 juillet 2011, avec des réserves dont il est constant qu'elles étaient sans rapport avec les désordres objet du litige, et le lot n°2 a fait l'objet d'un procès-verbal d'admission à cette même date. La commune d'Annecy a constaté, d'une part, l'apparition de fissures et d'un délitement de la pierre calcaire employée pour le revêtement de la place, et, d'autre part, la manifestation d'un phénomène de glissance occasionnant des chutes pour les usagers et le personnel communal. Elle a sollicité une expertise amiable, dont le rapport a été remis le 12 novembre 2013, puis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Grenoble de désigner un expert judiciaire en vue, notamment, de déterminer la nature et les origines des désordres et les mesures propres à y mettre fin. Les conclusions de l'expertise judiciaires ont été remises le 23 octobre 2017.

2. La commune d'Annecy a ensuite demandé au tribunal de condamner solidairement la société Eranthis, en sa qualité de mandataire du groupement titulaire du marché de maîtrise d'œuvre, ou, à tout le moins, la société Sitétudes, membre de ce groupement, la société Rocamat Pierre Naturelle, la société Compagnie française de Pierres et Marbres et la société Kamen-Pazin, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle pour les deux dernières sociétés, à lui verser la somme de 1 182 729,43 euros TTC, outre intérêts capitalisés, en réparation de la dégradation et de la glissance du parvis du château, ainsi que des frais d'expertise liquidés à la somme de 13 682,23 euros. Par jugement n° 18007962 du 2 mars 2021, le tribunal, après avoir rejeté comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître la demande dirigée contre la société Kamen Pazin, a condamné la société Eranthis, en sa qualité de mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, à verser à la commune d'Annecy la somme de 1 085 102,64 euros TTC en indemnisation de la glissance du revêtement, outre intérêts au taux légal capitalisés au 14 décembre 2018, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs. Il a condamné la société Sitétudes à garantir la société Eranthis à hauteur de 90 % du montant de sa condamnation, a mis à la charge de la société Eranthis et de la société Sitétudes, chacune pour moitié, les dépens, taxés et liquidés à la somme totale de 13 682,23 euros, et a rejeté le surplus de la demande.

3. Par la requête 21LY01436, la société Eranthis relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser la commune d'Annecy du caractère glissant du parvis. Dans cette instance, la commune d'Annecy relève appel incident du jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit, d'une part, à la demande indemnitaire afférente à la détérioration du revêtement et, d'autre part, à l'ensemble des chefs de préjudice se rapportant au premier désordre. Par la requête 21LY01353, la société Sitétudes relève appel du jugement en tant qu'il l'a condamnée à garantir, à hauteur de 90%, la société Eranthis de sa condamnation. Dans cette instance, la commune d'Annecy, par la voie de l'appel provoqué, demande la réformation de ce jugement en tant qu'ont été rejetés sa demande afférente au second désordre et le surplus de la demande afférente au premier désordre.

4. Les requêtes présentées par la société Sitétudes sous le n° 21LY01353 et par la société Eranthis sous le n°21LY01436 sont relatives aux mêmes désordres. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les appels de la société Eranthis et de la société Sitétudes:

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

5. La commune d'Annecy avait demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Eranthis à lui verser la somme de 75 041,75 euros HT, soit 90 050,10 euros TTC, à raison des frais du marché de maîtrise d'œuvre conclu pour la réalisation des travaux de reprise des désordres constatés. Le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ces conclusions. Il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions.

6. Il y a lieu pour la Cour de se prononcer sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions.

En ce qui concerne le caractère décennal des désordres :

7. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre le cas de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

8. Les travaux affectés de désordres ont consisté dans la pose, sur la place du château d'Annecy, d'un revêtement en calcaire de type Kanfanar finition flammé. Le tribunal a estimé que la responsabilité décennale des constructeurs se trouvait engagée à raison du caractère anormalement glissant de ce revêtement, lequel était de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination.

9. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert judiciaire, que cette pierre calcaire n'est pas adaptée aux sols qui, comme le parvis du château d'Annecy, présentent une forte pente, ainsi que le confirme le protocole de tests techniques d'adhérence dit D... (A...) dont l'homologation ne vaut que pour une déclivité d'au plus 5%. Il s'ensuit que les essais effectués selon cette méthode, loin de démontrer la partialité de l'expert, ont permis de vérifier la glissance anormale du matériau dans ses conditions réelles d'utilisation, dans une pente atteignant par endroit 15%, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise au cours de laquelle ne pourrait être testée selon des conditions homologuées l'adhérence du revêtement de calcaire en forte pente.

10. D'autre part, la commune d'Annecy produit plusieurs réclamations ou attestations qu'elle a reçues à la suite de chutes de personnes ayant emprunté la place du château. Si ces attestations ont été, pour certaines d'entre elles, établies par des agents communaux et ne retracent qu'une à trois occurrences annuelles, elles confirment l'impossibilité d'emprunter dans des conditions normales d'utilisation cet espace piétonnier et, par voie de conséquence, son impropriété à sa destination. Par suite, le désordre en cause présente un caractère de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.

En ce qui concerne l'imputabilité du désordre :

11. D'une part, il résulte de l'instruction, et, notamment, de l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre, que le groupement de maîtrise d'œuvre était en charge des éléments de mission études préliminaires, études d'avant-projet sommaire et de projet, assistance pour la passation des contrats de travaux, études d'exécution, de la direction de l'exécution des contrats de travaux et de l'assistance aux opérations de réception. Au titre de sa mission de projet, le groupement était notamment chargé de préciser la nature et les caractéristiques des matériaux et les conditions de leur mise en œuvre. En conséquence, le désordre, qui résulte du choix du matériau de revêtement de la place, est imputable à ce groupement.

12. D'autre part, les membres d'un groupement solidaire sont individuellement responsables à l'égard du maître d'ouvrage des désordres qui sont, au moins partiellement, imputables à l'un d'eux. Il n'en va différemment que si une répartition des tâches entre cotraitants figure dans les engagements contractuels de telle sorte qu'elle soit opposable au maître d'ouvrage. Or, il ne résulte pas de l'instruction, et, notamment, de l'acte d'engagement auquel est uniquement annexé le tableau de répartition des honoraires, qu'une répartition des tâches entre cotraitants de la maîtrise d'œuvre ait été opérée dans un acte contractuel opposable au maître de l'ouvrage. Dans ces conditions, la société Eranthis doit répondre de la totalité des manquements commis dans la mesure où ils sont imputables à l'un quelconque des membres de son groupement et elle ne peut utilement soutenir que sa propre responsabilité ne serait pas engagée au motif que les désordres auraient une cause étrangère à ses interventions.

En ce qui concerne la cause exonératoire de la faute du maître de l'ouvrage :

13. En premier lieu, aux termes de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985 susvisée, relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée : " I. Le maître de l'ouvrage est la personne morale (...) pour laquelle l'ouvrage est construit (...) Il lui appartient, après s'être assuré de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée, d'en déterminer la localisation, d'en définir le programme, d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle, d'en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d'œuvre et entrepreneurs qu'il choisit, les contrats ayant pour objet les études et l'exécution des travaux ", et aux termes de l'article 6 de la même loi : " I. Le maître de l'ouvrage peut recourir à l'intervention d'un conducteur d'opération pour une assistance générale à caractère administratif, financier et technique. II. La mission de conducteur d'opération (...) est incompatible avec toute mission de maîtrise d'œuvre, de réalisation des travaux (...) portant sur le ou les mêmes ouvrages (...) ".

14. Ces dispositions combinées investissent de plein droit le maître de l'ouvrage de deux fonctions, celle de directeur d'investissement consistant à financer l'ouvrage et celle de conducteur d'opération consistant à en définir les caractéristiques essentielles, à recruter les locateurs puis à suivre l'exécution des travaux. S'il est loisible au maître de l'ouvrage de confier à un tiers la conduite d'opération, il ne commet pas de faute en l'exerçant lui-même et le mode d'exercice de cette fonction ne peut conduire son titulaire à prendre part à la conception, à la surveillance ou à la réalisation des travaux. Il s'ensuit que la commune d'Annecy n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en assurant elle-même la conduite de l'opération. Il résulte, en outre, de l'instruction qu'elle n'a pas imposé aux constructeurs le choix du revêtement et qu'elle a passé commande de la fourniture de pierres calcaires sans que le maître d'œuvre l'ait éclairée sur les inconvénients liés à l'emploi de ce matériau sur des emprises à forte déclivité. Il s'ensuit que le maître de l'ouvrage n'a pas, dans l'exercice de ses fonctions de conducteur d'opération, commis de faute de nature à exonérer la société Eranthis de tout ou partie de sa responsabilité.

15. En second lieu, s'il est constant que la commune a utilisé un produit de déverglaçage dénommé Bio Ice, présenté comme agressif pour les revêtements de pierre, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel produit ait pu provoquer ou aggraver le phénomène de glissance. Dans ces conditions, la commune d'Annecy, dans l'exercice de ses fonctions d'entretien de l'ouvrage, n'a pas davantage commis de faute exonératoire de la garantie décennale due par la société Eranthis.

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices subis :

16. Le tribunal administratif de Grenoble a indemnisé à hauteur de 900 501,04 euros TTC les travaux de reprise, de 107 700 euros TTC les mesures de sécurisation provisoire, de 17 565 euros TTC les frais d'ingénierie permettant de définir les mesures de sécurisation et de reprise, de 2 487 euros TTC les travaux confiés à la société Ceccon frères BTP, de 40 656 euros TTC les frais du sapiteur et de 16 193,60 euros TTC les frais d'avocat engagés par la commune durant l'expertise. Les sociétés requérantes contestent uniquement l'allocation de frais au titre des travaux de reprise, des mesures de sécurisation provisoire et des frais d'avocat.

17. En premier lieu, si l'expert judiciaire relève, en ce qui concerne les réponses à ses missions n° 3 et 6, que la nécessité de procéder à une réfection complète de la place peut être regardée comme résultant à part égale de la dégradation du revêtement et de sa glissance anormale, il indique par ailleurs, en ce qui concerne la réponse à la mission n° 5, que le caractère anormalement glissant de la place nécessite le remplacement du calcaire par du granit, matériau présentant une adhérence supérieure, sans limiter ce remplacement à une partie des emprises d'ailleurs ouvertes en totalité au public. Il résulte, en outre, du plan de localisation des chutes signalées à la commune d'Annecy que les accidents se sont produits sur tout le site. Enfin, la circonstance que les mesures de sécurisation provisoire n'ont concerné qu'un cheminement de plaques antidérapantes ne saurait permettre de limiter la reprise des désordres à ces 420 m² d'emprises. Il suit de là que les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a liquidé l'indemnité de 900 501,04 euros TTC due à la commune d'Annecy en fonction de la superficie totale du site, de 3 500 m2.

18. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et, notamment, du rapport de l'expertise judiciaire, que les travaux de reprise, qui consistent à substituer du granit à du calcaire, sont nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination, l'avant-projet ayant envisagé l'emploi de ce matériau. Dans ces conditions, les travaux indemnisés par le tribunal ne sont pas à l'origine d'une amélioration de l'ouvrage à déduire de la condamnation de la société Eranthis.

19. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'ouvrage qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la TVA, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations. Il résulte des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts que les collectivités territoriales ne sont pas assujetties à la TVA pour l'activité de leurs services administratifs. Si, en vertu des dispositions de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, le fonds de compensation pour la TVA vise à compenser la taxe acquittée par les collectivités territoriales, notamment, sur leurs dépenses d'investissement, il ne modifie pas le régime fiscal des opérations de ces collectivités. Ainsi, ces dernières dispositions ne font pas obstacle à ce que la TVA grevant les travaux de réfection d'un immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due par la société Eranthis à la commune d'Annecy, maître d'ouvrage, alors même que celle-ci peut bénéficier de sommes issues de ce fonds pour cette catégorie de dépenses. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître lesdites dispositions que le tribunal a exprimé TTC la condamnation qu'il a prononcée.

20. En troisième lieu, lorsque le maître d'ouvrage a réalisé les travaux à une date postérieure à la remise du rapport d'expertise, il n'est en droit de demander une actualisation du coût évalué par l'expert que s'il établit avoir été dans l'impossibilité matérielle ou financière d'effectuer ces travaux dans les semaines ayant suivi le dépôt du rapport. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les travaux de sécurisation provisoire ont été évalués, à la date de remise de ce rapport, le 23 octobre 2017, à la somme de 76 473,56 euros HT soit 91 744,27 TTC. Si la commune d'Annecy se prévaut de l'acte d'engagement conclu avec la société Multitech Partner, le 27 septembre 2018, pour un montant de 107 700 euros TTC, elle ne conteste pas que le surcoût constaté résulte du délai de près d'un an employé à la passation de la commande et n'apporte aucun élément de nature à justifier un tel délai. Dans ces conditions, le montant de l'indemnité allouée à ce titre doit être limité à la somme de 91 744,27 euros TTC retenue par l'expert et la somme allouée de ce chef par le tribunal, réduite de 15 955,73 euros TTC.

21. En dernier lieu, les frais d'avocat engagés par la commune d'Annecy au titre des opérations de l'expertise ordonnée par le juge des référés relèvent des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et doivent ainsi être intégralement pris en compte dans la somme allouée au titre de ces dispositions, dont la commune n'a pas relevé appel. Dans ces conditions, la société Eranthis est fondée à demander que la somme de 16 193,60 euros TTC allouée de ce chef par le tribunal soit déduite de la condamnation prononcée au profit de la commune d'Annecy.

Sur l'appel incident de la commune nouvelle d'Annecy :

22. Par leurs requêtes, les sociétés Eranthis et Sitétudes se sont limitées à demander la réformation du jugement attaqué, pour la première, en tant qu'il l'a condamnée à verser à la commune d'Annecy la somme de 1 085 102,64 euros en indemnisation de la glissance de la place du château, et, pour la seconde, en tant qu'il l'a condamnée à garantir la première de la condamnation prononcée à son encontre. Par suite, les conclusions présentées par la commune nouvelle d'Annecy tendant à contester ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation du délitement du revêtement relèvent d'un litige distinct. Présentées au-delà du délai d'appel, elles sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions de la commune d'Annecy tendant au versement des frais de constat d'huissier et de reprographie de ce constat, lesquels sont afférents au désordre résultant de la dégradation des pierres, doivent également être rejetées.

23. En deuxième lieu, la commune d'Annecy demande la condamnation des sociétés requérantes à lui verser la somme de 75 041,75 euros HT, soit 90 050,10 euros TTC, à raison du marché de maîtrise d'œuvre conclu pour la réalisation des travaux de reprise. Toutefois, la commune ne produit aucun élément de nature à établir la réalité du préjudice qu'elle invoque. Elle n'est, par suite, pas fondée à demander que ces sociétés soient condamnées à lui verser la somme de 90 050,10 euros TTC.

24. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que l'expertise amiable remise le 12 novembre 2013, qui démontre le caractère anormalement glissant de la place et la nécessité d'une poursuite des investigations sur l'origine et la réparation de ces désordres, a été utile à la solution du présent litige. Dans ces conditions, les conclusions de la commune d'Annecy tendant au remboursement des frais occasionnés par une telle expertise doivent être admises, à hauteur de leur montant afférent à cette expertise et appuyé d'une facture de 1 895,66 euros TTC.

25. Il résulte de ce qui précède qu'après déduction des sommes 15 955,73 euros TTC et de 16 193,60 euros TTC et intégration de la somme de 1 895,66 euros TTC, le montant du préjudice indemnisable doit être ramené de la somme de 1 085 102,64 euros TTC à celle de 1 054 848,97 euros TTC. Par suite, la société Eranthis est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé une condamnation excédant ladite somme. Par les mêmes motifs, la condamnation prononcée au bénéfice de la commune nouvelle d'Annecy doit être ramenée à 1 054 848,97 euros TTC.

Sur les conclusions de la société Sitétudes tendant à réduire le montant de sa condamnation en garantie :

26. Il résulte de l'instruction que la société Sitétudes était, au sein du groupement de maîtrise d'œuvre, en charge de la détermination du matériau du revêtement de la place du château et a proposé à la commune d'Annecy une solution optionnelle consistant à retenir la pierre calcaire, sans attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur les inconvénients liés à un tel choix. Eu égard à la part prépondérante ainsi assumée par la société Sitétudes dans le choix du matériau du revêtement, il y a lieu de maintenir la condamnation de cette société à garantir la société Eranthis à hauteur de 90% de la condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière. La société Sitétudes, pour réduire sa propre part de responsabilité, ne saurait utilement invoquer la faute de la société Rocamat, laquelle, en sa qualité de fournisseur, s'est bornée à honorer la commande qui lui a été faite et à livrer des pierres exemptes de défauts. Elle ne saurait non plus invoquer la faute de la société Eranthis dont elle ne démontre pas, par ses seules affirmations, qu'elle excéderait la part retenue par le tribunal. Par voie de conséquence, il y a de rejeter les conclusions de la société Sitétudes.

Sur les conclusions de la commune nouvelle d'Annecy tendant à ce que la cour condamne les sociétés Eranthis et Sitétudes à exécuter l'arrêt :

27. Si la commune d'Annecy demande à la cour de condamner les sociétés Eranthis et Sitétudes à exécuter l'arrêt, il lui appartient de mettre en œuvre, le cas échéant, les voies d'exécution auxquelles se réfère la formule exécutoire accompagnant le dispositif. Par suite, les conclusions de la commune d'Annecy ne peuvent, à la date du présent arrêt, qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés Sitétudes, Eranthis et Rocamat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes pour l'essentiel, le versement de la somme que la commune nouvelle d'Annecy demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions des sociétés Sitétudes, Eranthis et Rocamat présentées sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 18007962 du tribunal administratif de Grenoble du 2 mars 2021 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la commune nouvelle d'Annecy tendant à la condamnation des sociétés Eranthis et Sitétudes à lui verser la somme de 90 050,10 euros TTC à raison du marché de maîtrise d'œuvre afférent aux travaux de reprise.

Article 2 : La condamnation de 1 085 102,64 euros TTC prononcée à l'article 1er du jugement n° 18007962 du 2 mars 2021 est ramenée à la somme de 1 054 848,97 euros TTC.

Article 3 : La somme que la société Sitétudes est condamnée à garantir est réduite dans les conditions prévues à l'article 2.

Article 4 : Le dispositif du jugement n° 18007962 du tribunal administratif de Grenoble non annulé par l'article 1er du présent arrêt est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Annecy, à la société Eranthis, à la société Sitétudes et à la société Rocamat.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

Nos 21LY01353, 21LY01436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY01353
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : TACOMA CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-04-06;21ly01353 ?
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