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11/05/2023 | FRANCE | N°22LY01471

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 11 mai 2023, 22LY01471


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 17 mai 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon a rejeté sa demande tendant à son affectation dans les meilleurs délais sur un poste compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire, ou, à défaut, à sa suspension en application de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de l'affecter dans un emploi conforme à son grade et comp

atible avec les obligations de son contrôle judiciaire ou, à défaut, de prononcer sa sus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 17 mai 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon a rejeté sa demande tendant à son affectation dans les meilleurs délais sur un poste compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire, ou, à défaut, à sa suspension en application de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- d'enjoindre sous astreinte à cette autorité de l'affecter dans un emploi conforme à son grade et compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire ou, à défaut, de prononcer sa suspension en application de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.

Par un jugement n° 2105155 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du recteur de l'académie de Lyon du 17 mai 2021, lui a enjoint de procéder à l'affectation de M. B... dans un emploi correspondant à son grade et compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire ou, s'il l'estimait nécessaire, de prendre à son encontre une mesure de suspension de fonctions sur le fondement des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2022, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2105155 du 9 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, dès lors que le contrôle judiciaire dont faisait l'objet M. B..., professeur des écoles régi par les dispositions du décret n° 90-680 du 1er août 1990, lui interdisait l'exercice de ses fonctions d'enseignant, l'administration n'était tenue ni de le reclasser dans un autre emploi, y compris par la voie du détachement ou celle de la mise à disposition, ni de le suspendre en application des dispositions de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- les autres moyens soulevés en première instance doivent être écartés par les moyens soulevés dans les écritures de première instance.

Par un mémoire, enregistré le 22 février 2023, présenté pour M. B..., il conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la requête est irrecevable et que les moyens soulevés par le ministre n sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 décembre 2022 la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023.

Un mémoire, présenté par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, enregistré le 24 avril 2023, après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Mme D..., représentant le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., professeur des écoles de classe normale affecté alors à l'école primaire publique de la Soie située à Décines-Charpieu, été placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas à compter du mois de mars 2020 et jusqu'au 16 décembre 2020, à la suite de son interpellation par les services de la brigade départementale de protection de la famille, puis il a été placé sous contrôle judiciaire comportant notamment l'interdiction d'exercer une activité, même bénévole, en lien avec les mineurs. Par une lettre du 14 mai 2021, M. B..., qui ne percevait plus aucune rémunération depuis le mois de mars 2020, a demandé au recteur de l'académie de Lyon de l'affecter dans les meilleurs délais sur un poste compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire, ou, à défaut, de prononcer sa suspension en application des dispositions de l'article 30 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983. Le recteur a rejeté cette demande par une décision du 17 mai 2021. Le ministre relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du recteur de l'académie de Lyon du 17 mai 2021, lui a enjoint de procéder à l'affectation de M. B... dans un emploi correspondant à son grade et compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire ou, s'il l'estimait nécessaire, de prendre à son encontre une mesure de suspension de fonctions sur le fondement des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par M. B... :

2. Le requête d'appel du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports comporte un exposé des moyens par lesquels il conteste l'annulation par les premiers juges de la décision en litige du 17 mai 2021, et comporte ainsi une critique du jugement attaqué mettant le juge d'appel à même de se prononcer sur les erreurs dont pourrait être entaché ledit jugement. Elle doit donc être regardée comme motivée, contrairement à ce que soutient M. B..., dont la fin de non-recevoir qu'il soulève pour ce motif, doit dès lors être écartée.

Sur la légalité de la décision en litige :

3. Aux termes de l'article 2 du décret du 1er août 1990 susvisé relatif au statut particulier des professeurs des écoles, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " Les professeurs des écoles participent aux actions d'éducation, principalement en assurant un service d'enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires. Dans ce cadre, ils procèdent à une évaluation permanente du travail des élèves et apportent une aide à leur travail personnel. / Ils peuvent également être appelés à exercer leurs fonctions dans les établissements d'enseignement spécialisé, dans les établissements régionaux d'enseignement adapté, dans les écoles régionales du premier degré, dans les sections d'éducation spécialisée des collèges ainsi que dans les établissements de formation des maîtres ".

4. Compte tenu des dispositions statutaires applicables au corps des professeurs des écoles mentionnées au point 3, le recteur de l'académie de Lyon, pour tirer les conséquences qu'emportait la mesure d'interdiction d'exercer une activité, même bénévole, en lien avec les mineurs, prévue par l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire de M. B..., ne pouvait l'affecter à aucune des missions ou activités des professeurs des écoles énumérées à l'article 2 du décret du 1er août 1990 citées au point 3 ni, par suite, lui confier de fonctions d'enseignement que son grade lui donnait vocation à exercer. Il n'était, en outre, ni tenu d'engager une procédure disciplinaire à son encontre et, dans cette attente, de le suspendre en application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, ni tenu de rechercher un poste en détachement compatible avec la mesure d'interdiction prononcée alors, au demeurant, que le détachement n'est pas un droit pour le fonctionnaire qui demande à être placé dans cette position et, en outre, que l'État n'est pas compétent pour décider d'une affectation dans un emploi d'enseignement à distance, au Centre national d'enseignement à distance (CNED) ou dans l'un des groupements d'établissements (GRETA) exerçant une mission de formation continue à destination des adultes mentionnés à l'article L. 423-1 du code de l'éducation. Dès lors c'est à tort que, pour annuler la décision du 17 mai 2021 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon a rejeté la demande de M. B... tendant à son affectation dans les meilleurs délais sur un poste compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire, ou, à défaut, à sa suspension en application de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que ladite décision était entachée d'une erreur de droit.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....

6. En premier lieu, par un arrêté du 14 janvier 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de région Auvergne-Rhône-Alpes du 15 janvier 2021, le recteur de l'académie de Lyon a donné délégation à M. Olivier Curnelle, secrétaire général de l'académie de Lyon, à l'effet de signer tous arrêtés, actes, décisions et correspondances concernant, notamment, la gestion administrative et financière des personnels titulaires enseignants du second degré. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée manque en fait et doit, par suite, être écarté.

7. En deuxième lieu, par la décision en litige, prise suite à une demande de M. B..., qui le maintient dans une situation résultant d'une mesure de contrôle judiciaire faisant obstacle à l'exercice de ses fonctions auprès des mineurs et, par suite, faisant obstacle à sa rémunération en l'absence de service fait, le recteur s'est borné à constater qu'il n'avait pas l'obligation d'affecter M. B... sur un emploi public tant qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'exercer une activité en lien avec les mineurs ni A... le suspendre. Une telle décision, qui ne constitue pas une sanction déguisée, n'est pas entachée de détournement de procédure.

8. En dernier lieu, la décision en litige, qui maintient M. B... dans une situation d'absence de service fait, en conséquence de l'interdiction d'exercice résultant de la mesure de contrôle judiciaire, et par, suite, d'absence de rémunération, ne méconnaît pas le principe de la présomption d'innocence posé au paragraphe 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du recteur de l'académie de Lyon du 17 mai 2021, lui a enjoint de procéder à l'affectation de M. B... dans un emploi correspondant à son grade et compatible avec les obligations de son contrôle judiciaire ou, s'il l'estimait nécessaire, de prendre à son encontre une mesure de suspension de fonctions sur le fondement des dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

10. L'État n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais liés au litige exposés par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2105155 du 9 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 27 avril 2023 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY01471

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01471
Date de la décision : 11/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05 Fonctionnaires et agents publics. - Positions.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : LOPEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-05-11;22ly01471 ?
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