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13/06/2023 | FRANCE | N°21LY03872

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 13 juin 2023, 21LY03872


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 23 août 2018 par laquelle le conseil municipal d'Entremont devenue commune de Glières-Val-De-Borne a classé en zone agricole les parcelles cadastrées section A n° 195, 1047, 1109 et 1146p au lieu-dit Pré aux Dones, les parcelles cadastrées section B n° 818, 1282, 1699 et 1700 au lieu-dit Granges neuves et la parcelle cadastrée n° 62 située au lieu-dit L'Envers.

Par un jugement n° 1806650 du 5 octobre 2021

, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 23 août 2018 par laquelle le conseil municipal d'Entremont devenue commune de Glières-Val-De-Borne a classé en zone agricole les parcelles cadastrées section A n° 195, 1047, 1109 et 1146p au lieu-dit Pré aux Dones, les parcelles cadastrées section B n° 818, 1282, 1699 et 1700 au lieu-dit Granges neuves et la parcelle cadastrée n° 62 située au lieu-dit L'Envers.

Par un jugement n° 1806650 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 décembre 2021 et le 3 octobre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Heinrich, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 octobre 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du 23 août 2018 ;

3°) d'enjoindre à la commune de prendre une nouvelle délibération révisant le classement des parcelles cadastrées section A n° 195, 1047, 1109 et 1146p au lieu-dit Pré-aux-Dones, les parcelles cadastrées section B n° 818, 1282 au lieu-dit Granges neuves et la parcelle cadastrée n° 62 située au lieu-dit L'Envers ;

4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Glières-Val-De-Borne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le classement des parcelles en litige situées au lieu-dit Pré-aux-Dones méconnaît l'obligation de cohérence entre le règlement graphique et le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), en méconnaissance de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme, eu égard tant à sa proximité avec le chef-lieu de la commune et aux objectifs fixés pour ce dernier et ses abords qu'à l'absence de potentiel agricole alors que le PADD ne prévoit de protéger que les espaces ouverts et entretenus par l'activité agricole et pastorale et de stopper la dispersion de l'urbanisation dans les espaces à dominante agricole ; eu égard à leur insertion dans la zone urbanisée, à la proximité avec l'OAP n° 3, qui donnera lieu à un renforcement du réseau d'assainissement du secteur et enclavera totalement les parcelles, et à l'absence de potentiel agricole et d'identification à ce titre dans le rapport de présentation, leur classement en zone A est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que l'aménagement de ces parcelles ne portera pas atteinte à des tènements d'intérêt écologique ni à des zones humides ;

- le classement de la parcelle cadastrée section C n° 62 située au lieu-dit l'Envers est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'elle est desservie par la voirie, l'électricité et l'eau potable, étant relevé que le PADD subordonne l'ouverture à l'urbanisation au niveau d'équipement ;

- le classement des parcelles situées au lieu-dit Les Granges neuves est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, s'agissant d'une dent creuse et son urbanisation s'inscrivant dans les objectifs du PADD, qui permet un confortement modéré des hameaux et groupements de construction en fonction de leur niveau d'équipement et de leurs sensibilités environnementales, agricoles, paysagères et patrimoniales ; que l'urbanisation des parcelles n'étendrait pas le linéaire, étant des dents creuses au sens des critères posés par le rapport de présentation du PLU ; qu'il en est plus particulièrement ainsi de la partie sud-ouest de la parcelle cadastrée section B n° 1700 et de la partie nord de la parcelle n° 1282, étant relevé, pour cette dernière, qu'elle ne présente aucune sensibilité particulière ni potentiel agricole.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2022, la commune de Glières-Val-De-Borne, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient :

- que la requérante a abandonné ses demandes portant sur la parcelle cadastrée B 1699, ayant vendu cette parcelle et n'ayant ni qualité ni intérêt à en contester le classement ;

- que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Rochat pour Mme B... ainsi que celles de Me Frigière pour la commune de Glières-Val-De-Borne.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 13 juin 2016, le conseil municipal de la commune d'Entremont a prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme (PLU). Le 19 octobre 2017, le bilan de la concertation a été tiré et le projet de PLU a été arrêté. Une enquête publique a été organisée du 9 avril 2018 au 11 mai 2018, à l'issue de laquelle le commissaire-enquêteur a rendu son avis. Par délibération du 23 août 2018, le conseil municipal de la commune d'Entremont a approuvé le PLU. Par arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 27 juin 2017 une commune nouvelle dénommée Glières-Val-de-Borne a été créée, en lieu et place des communes d'Entremont et de Petit-Bornand-Les-Glières. Mme B..., propriétaire en indivision de plusieurs parcelles dans différents lieux-dits, demande l'annulation de cette délibération en tant qu'elle les classe en zone A. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 octobre 2021 qui a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 23 août 2018 du conseil municipal de la commune d'Entremont, devenue commune de Glières-Val-De-Borne.

Sur la légalité de la délibération du 23 août 2018 :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

3. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ".

5. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le PADD, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

En ce qui concerne la parcelle cadastrée section A 1146 p :

6. La commune soutient, sans être contestée, que la parcelle A 1146p qui serait située au lieu-dit " Pré aux Dones " n'est pas identifiable sur le cadastre et le plan de zonage du plan local d'urbanisme, et les pièces produites ne permettent pas plus de la localiser. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité du classement en zone agricole de cette parcelle ne peut qu'être rejeté. Toutefois, Mme B... doit être regardée comme se prévalant, dans ses écritures en appel, de l'illégalité du classement en zone A de la parcelle A 1146, située plus au nord des autres parcelles contestées dans ce secteur. Cette dernière parcelle, située dans le secteur du " Pré Aux Dones " et éloignée de l'enveloppe urbaine du cœur du village est toutefois incluse dans une vaste zone agricole et naturelle, dans un secteur identifié par le PLU comme étant d'intérêt écologique et protégé à ce titre et dans une zone d'aléa fort à modéré de débordement torrentiel et d'instabilité de berge du torrent du Borne. Elle est contiguë à des parcelles vierges de toute construction. Dans ces conditions, à supposer ces conclusions recevables puisque présentées pour la première fois en appel, il ne ressort pas des pièces du dossier que son classement serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les parcelles cadastrées section A n° 195, 1047, 1109 situées au lieu-dit " Pré aux Dones " :

7. Si les parcelles cadastrées section A n° 195, 1047, 1109, desservies par un chemin d'accès à l'est, se situent à l'arrière de l'école communale et de la caserne de pompiers et à proximité de la nouvelle voie d'accès à créer dans le cadre de l'opération prévue par l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n°3 et qui prévoit aussi un renforcement du réseau d'assainissement du secteur, elles font toutefois partie d'un vaste espace naturel et agricole vierge de toute construction qui se poursuit au Nord, et sont situées en partie dans un secteur d'intérêt écologique et dans une zone d'aléa d'inondation, à proximité immédiate du torrent du Borne qui les sépare physiquement de l'enveloppe urbaine du chef-lieu, le centre-bourg se trouvant sur la rive opposée de ce torrent. Elles ne peuvent ainsi être regardées comme étant situées dans une enveloppe urbaine. Si elles ne sont pas identifiées ni par le PADD comme espace ouvert et entretenu par l'activité agricole et pastorale, ni par le diagnostic agricole du rapport de présentation, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles seraient dépourvues de tout potentiel agricole ni qu'elles ne participeraient pas à l'équilibre de l'espace agricole auquel elles se rattachent. Leur classement en zone A s'inscrit également dans les objectifs du plan d'aménagement et de développement durables (PADD) tendant à organiser de manière économe et raisonnée le développement de l'urbanisation, en limitant sa dispersion par une définition géographique des enveloppes urbaines à étendre, en modérant la consommation des espaces et en préservant les espaces agricoles et naturels et le paysage rural et les fonctionnalités écologiques. Il n'est pas davantage incohérent avec la volonté du PADD de conforter le chef-lieu et ses abords comme pôle de vie par des opérations structurantes à dominante d'habitats notamment en bordure de la route départementale 12 et du secteur du Pré-aux-Dones, l'OAP n° 3 étant précisément prévue à ce titre dans ce secteur. Dans ces conditions, le classement en zone agricole des parcelles appartenant à la requérante n'est ni entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ni incohérent avec le PADD.

En ce qui concerne les parcelles cadastrées section B n°s 818, 1282 et 1700 situées au lieu-dit " Les Granges Neuves " :

8. Les parcelles cadastrées section B n°s 818, 1282 et 1700, cette dernière étant issue de la division en trois tènements de la parcelle n° 1538, sont desservies par certains réseaux, supportent, pour deux d'entre elles, une construction, et jouxtent, pour certaines, au nord-ouest, la zone UHh. Elles se trouvent toutefois toutes en-dehors de l'enveloppe urbaine définie par le document d'urbanisme, et doivent être regardées comme faisant partie intégrante du vaste espace agricole contigu. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section B n° 1282 et n° 1700 puissent être regardées comme des dents creuses, ni que le rapport de présentation les aurait identifiées comme un des espaces interstitiels, strictement délimités, que les auteurs du PLU entendent seuls ouvrir à l'urbanisation. Le SCOT Fier Aravis a au demeurant classé les parcelles en litige parmi les tènements agricoles dits stratégiques, sans que la requérante ne le conteste sérieusement en défense, et le diagnostic agricole fait en annexe du rapport de présentation du PLU les a identifiées comme espaces agricoles nécessaires à la pérennité de l'agriculture, le PADD du PLU entendant quant à lui limiter l'urbanisation dans les hameaux, contenir l'extension urbaine, notamment linéaire, et sa dispersion, et préserver les terres agricoles. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement en zone A de ces parcelles, ou, à le supposer soulevé, de l'incohérence de ce classement avec le PADD, doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la parcelle cadastrée section C n° 62 au lieu-dit L'Envers :

9. Mme B... soutient que le classement de cette parcelle en zone agricole est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu de retenir les motifs adoptés par les premiers juges pour écarter ce moyen.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que Mme B... demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la commune de Glières-Val-De-Borne, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Glières-Val-De-Borne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

12. En l'absence de dépens exposés au titre de la présente instance, les conclusions de la commune de Glières-Val-De-Borne tendant à la condamnation de l'intimée à lui verser une somme au titre des dépens doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune de Glières-Val-De-Borne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Glières-Val-De-Borne est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Glières-Val-De-Borne.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

Le rapporteur,

F. Bodin-Hullin

La présidente,

M. C...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03872
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-13;21ly03872 ?
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