La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2023 | FRANCE | N°21LY02410

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 19 octobre 2023, 21LY02410


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 3 avril 2018 par laquelle le maire de Valence a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de condamner la commune à lui verser la somme de 71 978 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis à la suite du harcèlement moral dont elle soutient avoir fait l'objet, et, d'autre part, d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2016 par le

maire de Valence.

Par jugements n°s 1801109 et 1803424 du 17 mai 2021, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler la décision du 3 avril 2018 par laquelle le maire de Valence a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de condamner la commune à lui verser la somme de 71 978 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis à la suite du harcèlement moral dont elle soutient avoir fait l'objet, et, d'autre part, d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2016 par le maire de Valence.

Par jugements n°s 1801109 et 1803424 du 17 mai 2021, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédures devant la cour

I. Par une requête enregistrée sous le n° 21LY02410 et des mémoires, enregistrés le 16 juillet 2021, le 8 septembre 2021 et le 15 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Le Foyer de Costil, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801109 et le compte-rendu d'entretien professionnel pour 2016 ;

2°) d'enjoindre au maire de Valence de procéder à un nouvel entretien professionnel pour 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Valence la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande comme tardive, dès lors qu'elle fait état de circonstances particulières, liées à son état de santé, justifiant la prolongation du délai de recours ;

- l'auteur du compte-rendu manquait d'impartialité dès lors qu'il n'a mentionné aucune appréciation positive sur sa manière de servir et comporte des reproches ou pistes d'amélioration sur des matières pour lesquelles la commune n'est pas compétente ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne tient pas compte des conditions d'organisation et de fonctionnement concrètes du service et notamment du manque de moyens matériels et humains.

Par mémoire enregistré le 4 novembre 2021, la commune de Valence, représentée par Me Cottignies, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'est pas motivée ;

- le jugement attaqué est régulier en la forme ;

- la demande est irrecevable pour tardiveté, dès lors qu'elle a été introduite plus d'un an après la notification du compte-rendu à Mme B..., que son placement en congé de maladie ne constitue pas une circonstance particulière de nature à prolonger le délai de recours et que sa saisine de la commission administrative paritaire n'a pu davantage interrompre le délai ;

- l'entretien professionnel a été mené par son supérieur hiérarchique direct ; en tout état de cause, elle n'a été privée d'aucune garantie ;

- la circonstance que sa convocation à l'entretien n'a pas été accompagnée de la fiche de poste ne suffit pas à démontrer qu'elle a été privée d'une garantie ;

- l'auteur du compte-rendu n'a pas fait preuve de partialité ;

- la décision en litige n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors que la requérante a fait preuve d'un manque de diligence en ne répondant que tardivement aux demandes qui lui ont été faites, qu'elle n'a pas été en mesure de mobiliser ses équipes pour effectuer les tâches requises, et qu'elle a fait preuve d'une insuffisance d'autonomie et d'initiative.

II. Par une requête enregistrée le 16 juillet 2021 sous le n° 21LY02414, Mme B..., représentée par Me Le Foyer de Costil, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1803424 et la décision du 3 avril 2018 lui refusant la protection fonctionnelle, et de condamner la commune de Valence à lui verser la somme de 95 225 euros ;

2°) d'enjoindre au maire de Valence de lui octroyer la protection fonctionnelle ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Valence la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée ;

- dès lors qu'elle avait produit des éléments de nature à corroborer qu'il lui avait été reproché d'avoir été recrutée par l'ancienne équipe municipale et qu'elle n'avait pas été conviée aux réunions de service, il appartenait à la commune d'apporter tous éléments de nature à contredire ces éléments ;

- elle produit des éléments factuels de nature à l'établir l'existence d'un harcèlement moral, en indiquant que ses évaluations comportaient un dénigrement de son travail, que le maire a refusé de réviser son évaluation professionnelle pour 2014, en dépit de l'avis de la commission administrative paritaire, que son entretien d'évaluation professionnelle pour l'année 2016 a été effectué par le directeur général adjoint récemment nommé, qu'elle a été rétrogradée, à la faveur de la réorganisation des services de police municipale, dans les fonctions d'adjoint au directeur en charge de la seule veille réglementaire, qu'il a été refusé de lui accorder ses congés d'été à la période demandée, que sa délégation de signature lui a été retirée et qu'un rapport a été établi par son supérieur hiérarchique le 26 mars 2018 aux seules fins de lui nuire ;

- eu égard à ces faits de harcèlement moral, il appartenait à la commune de Valence de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- le préjudice moral, la perte de perspectives de carrière et l'engagement de frais d'avocat justifient le versement des sommes de, respectivement, 25 000 euros, 45 225 euros et 25 000 euros.

Par mémoire enregistré le 18 novembre 2022, la commune de Valence, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est mal dirigée et que la requérante s'était bornée, dans sa réclamation préalable, à demander la condamnation de la commune à lui verser la somme de 10 000 euros ;

- le jugement attaqué est régulier en la forme ;

- aucune des circonstances relevées par l'appelante n'est de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

- l'abrogation de sa délégation de signature n'a été opérée que pour des motifs organisationnels, et une nouvelle délégation est intervenue après un délai limité à six semaines ;

- si le compte-rendu de l'évaluation professionnelle de 2014 a été maintenu, l'avis de la commission administrative paritaire a été suivi dès lors qu'elle s'est bornée à proposer un nouvel entretien par son supérieur hiérarchique ; les insuffisances professionnelles de l'intéressée justifient le maintien de l'évaluation initiale ;

- elle conteste que le directeur général des services et la directrice des ressources humaines aient invité Mme B... à quitter ses fonctions ; les allégations de la requérante ne sont nullement étayées par les pièces qu'elle produit ; au demeurant, une telle circonstance n'est pas constitutive de faits de harcèlement moral ;

- le compte-rendu d'évaluation de 2016 était proche de celui de 2014 rédigé par un autre évaluateur ; si la requérante soutient que des objectifs irréalisables ou même fixés a posteriori lui auraient été assignés, elle ne le démontre pas et ne cite pas même un seul exemple ;

- elle a été informée de son changement de fonctions lors d'un entretien individuel le 6 juillet 2018, intervenu préalablement à la diffusion de l'information auprès des services ; en tant que directrice adjointe, elle était chargée de seconder le nouveau directeur en cours de recrutement et de le remplacer en son absence, fonctions qui correspondent à celles qui sont susceptibles de lui être confiées au regard de son grade ; la réorganisation résulte tant du renforcement du service que des défaillances managériales constatées dans sa manière de servir, ce qui justifiait une redéfinition de ses fonctions ;

- dès lors qu'elle n'assurait plus la direction du service, la commune était tenue de supprimer sa nouvelle bonification indiciaire ; au demeurant, la requérante, qui a bénéficié d'une revalorisation de ses autres primes, n'a subi aucun préjudice financier ;

- l'engagement d'une enquête administrative interne dans un contexte conflictuel où un agent a porté plainte contre son supérieur et a demandé la protection fonctionnelle, ne peut être qualifié de harcèlement moral ; cette enquête a écarté toute suspicion de harcèlement moral ;

- le rapport du 26 mars 2018, s'il est critique sur la manière de servir de l'intéressée, reste conforme aux évaluations antérieures, mesuré dans ses termes et n'est ainsi pas révélateur de faits de harcèlement moral ;

- elle conteste que l'intéressée ait été mise à l'écart ;

- en l'absence de tout fait de harcèlement moral, c'est à juste titre que la commune a pu refuser l'octroi de la protection fonctionnelle ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-1392 du 17 novembre 2006 ;

- le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de M. C...,

- et les observations de Me Masson pour la commune de Valence.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent titulaire du grade de directrice de police municipale depuis le 31 décembre 2013, a été recrutée par la commune de Valence à compter du 17 février 2014 pour exercer les fonctions de directrice de la police municipale. A la suite de l'entretien qui s'est déroulé le 9 février 2017, Mme B... s'est vue notifier, le même jour, le compte-rendu de l'entretien professionnel de l'année 2016. Elle a par la suite demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle aux fins d'engager les procédures judiciaires visant à mettre fin au harcèlement moral qu'elle estimait subir et à obtenir l'indemnisation des préjudices que ce harcèlement lui aurait causés. Elle a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2016 par le maire de Valence, et, d'autre part, d'annuler la décision du 3 avril 2018 par laquelle la même autorité a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, et de condamner la commune de Valence à lui verser la somme de 71 978 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis à la suite du harcèlement moral. Par la requête n° 21LY02410, elle relève appel du jugement du 17 mai 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de son compte-rendu d'entretien professionnel de l'année 2016. Par la requête n° 21LY02414, elle relève appel du jugement du même jour rejetant sa demande d'annulation du refus de protection fonctionnelle et de condamnation de la commune.

2. Les requêtes n°s 21LY02410 et 21LY02414 sont relatives à la situation professionnelle d'un même agent public et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le compte-rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2016 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...) la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président-rapporteur, de l'assesseur le plus ancien et du greffier d'audience. Ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions au motif que l'expédition notifiée aux parties n'était pas revêtue de signatures manuscrites doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 6 du décret du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur des fonctionnaires territoriaux : " Les modalités d'organisation de l'entretien professionnel sont les suivantes : 6° Le compte rendu est versé au dossier du fonctionnaire par l'autorité territoriale et communiqué à l'agent (...) ", tandis qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

5. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

6. Il ressort des pièces du dossier que le compte-rendu de l'entretien professionnel du 9 février 2017 portant sur l'année 2016 ne mentionnait pas les voies et délais de recours, et que la demande de Mme B... tendant à l'annulation de ce compte-rendu n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble que le 22 février 2018, soit au-delà du délai d'un an à compter de la date à laquelle Mme B... en a eu connaissance. Si Mme B... fait valoir qu'elle a été placée en congé de maladie du 28 décembre 2017 au 22 février 2018 en raison de la dégradation de son état de santé provoquée par ses conditions de travail, les arrêts de travail qu'elle produit, dans les termes où ils sont rédigés, ne permettent pas de démontrer que son congé de maladie, qui se limite à une courte durée, ou bien son état de santé l'auraient empêchée d'introduire un recours contentieux dans le délai raisonnable d'un an, ou auraient fait obstacle à ce qu'elle puisse faire appel à un conseil pour introduire sa demande dans ce délai. Dans de telles conditions, à défaut pour Mme B... de démontrer l'existence de circonstances particulières justifiant que sa demande ait été introduite au-delà du délai raisonnable d'un an à compter de la notification de la décision en litige, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que sa demande était tardive et qu'il l'aurait irrégulièrement rejetée comme irrecevable.

Sur la protection fonctionnelle et le harcèlement moral :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

7. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président-rapporteur, de l'assesseur le plus ancien et du greffier d'audience. Ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions au motif que l'expédition notifiée aux parties n'était pas revêtue de signatures manuscrites doit être écarté.

En ce qui concerne la demande d'indemnisation du préjudice résultant de faits de harcélement moral :

8. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

9. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

10. Pour justifier l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral, Mme B... fait état de la sévérité à son égard du compte-rendu d'évaluation professionnelle de l'année 2014 et du refus du maire de Valence de le réviser, de la défiance du maire et des conseillers municipaux à son égard en raison de son recrutement par l'équipe municipale précédente, des conditions du déroulement de son entretien d'évaluation professionnelle pour l'année 2016 par le directeur général adjoint récemment nommé, de son affectation dans les fonctions d'adjointe au directeur en charge de la seule veille réglementaire, de son éviction des réunions, du refus de lui accorder ses congés d'été à la période demandée, du retrait de sa délégation de signature et du rapport établi par son supérieur hiérarchique le 26 mars 2018.

11. Toutefois, il ressort des éléments produits par la commune de Valence et de l'ensemble des autres pièces du dossier que si les comptes-rendus d'évaluation professionnelle de 2014 et 2016 font état des insuffisances relevées dans la manière de servir de l'intéressée, et, notamment, dans l'exercice des responsabilités d'encadrement qui lui étaient confiées, ils n'excédent pas, dans leurs termes et leur contenu, l'exercice normal par l'autorité hiérarchique de ses attributions. Il ressort de ces mêmes pièces que, compte tenu de l'ampleur des insuffisances relevées et de l'absence de progression de Mme B..., le maire de Valence a pu, pour des motifs tirés de l'intérêt du service étrangers à toute volonté de harcèlement, maintenir ces appréciations défavorables en dépit des recours exercés par l'intéressée. La circonstance que l'entretien professionnel pour l'année 2016 a été effectué par le directeur général adjoint récemment affecté dans la collectivité est en soi étrangère aux agissements visés par les dispositions citées au point 8. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient Mme B..., la commune n'a pas refusé de lui accorder des congés au mois d'août 2018. Il ressort en outre des pièces produites tant par la requérante que par la commune, et, notamment des comptes-rendus des auditions de Mme B... et du directeur général des services dans le cadre d'une enquête administrative organisée en mai 2018 à la suite de la demande de protection fonctionnelle formée par la requérante, qu'à l'issue d'une réunion du mois de mai 2015, le directeur général des services a effectivement indiqué à la requérante qu'elle avait perdu la confiance des élus et qu'il l'a invitée à rechercher une mutation dans une autre collectivité. Toutefois, il ressort des mêmes pièces que cette invitation, qui n'était pas fondée sur le recrutement de l'intéressée par le maire précédent, était justifiée par le constat persistant des insuffisances de Mme B... et qu'elle lui a été adressée à titre de conseil sans revêtir le caractère d'une menace ou d'un chantage. En ce qui concerne l'éviction alléguée des réunions, il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des déclarations de l'intéressée lors de son audition par les services de police le 26 janvier 2018 dans le cadre de la plainte qu'elle a déposée contre le directeur général adjoint, ainsi que des échanges de courriels et de SMS produits tant par la commune que par l'intéressée, que, d'une part, son absence aux réunions préparatoires des fêtes de fin d'année au mois de décembre 2017 s'explique par le suivi d'une formation du 4 au 7 décembre puis par une consultation médicale, le 8 décembre 2017, et, d'autre part, que la requérante a été effectivement conviée aux différentes réunions relevant de l'exercice de ses responsabilités, à l'exception d'une seule à laquelle le directeur général adjoint l'a dispensée ponctuellement d'assister dans la mesure où lui-même s'y rendait. En outre, si l'arrêté du 28 avril 2014 portant délégation de signature à Mme B... a été abrogé le 30 mai 2014, la commune soutient, sans être contredite, que cette abrogation a été rendue nécessaire par l'élection du nouveau maire et le départ du directeur général des services qui était visé par l'arrêté et a concerné l'ensemble des délégataires. Une nouvelle délégation de signature portant sur les mêmes matières a été accordée à la requérante dès le 15 juillet 2014.

12. Enfin, si le rapport établi le 26 mars 2018 par le directeur général adjoint sur la manière de servir de Mme B... relève de nombreuses lacunes, telle que le faible niveau d'analyse démontré dans ses fonctions, le contenu insuffisant des travaux remis, l'absence d'implication dans les tâches confiées et les difficultés relationnelles avec ses subordonnés, ce rapport, qui précise les éléments factuels venant au soutien des constats opérés, n'excède pas, dans sa nature et son contenu, l'exercice de l'autorité hiérarchique. S'agissant du changement de fonctions invoqué par la requérante, la commune de Valence fait valoir qu'elle a décidé, au cours de l'année 2017, de réorganiser la police municipale à la suite de la forte croissance de ses effectifs en en confiant la direction à un directeur de police municipale détenant le grade du principalat, assisté de deux adjoints, Mme B..., adjointe chargée du bureau d'ordre, conservant des responsabilités statutairement conformes à l'article 2 du décret du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des directeurs de police municipal. Il ressort, en outre, des pièces produites par la commune et, notamment, du compte-rendu de la réunion du 6 juillet 2018, de même que des observations formulées par la requérante elle-même et par le directeur général des services lors de l'enquête administrative, que Mme B... a été personnellement informée de cette réorganisation dès le 6 juillet 2018, soit deux mois avant son officialisation auprès des agents. Enfin, cette évolution n'a pas eu pour effet d'amoindrir le traitement de la requérante, dès lors que la suppression de la nouvelle bonification indiciaire a été compensée par une revalorisation de son régime indemnitaire.

13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Valence justifie que les agissements invoqués par Mme B... s'inscrivent en réalité dans le cadre de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et ne peuvent être regardés comme constitutifs d'un harcèlement moral.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

14. Au regard de ce qui a été dit aux points précédents, en l'absence d'agissements répétés de harcèlement moral à l'égard de Mme B..., la commune de Valence ne peut être regardée comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à demander l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle aurait été victime.

En ce qui concerne le refus de protection fonctionnelle :

15. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " III.-Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. Le fonctionnaire entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection. La collectivité publique est également tenue de protéger le fonctionnaire qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale ".

16. Par courrier du 31 janvier 2018, reçu le 3 février 2018, Mme B... a demandé au maire de Valence de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison des faits de harcèlement moral qu'elle estimait avoir subis. La commune n'ayant pas répondu à sa demande, cette dernière a été implicitement rejetée le 3 avril 2018. Au regard de l'ensemble des éléments rappelés précédemment, le maire de Valence n'a pas méconnu les dispositions citées au point 15 en estimant que les griefs formulés par Mme B... dans l'exercice de ses fonctions ne pouvaient être qualifiés d'agissements constitutifs de harcèlement moral et en refusant, en conséquence, de lui accorder la protection fonctionnelle qu'elle demandait pour ce motif.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions présentées par Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Valence, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Valence tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Valence.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

M-Th. Pillet

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02410, 21LY02414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02410
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Notation et avancement - Notation.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;21ly02410 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award