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19/10/2023 | FRANCE | N°23LY01236

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 19 octobre 2023, 23LY01236


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour.

Par jugement n° 2103259 du 13 mars 2023, le tribunal a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de l'Ain de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 avril 2023, la préfèt

e de l'Ain demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande.

Elle soutient que :

- l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 novembre 2020 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de l'admettre au séjour.

Par jugement n° 2103259 du 13 mars 2023, le tribunal a annulé cet arrêté et a enjoint à la préfète de l'Ain de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 avril 2023, la préfète de l'Ain demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande.

Elle soutient que :

- l'erreur matérielle sur l'exercice d'une activité professionnelle pour l'appréciation de l'atteinte portée à la vie privée et familiale au titre de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ;

- les moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon ne sont pas fondés.

Par mémoire enregistré le 22 août 2023, Mme A..., représentée par Me Vernet, demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours ou de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- comme l'a estimé le tribunal, le motif de la décision litigieuse est entaché d'erreur matérielle, dès lors qu'elle est titulaire d'un contrat à durée indéterminée à compter du 14 septembre 2020 ; cette erreur a une incidence sur le sens de la décision attaquée, dès lors que l'intégration professionnelle est prise en compte dans l'appréciation de l'atteinte au droit à mener une vie privée et familiale normale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- à titre subsidiaire, la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen particulier, méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard.

- et les observations de Me Lule pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante gambienne née le 1er janvier 1998, est entrée en France le 28 janvier 2017, selon ses déclarations, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 12 mars 2018 et par la cour nationale du droit d'asile le 4 octobre 2019. Le 9 mars 2020, elle a sollicité un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par une décision du 30 novembre 2020, la préfète de l'Ain a rejeté sa demande. La préfète de l'Ain relève appel du jugement du 13 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision et lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée récemment en France, trois ans avant la décision attaquée, qu'elle n'a jamais été admise au séjour à l'exception de la période durant laquelle sa demande d'asile a été examinée, qu'elle est séparée depuis le mois de septembre 2020 du père de sa fille française, née le 12 octobre 2018 à Lille, et que si le père de son enfant a été condamné, par jugement du juge aux affaires familiales de Bourg-en-Bresse du 18 février 2022, à lui verser une pension alimentaire de cent-cinquante euros par mois, l'intéressé, auquel les droits de visite et d'hébergement ont été refusés, n'a conservé avec sa fille aucun lien et ne contribue en aucune façon à l'éducation de l'enfant. Mme A... ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce qu'elle poursuive sa vie privée et familiale avec sa fille dans son pays d'origine, où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Enfin, si la préfète de l'Ain a, en outre, relevé à tort que Mme A... n'exerçait pas d'activité professionnelle, il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision si elle s'était uniquement fondée sur l'entrée récente de l'intéressée en France, sa séparation de son concubin et l'absence de contribution de ce dernier à l'éducation de sa fille. Dans de telles conditions, la préfète de l'Ain, en refusant d'admettre Mme A... au séjour, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels sa décision a été prise. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal a annulé cette décision au motif que ses motifs étaient entachés d'erreur matérielle.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour.

Sur les autres moyens :

5. La décision attaquée se réfère au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique que le père de l'enfant de Mme A..., qui n'a gardé aucun contact avec son enfant et ne lui verse aucun subside, ne contribuait ni à son éducation ni à son entretien, et enfin rappelle que Mme A... est entrée récemment en France, qu'elle a passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine et qu'elle ne dispose d'aucun logement autonome. Dans ces conditions, et alors même qu'elle mentionne à tort que Mme A... n'exerce aucune activité professionnelle, la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée.

6. Il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des pièces du dossier que la préfète de l'Ain n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A... avant de refuser de l'admettre au séjour.

7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger (...) qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".

8. Pour refuser de délivrer à Mme A... le titre de séjour qu'elle sollicitait en qualité de parent d'enfant français, la préfète de l'Ain a considéré que l'intéressée ne remplissait pas les conditions prévues par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où elle ne justifiait pas que le père français contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Si Mme A... produit une attestation établie par le père de l'enfant le 19 juin 2020, cette attestation, qui fait uniquement état de versements mensuels de deux cents euros sur le compte bancaire d'un membre de la famille du père, ne permet pas, dans les termes où elle est rédigée et en l'absence de tout autre justificatif, d'établir que les sommes en cause ont effectivement été remises à l'intimée. Par ailleurs, la circonstance que Mme A... et sa fille sont hébergées par la grand-mère paternelle de l'enfant ne suffit pas à démontrer la contribution du père à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Enfin, il ressort du jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse du 18 février 2022 que le juge a constaté la carence du père dans son rôle de parent et qu'il lui a refusé, en l'absence de toute production de ce dernier à l'instance et de contact avec son enfant, l'attribution des droits de visite et d'hébergement. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant un titre de séjour, la préfète de l'Ain aurait méconnu les dispositions citées au point 7.

9. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ".

10. Si Mme A... se prévaut de la présence du père de son enfant en France, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 8 du présent arrêt, que celui-ci ne contribue ni à l'éducation ni à l'entretien de l'enfant. Dans ces conditions, la préfète de l'Ain n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, en refusant à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour.

11. En dernier lieu, et pour les motifs exposés au point 3 du présent arrêt, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, la préfète de l'Ain a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Ain est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 30 novembre 2020 refusant d'admettre Mme A... au séjour et lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour de l'intéressée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. En conséquence, le jugement n° 2103259 du tribunal administratif de Lyon du 13 mars 2023 doit être annulé. La demande d'annulation présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon à l'encontre de la décision du 30 novembre 2020 doit être rejetée ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement au conseil de Mme A... d'une somme au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103259 du 13 mars 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la préfète de l'Ain et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

M-Th. Pillet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01236


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01236
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-19;23ly01236 ?
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