La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2023 | FRANCE | N°22LY01562

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 20 octobre 2023, 22LY01562


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 24 août 2017 par laquelle le président de l'École normale supérieure (ENS) de Lyon a rejeté sa demande de dispense partielle de l'obligation de rembourser les traitements perçus durant sa scolarité, ensemble la décision du 15 décembre 2017 rejetant son recours gracieux ;

- d'annuler le titre de recettes émis le 3 novembre 2020 la constituant débitrice d'une somme de 37 335,38 euros.

Par jugement n

° 2100493 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision du 24 août 2017 par laquelle le président de l'École normale supérieure (ENS) de Lyon a rejeté sa demande de dispense partielle de l'obligation de rembourser les traitements perçus durant sa scolarité, ensemble la décision du 15 décembre 2017 rejetant son recours gracieux ;

- d'annuler le titre de recettes émis le 3 novembre 2020 la constituant débitrice d'une somme de 37 335,38 euros.

Par jugement n° 2100493 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 mai 2022, régularisée le 4 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Veaute, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 mars 2022 ;

2°) d'annuler les décisions des 24 août et 15 décembre 2017 ainsi que le titre de recettes du 3 novembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'ENS de Lyon une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

- le président de l'ENS de Lyon a entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sa décision portant rejet de sa demande de dispense partielle de l'obligation de remboursement ;

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité des dispositions de l'article 17-1 du décret n° 2012-715 du 7 mai 2012 modifié et de l'arrêté ministériel du 6 juin 2014.

Par mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2022, l'ENS de Lyon, représentée par Skov avocats, agissant par Me Guillaud, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'ENS de Lyon fait valoir, à titre principal que la requête est irrecevable, à titre subsidiaire que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 7 juillet 2023 par ordonnance du 7 juin précédent.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 87-696 du 26 août 1987 relatif à l'Ecole normale supérieure de Fontenay - Saint-Cloud ;

- le décret n° 2012-715 du 7 mai 2012 fixant les règles d'organisation et de fonctionnement de l'École normale supérieure de Lyon ;

- l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 6 juin 2014 fixant les modalités de remboursement des sommes dues par les élèves et anciens élèves des écoles normales supérieures en cas de rupture de l'engagement décennal ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2023 :

- le rapport de M. Gros, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Élève de l'ENS de Lyon du 1er septembre 2010 au 31 août 2015, Mme A..., fonctionnaire stagiaire, a contracté un engagement décennal de servir l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics ou entreprises nationales en contrepartie d'une scolarité rémunérée. La démission qu'elle a présentée a été acceptée, à compter du 1er septembre 2016, par la rectrice de l'académie de Lyon. Mme A... a ensuite sollicité une dispense partielle de l'obligation de rembourser les traitements perçus durant sa scolarité. Par décision du 24 août 2017, confirmée le 15 décembre 2017, le président de l'École normale supérieure (ENS) de Lyon a rejeté sa demande avant d'émettre à son encontre, le 3 novembre 2020, un titre de recettes d'un montant de 37 335,38 euros. Mme A... relève appel du jugement du 23 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces trois actes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 17-1 du décret du 7 mai 2012 susvisé, applicable à la date des décisions contestées : " Les élèves fonctionnaires stagiaires sont tenus d'exercer une activité professionnelle durant dix ans comptés à partir de leur entrée à l'école : 1° Dans les services d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, de leurs collectivités territoriales ou de leurs groupements, ou de leurs établissements publics ; ou 2° Dans une entreprise du secteur public d'un État visé au 1° ; ou 3° Dans les services de l'Union européenne ou d'une organisation internationale gouvernementale ; ou 4° Dans une institution d'enseignement supérieur ou de recherche. / (...) / En cas de méconnaissance de cette obligation, les traitements perçus doivent être remboursés, sous réserve de remise totale ou partielle accordée par le président de l'école, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur ".

3. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 6 juin 2014 : " L'obligation d'exercer une activité professionnelle durant dix ans comptés à partir de l'entrée dans une école normale supérieure (...) s'impose pour chaque élève / Un (...) ancien élève d'une école normale supérieure peut être dégagé de manière anticipée de l'engagement décennal (...) après sa sortie d'une école ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " I. - En cas de rupture définitive de l'engagement décennal, le montant de la somme à rembourser est égal au total des traitements nets perçus par l'élève ou l'ancien élève pendant toute la durée de sa scolarité. Ce total est affecté d'un coefficient tenant compte du temps de service accompli par rapport à la date de rupture de l'engagement décennal / (...) / Les périodes de congé sans traitement n'interviennent pas dans le calcul du temps de service dans un emploi permettant le respect de l'engagement décennal ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même arrêté : " Un élève ou un ancien élève peut présenter, à l'appui d'un dossier, une demande de dispense totale ou partielle de l'obligation de remboursement. Le directeur ou le président de l'école statue sur cette demande après avis du conseil d'administration de l'établissement. ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'engagement décennal souscrit par les élèves des ENS trouve sa contrepartie dans la rémunération qui leur est servie dès leur intégration pour suivre une formation d'enseignement supérieur et que la rupture de l'engagement les expose au remboursement des traitements perçus sans égard à la cause de cette rupture, sauf remise totale ou partielle soumise à la production d'éléments personnels justifiant qu'elle soit prononcée.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., élève normalienne à Lyon de septembre 2010 à août 2015, lauréate du concours de l'agrégation, a rejoint, dès la fin de sa scolarité, la congrégation des sœurs apostoliques de Saint-Jean, dont elle est devenue membre à part entière le 6 mai 2018. Ayant ainsi délibérément renoncé à servir dans l'une des institutions publiques visées par les dispositions citées au point 2 du présent arrêt, Mme A..., qui ne peut pas se prévaloir du service missionnaire qu'elle accomplit depuis septembre 2020 dans une école primaire relevant du diocèse de Conakry, en République de Guinée, doit être regardée comme ayant rompu de manière définitive son engagement décennal. Ensuite, l'impécuniosité dont fait état l'appelante, qui ne perçoit en effet aucun revenu depuis qu'elle a quitté l'ENS, résulte de son choix même d'entrer dans un ordre dont les membres, ayant fait vœu de pauvreté, ne sont pas rémunérés pour les activités qu'ils effectuent. Il s'ensuit qu'en refusant de faire droit, le 24 août 2017, à la demande de dispense partielle de l'obligation de rembourser les traitements perçus durant sa scolarité présentée par Mme A... et en mettant à sa charge, par le titre de recettes du 3 novembre 2020, une somme de 37 335,38 euros, le président de l'ENS de Lyon n'a pas commis l'erreur manifeste d'appréciation que lui impute la requérante.

6. En second lieu, l'appelante estime disproportionnée la durée de dix ans de l'engagement décennal, fixée par les dispositions de l'article 35 du décret n° 87-696 du 26 août 1987 susvisé, reprises à l'article 17-1 précité du décret n° 2012-715 du 7 mai 2012, par rapport à la durée de la formation dispensée à l'ENS, qui est de quatre années. Toutefois, en se bornant à mentionner une " spécificité " de cette formation, par rapport à celle dont bénéficie les élèves d'autres établissements comme l'Ecole nationale d'administration, l'Ecole polytechnique, l'Ecole des mines, Mme A... ne démontre pas que serait disproportionnée la durée de l'engagement décennal de dix ans s'appliquant aux anciens élèves des ENS, durée qui comprend les quatre années de la formation reçue. L'exception d'illégalité invoquée à ce titre doit par conséquent être écartée.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de

non-recevoir tirées de la tardiveté de la demande de première instance et de celle d'appel, et de l'absence de présentation de ces demandes par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet, opposées par l'ENS en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Il résulte de ce qui vient d'être énoncé que les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante une somme à verser à l'ENS de Lyon au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'ENS de Lyon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'École Normale Supérieure de Lyon.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

F. Abdillah

La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY01562


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01562
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-11-005 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Obligations des fonctionnaires. - Engagement de servir l'État.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : VEAUTE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-10-20;22ly01562 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award