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09/11/2023 | FRANCE | N°22LY03637

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 09 novembre 2023, 22LY03637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Le Grand Bazar a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, des majorations correspondantes et de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre de ces deux exercices.

Par un jugement n° 2004442 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa deman

de.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2022, la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Le Grand Bazar a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, des majorations correspondantes et de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre de ces deux exercices.

Par un jugement n° 2004442 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2022, la SARL Le Grand Bazar, représentée par Me Pollard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions, majorations et amende.

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la somme inscrite au crédit du compte courant d'associés n° 455170 au titre de l'exercice clos en 2013 correspond aux sommes que ses associés ont réglé pour son compte, entre le 1er mars et le 1er mai 2012, pour couvrir les frais et charges du début de son activité, compte tenu des difficultés de trésorerie qu'elle rencontrait ; l'existence même de la dette de la société, d'un montant de 51 803 euros, n'est pas remise en cause par l'administration, qui ne conteste pas la réalité des factures correspondantes, leur paiement pour son compte et les immobilisations en découlant ;

- au titre de l'exercice 2014, elle a constaté l'extinction de dettes fournisseurs par la comptabilisation d'apports en compte courant d'associés à hauteur de 133 885 euros, au crédit du compte 455100 ; cette écriture constate un transfert de ses dettes à ses associés, qui se sont substitués à elle dans ses engagements auprès des fournisseurs, en raison de difficultés de trésorerie et ne s'est traduite par aucun enrichissement ; cette dette doit être maintenue au passif ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées dès lors que les sommes en débat ne sont pas imposables et que les erreurs commises, à les supposer avérées, sont le fait du cabinet d'expertise comptable en charge du suivi comptable et fiscal de la société ;

- l'amende pour défaut de désignation des bénéficiaires est dépourvue de cause dès lors que les rectifications constitutives de revenus distribués ne sont pas fondées ; les sommes réputées distribuées sont demeurées investies dans la société et n'ont jamais été appréhendées par les associés ; l'imposition à l'impôt sur les sociétés et entre les mains des associés des sommes portées au crédit des comptes courant d'associés en paiement de dépenses professionnelles non contestées, constitue une double sanction injustifiée ; la procédure de l'article 117 est irrégulière dès lors que l'administration connaissait parfaitement l'identité des associés.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le Grand Bazar, créée le 20 février 2012, et qui a pour associés, à parts égales, Mme B..., M. C... et Mme A..., a pour activité la vente au détail d'articles de prêt-à-porter à Montélimar (Drôme). Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 20 février 2012 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie, selon la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercice clos en 2013 et 2014, assorties de majorations, à raison de sommes non justifiées créditées sur le compte courant unique d'associés ouvert dans ses écritures, et lui a appliqué une amende sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. La SARL Le Grand Bazar relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, des majorations correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.

3. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2013, la SARL Le Grand Bazar a comptabilisé, au crédit de l'unique compte courant des trois associés (n° 455170) une somme totale de 54 959 euros correspondant au règlement de divers achats effectués auprès de ses fournisseurs. Si la SARL Le Grand Bazar fait valoir que ses associés ont réglé ces achats pour son compte, en raison des difficultés de trésorerie qu'elle a rencontrée au début de son activité, elle ne justifie ni de l'insuffisance de trésorerie qu'elle invoque, ni de ce que ses associés ont effectivement procédé, sur leurs fonds propres, au paiement de ces charges. Par suite, elle ne peut être regardée comme justifiant de la dette à l'égard de ses associés qu'elle a inscrite au passif de son bilan.

4. Au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014, la SARL Le Grand Bazar a inscrit au crédit du compte courant des associés (n° 455100) des sommes d'un montant total de 133 885 euros ayant pour contrepartie, dans sa comptabilité, l'extinction de dettes fournisseurs de même montant. Si elle soutient qu'elle ne s'est pas enrichie, dès lors que les créances détenues sur elle par ses fournisseurs ont été transférées à ses associés, elle ne produit aucun justificatif du transfert de créance ainsi allégué, dont il est constant qu'il n'a pas fait l'objet des formalités prévues à l'article 1690 du code civil. Par suite, la SARL Le Grand Bazar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle avait constaté un abandon de créance à l'égard de ses fournisseurs, ayant augmenté à due proportion son actif net.

Sur les majorations :

5. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

6. Pour justifier de l'application de la pénalité prévue par ces dispositions, l'administration fait valoir que la comptabilité comportait de nombreuses irrégularités, que la SARL Le Grand Bazar ne pouvait ignorer avoir constaté, sans être en mesure d'en justifier, le règlement et l'extinction de dettes fournisseurs et que le montant des passifs injustifiés était important au titre des deux exercices vérifiés. Par ces éléments, et alors que la société requérante ne peut utilement se prévaloir d'erreurs commises par son expert-comptable, l'administration établit, ainsi qu'il lui incombe, l'intention délibérée de la SARL Le Grand Bazar d'éluder l'impôt.

Sur l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

7. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ". Selon l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ".

8. Il résulte de l'instruction qu'après avoir procédé à la réintégration, dans les résultats imposables de la société, du passif non justifié comptabilisé au crédit du compte courant de ses associés, l'administration a, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, demandé à la SARL Le Grand Bazar, dans la proposition de rectification du 29 janvier 2016, de désigner les bénéficiaires des sommes inscrites au crédit de ce compte courant, réputées distribuées au sens de l'article 109-1 1° du code général des impôts. A défaut de réponse dans le délai de trente jours qui lui était imparti, la société s'est vu appliquer l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts.

9. En premier lieu, l'inscription non justifiée de sommes au crédit du compte courant d'associés de la société se traduit pas une distribution. Il en résulte que la SARL Le Grand Bazar n'est fondée à soutenir ni que les sommes en cause sont demeurées investies dans la société, ni qu'elles n'ont pas été mises à la disposition de ses associés.

10. En deuxième lieu, l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ayant pour seul objet de sanctionner le défaut de réponse à une demande de désignation des bénéficiaires de revenus distribués, la SARL Le Grand Bazar ne peut utilement invoquer l'existence d'une double imposition des sommes, au niveau de la société en tant qu'elles ont été réintégrées dans ses résultats imposables, et entre les mains des associés en tant que revenus distribués.

11. En dernier lieu, la circonstance que l'administration connaissait l'identité des associés bénéficiaires des sommes réputées distribuées n'est pas de nature à faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts et, à défaut de réponse de la société distributrice, à la mise en recouvrement de l'amende. Au demeurant, en l'espèce, et en présence d'un compte courant d'associés unique, l'administration ignorait la répartition des sommes distribuées entre les trois associés au nom desquels ce compte courant était ouvert.

12. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a appliqué à la SARL Le Grand Bazar l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL Le Grand Bazar n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Le Grand Bazar est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Grand Bazar.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 novembre 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03637
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET LELONG et POLLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-11-09;22ly03637 ?
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