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15/02/2024 | FRANCE | N°23LY01271

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 15 février 2024, 23LY01271


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure

Mme A... Diot a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 14 mars 2022 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et la décision implicite par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon a rejeté implicitement son recours.



Par une ordonnance n° 2202704 du 9 février 2023, la présidente du tribunal a r

ejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire enregistrés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... Diot a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 14 mars 2022 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et la décision implicite par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon a rejeté implicitement son recours.

Par une ordonnance n° 2202704 du 9 février 2023, la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 avril 2023 et le 24 janvier 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme Diot, représentée par Me Grellet, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance et les décisions susmentionnées ;

2°) d'enjoindre au service pénitentiaire d'insertion et de probation de l'Allier de reconnaître comme imputable au service son arrêt de travail du 5 mai 2021 et ses prolongations avec toutes les conséquences de droit en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par jours de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que sa requête a été rejetée comme irrecevable pour tardiveté et reprend les moyens développés en première instance.

Par un mémoire enregistré le 5 juin 2023, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 5 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 février 2024, présentée pour Mme Diot.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Diot, secrétaire administrative, est affectée au service pénitentiaire d'insertion et de probation de l'Allier depuis mars 2019. Du 5 mai 2021 au 28 février 2022, elle a été en arrêt maladie. Après un avis défavorable de la commission de réforme, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon a, par décision du 14 mars 2022, déclaré l'arrêt maladie non imputable au service. Mme Diot relève appel de l'ordonnance par laquelle la présidente du tribunal administratif de Clermont Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que celle rejetant implicitement son recours administratif du 17 mai 2022 et dont elle avait sollicité la communication des motifs le 19 septembre 2022.

Sur la régularité de l'ordonnance :

2. Mme Diot soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que les conclusions tendant à l'annulation des décisions contestées étaient tardives et, par suite, irrecevables.

3. Aux termes de l'article L. 411-2 du code de justice administrative : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 de ce code : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...). ".

4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". L'article L. 211-5 du même code précise que : " la motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " La décision rejetant un recours administratif dirigé contre une décision soumise à obligation de motivation en application des articles L. 211-2 et L. 211-3 est motivée lorsque cette obligation n'a pas été satisfaite au stade de la décision initiale. La décision faisant droit à un recours administratif est motivée si elle entre, par elle-même, dans le champ des décisions individuelles visées aux articles L. 211-2 et L. 211-3. ". Aux termes de son article L. 232-4 : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

5. Il n'apparaît pas que la décision initiale du 14 mars 2022 déclarant l'arrêt maladie non imputable au service qui, bien que soumise à l'obligation de motivation en vertu du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, se borne à indiquer que la commission de réforme départementale de l'Allier, réunie le 4 mars 2022 a émis un avis sur l'imputabilité au service de l'accident du 4 mai 2021 et que, compte-tenu de cet avis, qui n'était pas joint, de l'ensemble des pièces du dossier et des circonstances de l'accident, aucune suite favorable ne peut être donnée à la demande d'imputabilité au service de l'accident, mais sans au moins préciser le sens de la proposition émise par la commission, serait motivée.

6. Par un courrier du 17 mai 2022, reçu le 20 mai 2022, Mme Diot a formé un recours gracieux auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires de Lyon, implicitement rejeté le 20 juillet 2022. Bien qu'en principe soumis à l'obligation de motivation faute pour la décision initiale d'être elle-même motivée, un tel rejet, dès lors qu'il est implicite, n'est cependant pas illégal du seul fait qu'il n'est pas motivé. En demandant à l'administration, par un courrier adressé dans le délai de recours contentieux et reçu le 20 septembre 2022, la communication des motifs de cette décision implicite, Mme Diot a prorogé ce délai qui, en l'absence de toute communication de ces motifs, n'était toujours pas expiré à la date à laquelle l'intéressée a saisi le tribunal, soit le 19 décembre 2022. Elle est dès lors fondée à soutenir que, pour avoir jugé tardive sa demande, l'ordonnance attaquée, qui est entachée d'irrégularité, doit être annulée.

7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme Diot devant le tribunal.

Sur la légalité de la décision du 14 mars 2022 et du rejet implicite du recours administratif :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

8. Comme il a été vu précédemment, et ainsi que le soutient Mme Diot, la décision du 14 mars 2022, qui n'est pas motivée, est entachée d'irrégularité.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués par Mme Diot, que cette dernière est fondée à demander l'annulation de la décision du 14 mars 2022 et, par voie de conséquence, de la décision implicite rejetant son recours.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

10. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas de faire droit à la demande de Mme Diot tendant à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de reconnaître comme étant imputable au service la maladie dont elle est affectée, mais seulement de réexaminer sa demande, dans un délai de deux mois.

En ce qui concerne les frais non compris dans les dépens :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros que Mme Diot demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 9 février 2023 de la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la décision du 14 mars 2022 ainsi que le rejet implicite du recours administratif sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer la demande de Mme Diot dans un délai de deux mois.

Article 3 : Le garde des sceaux, ministre de la justice versera la somme de 2 000 euros à Mme Diot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la demande de Mme Diot est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... Diot et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY01271 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01271
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP VOLAT - GARD - RECOULES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23ly01271 ?
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