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15/02/2024 | FRANCE | N°23LY02263

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 15 février 2024, 23LY02263


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.



Par un jugement n° 2203332 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, M. B...,

représenté par Me Berdugo, demande à la cour :



1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2203332 du 8 juin 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Berdugo, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de fait sur la situation de ses deux premiers enfants ;

- elle méconnaît les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire, enregistré le 6 décembre 2023, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure,

- et les observations de Me D'Ovidio, représentant le préfet de l'Yonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Selon ses déclarations, M. B..., ressortissant de nationalité ivoirienne né le 25 avril 1980, est entré régulièrement en France le 26 mars 2018, muni de son passeport ivoirien revêtu d'un visa C valable quatre-vingt-dix jours, accompagné de ses deux enfants mineurs. Le 24 août 2020, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'une enfant française. Par un arrêté du 21 novembre 2022, le préfet de l'Yonne a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 8 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français contenues dans cet arrêt.

Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 août 2023. Dans ces conditions, sa demande tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire est devenue sans objet.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision de refus de séjour, du défaut d'examen particulier du dossier de M. B... et de l'erreur de fait entachant cette décision quant au lieu de résidence de ses deux premiers enfants, que le requérant a invoqués en première instance et qui ne sont assortis d'aucun élément nouveau en appel, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 à 4 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) ".

5. Si la décision de refus de titre de séjour mentionne que M. B... " n'a pas produit de visa valable pour la France métropolitaine pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois conformément à l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", il ressort tant des termes de cette décision que des pièces du dossier que le préfet de l'Yonne ne s'est pas fondé sur cette circonstance pour refuser d'admettre M. B... au séjour en qualité de parent d'enfant français, mais sur le fait qu'il ne justifie pas participer effectivement à l'entretien et l'éducation de sa fille. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit, en ce que la délivrance d'un tel titre n'est pas subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour, doit être écarté.

6. Il est constant que s'il est le père de l'enfant Eden B... A..., née le 27 janvier 2020, de nationalité française, qui vit avec sa mère, Mme A..., à Etampes (Essonne), M. B..., qui est séparé de cette dernière, réside chez sa sœur à Auxerre (Yonne). S'il justifie avoir versé 300 euros au cours de l'année 2020, 600 euros au cours de l'année 2021 et 200 euros par mois depuis le début de l'année 2022 pour l'entretien de sa fille, il ne ressort pas de la seule attestation établie le 9 décembre 2022 par un de ses proches, faisant état de rencontres avec l'enfant, et qui d'ailleurs n'est pas corroborée par celles émanant de sa sœur et de la mère de l'enfant, qui se bornent à faire état, en des termes convenus et non circonstanciés, d'échanges entre le père et la mère et de la participation de M. B... au " bien-être " de l'enfant, qu'il serait présent dans la vie de sa fille. Dans ces conditions, M. B... ne peut être regardé comme participant de manière effective à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, le préfet de l'Yonne n'a pas méconnu les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 10 et 11 du jugement attaqué.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France avec ses deux premiers enfants, nés en 2003 et 2009, avec lesquels il réside chez sa sœur de nationalité française, qui les prend en charge financièrement, de la scolarisation de ses enfants en France ainsi que de la naissance de sa fille, de nationalité française, le 27 janvier 2020. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... vit sur le territoire national depuis moins de cinq ans à la date de la décision en litige, qu'il est séparé de Mme A..., ressortissante française et mère de sa dernière fille, avec laquelle il ne vit pas et à l'entretien et l'éducation de laquelle il n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, participer effectivement. M. B... ne fait, dès lors, état d'aucun obstacle à ce que la cellule familiale qu'il forme avec ses deux enfants ainés, dont l'un est devenu majeur, se reconstitue en Côte d'Ivoire, pays dont ils ont tous la nationalité, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans et où réside son épouse, mère des deux enfants, qui pourront y poursuivre leur scolarité. M. B... ne justifie, par ailleurs, d'aucune intégration particulière en France. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision de refus de séjour contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. La décision portant refus de séjour n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de séparer les deux premiers enfants de M. B... de leur père, la cellule familiale pouvant se reconstituer, ainsi qu'il vient d'être dit, en Côte d'Ivoire, où réside la mère de ces enfants et où ils pourront poursuivre leur scolarité, qu'ils ont d'ailleurs débutée dans ce pays. Si M. B... est également père d'une enfant de nationalité française, il n'établit pas contribuer effectivement à son entretien et son éducation depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 11 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. B..., doivent être écartés.

14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles tendant à l'allocation de frais liés au litige.

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des frais liés au litige exposés par l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Les conclusions du préfet de l'Yonne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2024.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02263


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02263
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI & BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23ly02263 ?
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