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21/03/2024 | FRANCE | N°23LY00127

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 21 mars 2024, 23LY00127


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 décembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2203077 du 16 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour


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1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 décembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203077 du 16 juin 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 janvier 2023, Mme B... épouse C..., représentée par Me Robin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et ces décisions du 22 décembre 2021 ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur de fait ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire dans un délai de quatre-vingt-dix jours est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

La préfète du Rhône à laquelle la requête a été communiquée n'a pas présenté d'observations.

Mme B... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseur ;

- et les observations de Me Beligon, pour Mme B... épouse C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse C..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 31 janvier 1994, est entrée en France le 1er janvier 2018 sous couvert d'un titre de séjour italien. Elle a sollicité le 16 août 2021 un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme B... épouse C... relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 22 décembre 2021 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Mme B... épouse C... est arrivée en France, selon ses déclarations le 1er janvier 2018, soit près de quatre ans avant les décisions en litige. Elle a fait la connaissance au cours de l'année 2018 d'un compatriote, titulaire d'une carte de résident, valable jusqu'au 10 décembre 2028. Le couple, qui s'est marié le 6 mars 2021 et a donné naissance à deux enfants nés les 17 décembre 2019 et 18 juillet 2021, résidait à la même adresse depuis au moins le mois d'octobre 2018, soit depuis plus de trois ans à la date de la décision en litige. Le conjoint de la requérante est père d'un enfant français, né en 2015, sur lequel il exerce conjointement l'autorité parentale et qu'il accueille tous les week-ends ainsi que pendant les vacances scolaires. Il est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de magasinier. Dans ces circonstances, et alors même que Mme B... épouse C... peut bénéficier du regroupement familial, le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ils ont été pris. Ils ont ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, Mme B... épouse C... est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de destination.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... épouse C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 22 décembre 2021 du préfet du Rhône.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". L'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

6. Eu égard au motif d'annulation, le présent arrêt implique nécessairement que la préfète du Rhône délivre à Mme B... épouse C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a donc lieu d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un tel titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, en la munissant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme B... épouse C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Robin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au profit de cet avocat au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2203077 du 16 juin 2022 du tribunal administratif de Lyon et les décisions du 22 décembre 2021 du préfet du Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer à Mme B... épouse C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Robin la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la contribution de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY00127

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00127
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23ly00127 ?
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