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21/03/2024 | FRANCE | N°23LY01657

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 21 mars 2024, 23LY01657


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2209210 du 3 février 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédur

e devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 mai et 22 décembre 2023, Mme E... C..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2209210 du 3 février 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 mai et 22 décembre 2023, Mme E... C..., représentée par Me Robin, demande à la cour :

1°) avant dire droit, d'ordonner la communication de l'entier dossier de l'OFII, notamment la communication des trois rapports établis dans son dossier, ainsi que la documentation ayant permis de conclure à la disponibilité de sa prise en charge médicale dans son pays d'origine ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cet arrêté du 5 octobre 2022 ;

4°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du tribunal administratif de Lyon dans le cadre de la procédure n° 2205590 ;

5°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal administratif a omis de statuer sur ses demandes d'attraire l'OFII en tant qu'observateur et de communication de l'entier dossier de l'OFII, notamment des éléments lui ayant permis de conclure à la disponibilité de sa prise en charge médicale dans son pays d'origine, ainsi que sur le moyen tiré de l'erreur de fait ;

En ce qui concerne la décision de retrait de carte de séjour :

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence d'une procédure contradictoire préalable ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que la préfète s'est estimée en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que la préfète s'est estimée en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée de défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2023, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les conclusions contre une décision de retrait de carte de séjour sont irrecevables ;

- elle aurait pris la même décision de refus de titre de séjour si elle ne s'était pas fondée sur les motifs tirés de l'absence de logement autonome et de la présentation de seulement une promesse d'embauche ;

- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 janvier 2024.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Porée, premier conseiller,

- et les observations de Me Beligon substituant Me Robin, représentant Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante de République démocratique du Congo née le 13 mars 1976, est entrée sur le territoire français le 10 mai 2019, selon ses déclarations, avec deux de ses enfants, F... née le 18 juillet 2009 et A... né le 9 décembre 2010. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 mai 2021 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 18 octobre 2021. Elle a demandé auprès de la préfecture de l'Ain une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé. Par un arrêté du 5 octobre 2022, la préfète de l'Ain a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 3 février 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué et la décision de refus d'admission au séjour :

2. Si Mme C... a demandé au tribunal administratif que soit ordonnée la communication de l'entier dossier de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le premier juge n'avait pas à se prononcer sur une mesure qui relève de son seul pouvoir. Il n'avait pas davantage à se prononcer dans son jugement sur la demande de Mme C... d'enjoindre à l'OFII de communiquer son entier dossier, notamment les éléments lui ayant permis de conclure à la disponibilité de sa prise en charge médicale dans son pays d'origine, qui est une mesure d'instruction relevant du seul office du juge.

3. Il résulte toutefois du dossier de première instance que Mme C... a soutenu que la décision de refus de titre de séjour était entachée d'erreurs de fait en ce qu'elle a retenu à tort qu'elle ne produisait qu'une promesse d'embauche et qu'elle ne disposait pas d'un logement autonome. Le tribunal administratif n'a pas répondu à ce moyen. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que le jugement attaqué, est, pour ce motif, irrégulier. Il y a lieu de l'annuler en tant qu'il statue sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour.

4. Il y a donc lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de Mme C... tendant à l'annulation du refus d'admission au séjour.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été munie de récépissés de demande de carte de séjour à la suite des avis du collège des médecins de l'OFII des 17 décembre 2020 et 10 mars 2022 estimant que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'elle ne pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, et que les soins devaient être poursuivis respectivement pendant des durées de six mois et trois mois. La requérante n'ayant jamais bénéficié d'une carte de séjour n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus d'admission au séjour du 5 octobre 2022 attaquée porterait retrait d'une décision de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les moyens dirigés contre une décision de retrait ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'OFII a rendu un avis le 19 septembre 2022. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

7. En troisième lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Les erreurs de fait pouvant entacher cette décision sont sans incidence sur sa motivation. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

8. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la décision en litige, que la préfète de l'Ain s'est estimée en situation de compétence liée par l'avis rendu le 19 septembre 2022 par le collège des médecins de l'OFII.

9. En cinquième lieu, Mme C... ne démontre pas avoir soumis à la préfète de l'Ain ses contrats à durée déterminée conclus avec le centre hospitalier public de Hauteville-Lompnes dont elle n'a obtenu des exemplaires que les 28 juillet et 29 septembre 2022, alors qu'elle a déposé sa demande de renouvellement de titre de séjour le 10 juin 2022. La circonstance que la décision attaquée a retenu que la requérante ne disposait pas d'un logement autonome ne suffit pas à elle-seule à démontrer un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de Mme C.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de la requérante doit être écarté.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. (...). "

11. Lorsque le défaut de prise en charge invoqué par le demandeur risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

12. Pour refuser d'admettre Mme C... au séjour, la préfète de l'Ain s'est appuyée sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 septembre 2022 indiquant que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque. La requérante est atteinte d'un diabète de type 1 non équilibré, d'hypertension artérielle, d'une rétinopathie diabétique ainsi que d'une maladie rénale chronique de stade 1. Toutefois, il ressort du répertoire des produits pharmaceutiques enregistrés et autorisés par la direction de la pharmacie et du médicament de la République démocratique du Congo que Mme C... peut bénéficier dans son pays d'origine des médicaments Novorapid et Coversyl qui lui sont prescrits en France, ainsi que de différents médicaments à base d'insuline, et le certificat médical établi le 25 octobre 2022 par un endocrinologue exerçant en France n'est pas suffisamment probant eu égard à ces données. La requérante ne démontre pas qu'elle devrait bénéficier d'un autre traitement. De plus, ce certificat établi par un médecin exerçant en France, et eu égard au caractère stéréotypé de ses termes, ne permet pas à lui-seul de démontrer que la requérante ne pourrait pas bénéficier en République démocratique du Congo de suivis par un médecin généraliste, un endocrinologue, un néphrologue et un ophtalmologue, ni de la possibilité de faire des prises de sang. En outre, s'il ressort du rapport Medcoi de décembre 2020 que " La variation de la disponibilité des stocks dans les établissements de santé ruraux par rapport aux établissements urbains est significative ; 77 % des établissements de santé dans les zones urbaines étaient équipés pour fournir des services de diabète, contre 40 % des établissements de santé dans les zones rurales. La plupart des services spécialisés sont fournis dans les hôpitaux universitaires situés dans les zones urbaines. ", il résulte de la carte d'électrice de la requérante, de son passeport et des documents se rapportant à son commerce, qu'elle habitait alors à Kinshasa, la capitale de son pays d'origine. Si Mme C... invoque un document de l'association Médecins sans frontières selon lequel l'insécurité, la faiblesse du système de santé et les contraintes logistiques limitent l'accès aux soins pour les populations, il résulte de ce qui vient d'être retenu qu'elle habitait à Kinshasa et non dans une région soumise à une plus grande instabilité. Si Mme C... se prévaut du coût élevé du traitement, elle ne démontre pas être dans l'incapacité de le prendre en charge financièrement, alors qu'il ressort des passeports que la requérante et son conjoint étaient tous les deux commerçants à Kinshasa, que Mme C... n'apporte aucune explication sur les ressources à justifier ayant permis d'obtenir un visa par les autorités italiennes, et qu'il ressort du rapport médical établi le 20 avril 2007 par un médecin du service de diabétologie de Kinshasa que la requérante y était déjà suivie pour sa maladie. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions, doivent être écartés.

13. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

14. Mme C... ne séjourne en France que depuis environ trois ans et demi, alors qu'elle a vécu quarante-trois années en République démocratique du Congo où elle ne peut être dépourvue de toute attache personnelle. De plus, la requérante ne démontre pas que ses deux enfants F... et A..., qui sont inscrits au collège en classe de 5ème, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en République démocratique du Congo. En outre, la cellule familiale pourra se reconstituer dans ce pays dès lors que le conjoint de Mme C... fait l'objet le même jour d'une obligation de quitter le territoire français. La requérante n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où vivent notamment deux autres de ses enfants, B... et D.... Elle ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française en disposant d'un logement propre depuis la fin du mois d'avril 2022, en ayant travaillé à temps plein un peu plus d'un mois au jour de la décision attaquée en tant qu'agent des services hospitaliers au sein du centre hospitalier de Hauteville-Lompnes, en étant une bénévole appréciée par le Secours Populaire depuis janvier 2022 et en produisant des attestations de personnes faisant état de son intégration. Il résulte du point 12 que Mme C... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme C..., la préfète de l'Ain n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle et familiale de la requérante, ne peuvent qu'être écartés.

15. Enfin, si la préfète de l'Ain s'est fondée sur des éléments inexacts en retenant que la requérante ne possédait qu'une promesse d'embauche et qu'elle ne disposait pas d'un logement autonome, il résulte de l'instruction qu'elle aurait porté la même appréciation au titre de la vie privée et familiale de l'intéressée si elle ne s'était pas fondée sur ces éléments.

Sur la légalité des autres décisions :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours.

17. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté attaqué, que la préfète de l'Ain a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme C... avant de prendre la décision en litige. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation personnelle de la requérante doit être écarté.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

19. Il résulte du point 12 que Mme C... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyens tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

20. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 14 et 15 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours sur la situation personnelle et familiale de Mme C..., doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

21. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

22. En deuxième lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

23. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "

24. Mme C... n'apporte aucune précision relative à des menaces pour sa vie ou sa liberté et à des risques de torture, de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision de la préfète de l'Ain du 5 octobre 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, que la demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de cette décision doit être rejetée et qu'elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 février 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme C... dirigées contre la décision de la préfète de l'Ain du 5 octobre 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Article 2 : La demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour du 5 octobre 2022 et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 22 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

M. Porée, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2024.

Le rapporteur,

A. Porée

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY01657


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01657
Date de la décision : 21/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Arnaud POREE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-21;23ly01657 ?
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