La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2024 | FRANCE | N°23LY03286

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 27 mars 2024, 23LY03286


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 11 mars 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2100884 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.



Par une ordonnance n° 22LY00268 du 29 mars 2022, le p

résident de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par Mme B... cont...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 11 mars 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2100884 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22LY00268 du 29 mars 2022, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement.

Par une décision n° 464466 du 23 octobre 2023, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance précitée et renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour

L'affaire ainsi renvoyée a été enregistrée le 23 octobre 2023 sous le n° 23LY03286.

Par un mémoire, enregistré le 15 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me N'Diaye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler les décisions du 11 mars 2021 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre à ladite autorité, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " citoyen européen ", sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les articles 3, 8 et 10 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, le préfet de Saône-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante italienne née en 1984, est entrée en France en septembre 2014. Le 4 février 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de ressortissante d'un Etat membre de l'Union européenne, ce qui lui a été refusé par une décision du 21 juillet 2020 qui n'a pas été contestée. Par un arrêté du 11 mars 2021, le préfet de Saône-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Le tribunal administratif de Dijon a rejeté la requête de Mme B... tendant à l'annulation du seul arrêté du 11 mars 2021. Par une ordonnance du 29 mars 2022, le président de la 3ème chambre de la cour a rejeté la requête d'appel de Mme B.... Par une décision du 23 octobre 2023, le Conseil d'Etat a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 233-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ". Aux termes de l'article L. 511-3-1 de ce code, repris à l'article L. 251-1 : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1o Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1 (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un ressortissant de l'Union européenne résidant en France peut bénéficier d'une carte de séjour à condition qu'il exerce une activité professionnelle ou dispose, pour lui et les membres de sa famille, de ressources suffisantes, ces deux conditions relatives à l'activité professionnelle et aux ressources étant alternatives et non cumulatives. Les dispositions du 1° de cet article, qui assurent la transposition en droit interne de la directive 2004/38/CE, doivent être interprétées à la lumière du droit européen et, plus particulièrement, de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne relative à la notion de " travailleur " au sens de l'article 39 CE, devenu article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Au sens de cette jurisprudence doit être considérée comme " travailleur ", toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l'exclusion d'activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires. La relation de travail est caractérisée par la circonstance qu'une personne accomplit pendant un certain temps, en faveur d'une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. Ni la nature juridique particulière de la relation d'emploi au regard du droit national, ni la productivité plus ou moins élevée de l'intéressé, ni l'origine des ressources pour la rémunération, ni encore le niveau limité de cette dernière ne peuvent avoir de conséquences quelconques sur la qualité de travailleur.

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des quatre bulletins de paye pour la période allant de novembre 2020 à février 2021 et du contrat de mission d'intérim de mars 2021 pour une mission de sept jours produits par Mme B..., que celle-ci a exercé une activité professionnelle d'ouvrière de fabrication entre novembre et février 2021, puis en mars 2021 au terme d'un contrat de 35 heures. Par suite, dès lors qu'elle doit être regardée comme justifiant de l'exercice d'une activité professionnelle réelle et effective, le préfet, en obligeant l'intéressée à quitter le territoire français, a méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur citées au point 2.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2021 du préfet de Saône-et-Loire.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

7. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du 11 mars 2021 du préfet de Saône-et-Loire faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français n'implique pas, ainsi que celle-ci le demande, qu'il soit enjoint audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " citoyen européen ". En revanche, il y a lieu d'enjoindre à cette autorité, en application des dispositions précitées, de réexaminer la situation de Mme B... et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait toutefois lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me N'Diaye, avocate de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate d'une somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 28 septembre 2021 du tribunal administratif de Dijon et l'arrêté du 11 mars 2021 du préfet de Saône-et-Loire sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me N'Diaye une somme de 1 500 euros au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me N'Diaye renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Catherine N'Diaye, au préfet de Saône-et-Loire et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Emilie Felmy, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Joël Arnould, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

La présidente rapporteure,

Emilie FelmyL'assesseur le plus ancien,

Joël Arnould

La greffière,

Sandra Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03286
Date de la décision : 27/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : N'DIAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-27;23ly03286 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award