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18/04/2024 | FRANCE | N°23LY03795

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 2ème chambre, 18 avril 2024, 23LY03795


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 13 octobre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2304117 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enre

gistrée le 8 décembre 2023, M. C..., représenté par la SCP Robin Vernet, demande à la cour :



1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 13 octobre 2022 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2304117 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2023, M. C..., représenté par la SCP Robin Vernet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. C... soutient que :

- le refus de délivrance d'un certificat de résidence méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dès lors qu'il ne peut pas bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé dans son pays d'origine ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire et de celle portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été dispensée d'instruction par une décision du 11 mars 2024.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2023.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laval, premier conseiller,

- les observations de Me Lule, représentant M. C...,

- les observations de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Selon ses déclarations, M. A... C..., ressortissant algérien, né le 4 septembre 2002, est entré en France en 2014 avec sa mère et sa sœur. M. D... C..., son père, de même nationalité, les a rejoints en France en 2017. M. C..., devenu majeur, a sollicité le 18 juin 2021 la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par des décisions du 13 octobre 2022, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Il relève appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour rejeter la demande de certificat de résidence algérien présentée par M. C..., le préfet du Rhône s'est approprié l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 18 novembre 2021. Il a considéré que, si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourra, au regard de l'offre de soins et aux caractéristiques du pays dont il est originaire, bénéficier effectivement d'un traitement en Algérie, pays vers lequel l'intéressé pourra voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a subi, en France, plusieurs interventions chirurgicales destinées à lui permettre d'obtenir, notamment, une amélioration de ses capacités de déplacement qui a nécessité une rééducation de plusieurs mois. Il a été pris en charge au centre d'éducation motrice Fondation Richard depuis 2018 et a bénéficié de kinésithérapie et d'ergothérapie, d'un équipement et d'appareillages orthopédiques. Il fait, désormais, l'objet de consultations de transition du secteur adolescent au secteur adulte. Il bénéficie, en outre, d'un traitement à dose filée tous les trois mois de capsaïne pour les douleurs neuropathiques périphériques ainsi que d'injections de toxines botuliques pour les membres inférieurs ainsi que d'un suivi psychologique. Selon une consultation de neuro-orthopédie du 30 juillet 2020, il a gagné sur ses capacités fonctionnelles en particulier ses déambulations, malgré la persistance de son handicap. Si M. C... fait valoir que ses soins ne pourraient se poursuivre dans son pays d'origine, en se prévalant de l'absence de structures étatiques de prise en charge de la rééducation dans son pays d'origine et de traitements commercialisés adaptés, en produisant des certificats médicaux du médecin qui le suivait en Algérie et de spécialistes qui l'ont pris en charge en France, postérieurs à la décision attaquée, il ne ressort pas, cependant, des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, l'hypothèse d'une nouvelle intervention chirurgicale était envisagée, ni qu'il serait exposé à une perte de capacités fonctionnelles ou à un épisode dépressif, compte tenu de ce qu'il est essentiellement suivi pour sa rééducation, ses douleurs neuropathiques et des troubles psychologiques liés à la précarité de sa situation. Dès lors, il n'est pas établi que ces soins ne pourraient pas être réalisés en Algérie, ainsi qu'il ressort de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision, par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 6 7) de l'accord franco-algérien.

5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, si M. C..., âgé de vingt ans, est entré en France plus de neuf ans avant la décision attaquée et y a bénéficié d'un suivi médical adapté à son état de santé, c'est sur le fondement d'autorisations provisoires et de titres de séjour accordés à ses parents. S'il a effectué en France sa scolarité de niveau secondaire, il ne justifie ni de la poursuite de ses études, ni, ainsi qu'il a été mentionné au point précédent, de la nécessité de poursuivre en France sa prise en charge médicale dans le centre qui l'a pris en charge alors qu'il était mineur. Il ressort des pièces du dossier, d'ailleurs, qu'il privilégie désormais une prise en charge au sein du foyer familial. Si sa sœur cadette dispose d'une carte de résident de dix ans, depuis sa majorité, cette circonstance est sans incidence sur sa situation personnelle dès lors que M. C... réside auprès de ses parents, qui lui apportent l'aide quotidienne dont il a besoin, et sont en situation irrégulière sur le territoire national, situation en raison de laquelle ils se sont vu opposer des refus d'admission au séjour dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel du 13 octobre 2022. Ses parents, qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire français, pourront continuer de le prendre en charge, en cas de retour dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le refus de certificat de résidence opposé à M. C..., n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

7. La décision de refus de certificat de résidence algérien n'étant pas illégale, M. C... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, dans un délai de 30 jours.

8. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

9. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt qu'il n'est pas établi que la prise en charge de M. C... ne puisse être poursuivie dans son pays d'origine. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, n'a pas méconnu les dispositions précitées.

10. Si M. C... soutient qu'il n'a plus de liens avec l'Algérie où il ne pourrait trouver une prise en charge adaptée à sa situation pour y envisager son avenir social et professionnel, pour les même motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt et alors que ses parents sont en mesure de poursuivre sa prise en charge en Algérie, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que celui dirigé contre la fixation du délai de départ volontaire, en l'absence d'invocation de circonstance particulière afférente aux conditions de son retour, doivent être écartés.

11. Enfin, si M. C... soutient qu'il sera exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, en cas de retour dans son pays d'origine, en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours qui n'a pas pour effet de fixer le pays à destination duquel l'intéressé pourra être renvoyé.

12. Pour les mêmes raisons qui viennent d'être exposées, la décision portant obligation de quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

13. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. C... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

14. Ainsi qu'il a été exposé au point 6 du présent arrêt, M. C... peut bénéficier d'une prise en charge adaptée dans son pays d'origine, la décision fixant le pays de destinations ne méconnaît, pas, par suite, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

15. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M Porée, premier conseiller,

M. Laval, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2024.

Le rapporteur,

J.-S. Laval

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03795
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: M. Jean-Simon LAVAL
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;23ly03795 ?
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