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25/04/2024 | FRANCE | N°23LY02013

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 25 avril 2024, 23LY02013


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.



Par un jugement n° 2205833 du 9 février 2023, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 13 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Marcel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Par un jugement n° 2205833 du 9 février 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Marcel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté susmentionné ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le médecin rapporteur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devait se prononcer sur la disponibilité des soins dans son pays d'origine ; en l'absence de connaissance des éléments pris en considération par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le juge ne peut pas exercer son contrôle et elle ne peut contester cet avis, en méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées aux articles 2, 3 et 8 de cette même convention ; en ne prévoyant pas de justification de ces éléments, le pouvoir réglementaire a entaché l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle excipe de l'illégalité, et l'arrêté du 27 décembre 2016, d'une erreur de droit, dès lors qu'ils méconnaissent les droits des étrangers sollicitant leur admission au séjour pour soins et méconnaissent ainsi les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 de ce code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée compte tenu de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour et elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée compte tenu de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête Mme B... a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité russe, est entrée en France en 2017, accompagnée de son mari et de son enfant. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 octobre 2018, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 20 juillet 2021. Mme B... a sollicité, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une carte de séjour temporaire, du 23 avril 2020 jusqu'au 21 janvier 2021 lui a été délivrée. Puis le préfet de l'Isère, saisi de demande de renouvellement de ce titre, a, par décision du 23 mai 2022, refusé d'y faire droit, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé. Mme B... relève appel du jugement du 9 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 425-12 du code précité : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, (...) /. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...). /L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté. ".

3. Mme B... soutient, par voie d'exception, que les dispositions de l'article R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 27 décembre 2016, en ce qu'elles ne permettent pas de connaitre les éléments médicaux justifiant le sens de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, méconnaîtraient les stipulations combinées de l'article 13, combinées avec celles de ses articles 2 et 3, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois si, comme le prévoient les dispositions non contestées de l'article 2 de l'arrêté visé plus haut du 5 janvier 2017, auquel renvoie le dernier alinéa de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, repris à l'article R. 425-11 de ce code, les règles déontologiques communes à tout médecin, telles qu'elles résultent notamment des articles R. 4127-1 et suivants du code de la santé publique, et en particulier le respect du secret médical, sont applicables à la procédure de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, un débat médical peut être engagé devant le juge si le requérant décide de lever le secret médical, la possibilité existant alors pour le tribunal, lorsque les circonstances s'y prêtent, d'ordonner une mesure d'instruction auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Il suit de là que l'illégalité invoquée par voie d'exception ne saurait être retenue.

4. Il ressort des pièces du dossier que la décision rejetant la demande de titre de séjour de Mme B... a été prise notamment au vu d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 janvier 2022, selon lequel son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont l'absence peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risques vers ce pays. Mme B... souffre de myasthénie généralisée nécessitant une perfusion itérative de Rituximab. Si elle produit des certificats médicaux de médecins français et russe déclarant que ce traitement à base de Rituximab est indisponible en Russie, ils ne se prononcent pas sur la disponibilité d'un médicament d'efficacité comparable, dont rien ne permet de dire qu'il n'existerait pas. Par suite, et sans qu'il soit ici nécessaire de demander la communication du rapport du médecin instructeur ni d'ordonner une expertise médicale, c'est sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à l'intéressée le titre de séjour demandé.

5. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, elle n'est pas fondée à invoquer l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

7. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

8. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la requérante n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

9. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

La rapporteure,

C. Djebiri

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02013

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02013
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-25;23ly02013 ?
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