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24/06/2003 | FRANCE | N°96MA01411

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 24 juin 2003, 96MA01411


Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille la requête présentée par l'hoirie de M. Mario X ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le

17 juin 1996, présentée pour l'hoirie de M. Mario X, représentée par M. Serge Y, demeurant ..., par Me Claude SERRIES, avocat ;

Classement CNIJ : 19 01 03 01 02 03

C

L'hoirie de M. Mario X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du

7 mars 1996, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la déchar...

Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille la requête présentée par l'hoirie de M. Mario X ;

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le

17 juin 1996, présentée pour l'hoirie de M. Mario X, représentée par M. Serge Y, demeurant ..., par Me Claude SERRIES, avocat ;

Classement CNIJ : 19 01 03 01 02 03

C

L'hoirie de M. Mario X demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 7 mars 1996, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles avait été assujetti M.X, au titre des années 1974 et 1975 ;

2°/ de la décharger des impositions litigieuses ;

Elle soutient :

- que c'est à tort que le tribunal administratif, suivant en cela l'administration fiscale, a considéré que les plus-values réalisées par M. X n'avaient pas eu leur origine dans une opération de placement ;

- qu'en effet, l'administration fiscale se base sur la circonstance que le financement de M. X ne constitue pas un pourcentage suffisant du prix de revient ; que cette interprétation est injustifiée, dès lors qu'elle ne figure pas dans la loi ni dans les décrets, et que même le décret du 9 juillet 1963 prévoit que le financement partiel d'une opération de construction peut, dans certains cas, être assimilé au financement d'immeuble achevé et donner lieu à prélèvement libératoire ;

- que, compte-tenu des modifications induites par la loi du 12 juillet 1965, la notion de placement, qui avait une importance sous le régime du prélèvement de 15 %, perd toute signification sous le régime de prélèvement de 25 % ;

- que le code général des impôts ne prévoit pas expressément que le caractère libératoire est conditionné par la réalité d'un placement ; que si cette condition est effectivement posée par la jurisprudence, elle ne fait pas défaut dans le cas de M. X ; qu'en effet, la S.C.I. NEPTUNIA n'a jamais contracté d'emprunt, et que les seuls fonds dont elle a eu besoin, en dehors des prix de vente, lui ont été fournis par M. Z, beau-frère de M. X ; que l'administration fiscale reconnaît elle-même dans son mémoire qu'elle considère ces fonds comme des prêts familiaux ; qu'un prêt familial a toujours été considéré, même par les organismes de prêts, comme constitutif d'apport personnel ; que par suite l'opération a un caractère de placement pour M.X ;

- que la loi n'exige pas que les revenus normaux du contribuable soient supérieurs aux profits de constructions ; qu'il n'est pas contesté que M. X disposait de revenus suffisants, pour assurer son train de vie, au demeurant fort modeste ; que s'il est certain que les plus-values réalisées dans cette opération de construction étaient très importantes par rapport aux revenus de sources habituelles, ce critère a été écarté par l'administration elle-même et par la jurisprudence ;

- que les profits de constructions réalisés sur les ventes faites en l'état de futur achèvement ont été imposés au titre de l'année 1974, alors que l'achèvement réel date de 1973 ; que l'année d'imposition est donc erronée ; qu'au moment de la notification de redressements, le

14 avril 1978, l'année 1973 et les années antérieures étaient prescrites, et qu'en conséquence aucun redressement au titre de ces années n'était possible ;

- que la circonstance que la société civile immobilière n'ait pas déposé de déclaration de résultats ne permettait pas à l'administration d'ignorer les règles relatives à la réalité des impositions, consacré par l'article 37 du code général des impôts ;

- que le tribunal s'abstient de statuer sur le moyen soulevé par l'hoirie tenant à l'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine ; que l'administration fiscale se fonde sur la circonstance que la S.C.I. n'a déposé qu'une seule déclaration de résultats pour la période de 1971 à 1974, alors que la comptabilisation a été ainsi faite pour respecter les prescriptions de l'article 169 de l'annexe II du code général des impôts, relatives à la vente d'immeuble en l'état de futur achèvement ; que cette comptabilisation est tout à fait correcte ; que l'adage NEMO auditur... interdit à l'administration de se prévaloir de sa propre erreur ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 1998, présenté par le ministre de l'économie des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que c'est à tort que les héritiers de M. X soutiennent que le prélèvement de 25 % aurait été libératoire de l'impôt sur le revenu ;

- que la notion de placement personnel servant à déterminer le caractère libératoire du prélèvement de 25 % n'a pas été supprimée par la loi du 12 juillet 1965 ; que les dispositions de cette loi ont simplement supprimé le caractère relatif à l'activité professionnelle du redevable, mais n'ont pas modifié l'exigence que les investissements de l'intéressé revêtent le caractère de placement pour que celui-ci bénéficie du prélèvement libératoire ; que la jurisprudence constante du Conseil d'Etat écarte du bénéfice de ces dispositions les personnes réalisant des opérations financières sans engager de capitaux personnels ; que le critère de placement conservait donc toute son acuité sous le régime du prélèvement de 25 % prévu par l'ancien article 235 quater I bis du code général des impôts ;

- que contrairement à ce que soutiennent les contribuables, la jurisprudence constante retient comme critère d'appréciation non pas le pourcentage de financement total du contribuable, mais la part résultant de ses propres fonds dans l'opération ; que ne sont pas considérés comme d'origine personnelle les capitaux relevant du patrimoine privé du contribuable ; que ne sont pas admis comme tels les fonds extérieurs même résultant de prêts ou d'avances consentis par des membres de la famille ;

- qu'au cas d'espèce, l'intégralité des fonds apportés par M. X résultait du transfert d'un compte de son beau-frère et constituait donc un prêt familial ; que, par suite, la totalité de l'investissement réalisé par le contribuable ne résultait pas de fonds relevant de son patrimoine privé, et que donc il ne pouvait se prévaloir du caractère libératoire du prélèvement de 25 % ;

- que les dispositions du code général des impôts prévoient que le caractère libératoire du prélèvement de 25 % est subordonné à la condition que les profits soumis à ce prélèvement ne constituent pas la source normale des revenus du contribuable ; que dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la situation familiale de M. X, et de son train de vie, la source normale des revenus a été constituée en fait par les profits de construction ;

- que c'est à tort que les héritiers de M. X soutiennent que les profits de construction auraient dû être imposés au titre des années au cours desquelles sont intervenus les ventes d'appartements, c'est-à-dire 1971,1972, et 1973, et non pas 1974 ; qu'en effet, les profits de construction lorsqu'ils sont imposés comme en matière de bénéfice industriel et commercial doivent être soumis à l'impôt suivant les modalités propres à cette catégorie de revenus ; qu'en principe, et en application de l'annualité de l'impôt, le profit aurait dû être imposé chaque année en fonction des résultats constatés au titre de l'année précédente ; qu'en application de l'article 37 du code général des impôts et lorsque l'exercice arrêté au titre de l'année d'imposition est d'une durée supérieure à douze mois, le bénéfice imposable est établi en fonction des créances acquises pour la totalité de la période concernée, alors que sont imputables sur ce résultat les résultats partiels au 31 décembre de chacune des années antérieures, si toutefois les déclarations provisoires ont été souscrites ; qu'au cas d'espèce, la société civile immobilière NEPTUNIA a souscrit le 6 février 1978 une déclaration globale de résultats pour la période du 8 janvier 1971 au 31 décembre 1974 ; qu'elle a donc été imposée pour la totalité de son bénéfice imposable, sans qu'aucun droit à imputation n'ait pu intervenir, dès lors qu'aucune déclaration provisoire de résultat n'avait été souscrite par la société ; que M. X a justement été imposé sur sa quote-part de profits de construction suivant le résultat de l'exercice pour le 31 décembre 1974 ; que cette attitude résulte de la négligence de la société civile immobilière ;

- que l'absence de mise en demeure relative aux déclarations provisoires de résultats ne saurait être considérée comme une prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L.80 livres du livre des procédures fiscales ; que cet argument apparaît purement dilatoire, de même que celui suivant lequel la société aurait souscrit une déclaration unique et globale de résultats pour se conformer aux dispositions prévues par l'article 169 de l'annexe II du code général des impôts ; que cet article ne contient pas une telle prescription, et que l'absence de déclaration provisoire résulte à l'évidence de la négligence des dirigeants de la société ; que d'ailleurs la souscription de la déclaration globale de résultats a été faite quatre ans après la clôture du bilan ;

Vu, enregistré le 10 mars 2003, le nouveau mémoire présenté pour l'hoirie de M. X ;

Les contribuables concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures, et demandent la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 3.000 euros, par les mêmes moyens, et par le moyen que la procédure suivie est irrégulière, la notification de redressement en date du 14 avril 1978 ayant été signée par un vérificateur dont le nom n'est pas mentionné ; que cette situation avait d'ailleurs conduit M. X à répondre de manière impersonnelle à la notification de redressement ; que la confirmation du redressement ne mentionnait pas davantage l'identité du vérificateur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2003 :

- le rapport de Mme PAIX, premier conseiller ;

- les observations de Me RAMPONNEAU de la S.C.P. SEERIES-RAMPONNEAU pour l'hoirie de M. X ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Considérant que l'hoirie de M. X relève régulièrement appel du jugement en date du 7 mars 1996, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, auxquelles avait été assujetti M. X, au titre des années 1974 et 1975 ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le Tribunal administratif de Nice a répondu au moyen invoqué par les requérants de la violation des dispositions de l'article 169 de l'annexe II du code général des impôts ; que si les requérants soutiennent que le tribunal aurait omis de statuer sur un moyen tenant à l'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine, ils ne précisent pas davantage en appel qu'en première instance quelle est la doctrine qu'ils invoquent ; qu'à cet égard l'absence de mise en demeure adressée à la société civile immobilière Neptunia ne saurait constituer une prise de position au sens des dispositions de l'article L.80 A ; que dans ces conditions le jugement attaqué a répondu de manière suffisante au moyen qui lui était soumis ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que dans un mémoire, enregistré le 13 mai 2003, l'hoirie de M. X soutient que la procédure engagée avec le contribuable aurait été irrégulière, la notification de redressement adressée au contribuable, en date du 23 mai 1978 ne mentionnant pas l'identité du fonctionnaire ayant procédé à la notification ; qu'il résulte effectivement de l'instruction que cette notification, revêtue d'une signature illisible, ne mentionnait pas le nom de l'inspecteur l'ayant adressée ; que, par suite, ce document ne permettait pas à M. X d'identifier la personne ayant procédé aux redressements ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le service aurait par ailleurs transmis à l'intéressé au cours de la procédure de redressement un autre document contenant la mention du fonctionnaire dont il s'agit ; que dans ces conditions, l'hoirie de M. X est fondée à soutenir que cette notification est irrégulière, et entache d'irrégularité l'ensemble de la procédure de redressement engagée à l'encontre de M. X ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'hoirie de M. X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le ministre de l'économie des finances et de l'industrie à payer à l'hoirie de M. X la somme de 1.000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Nice en date du

7 mars 1996 est annulé.

Article 2 : M. X est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1974 et 1975.

Article 3 : Le ministre de l'économie des finances et de l'industrie est condamné à payer à l'hoirie de M. X la somme de 1.000 euros (mille euros).

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'hoirie de M. X et au ministre de l'économie des finances et de l'industrie.

Délibéré à l'issue de l'audience du 17 juin 2003, où siégeaient :

M. BERNAULT, président de chambre,

M. DUCHON-DORIS, président assesseur,

Mme PAIX, premier conseiller,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 24 juin 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé signé

François BERNAULT Evelyne PAIX

Le greffier,

signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 96MA01411


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 96MA01411
Date de la décision : 24/06/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: Mme PAIX
Rapporteur public ?: M. BEDIER
Avocat(s) : SERRIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-06-24;96ma01411 ?
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