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07/10/2004 | FRANCE | N°01MA02617

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 07 octobre 2004, 01MA02617


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 14 décembre 2001, sous le n° 01MA02617, présentée par le DEPARTEMENT DU GARD, dont le siège est Hôtel du département rue Guillemette à Nîmes (30044) représenté par le président du conseil général dûment habilité par une délibération de la commission permanente en date du 7 février 2002 ;

Le DEPARTEMENT DU GARD demande à la Cour :

- à titre principal, d'annuler le jugement n° 96-1603 en date du 4 octobre 2001, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a conda

mné à verser à M. X la somme de 504.526, 29 francs en réparation des conséquences d...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 14 décembre 2001, sous le n° 01MA02617, présentée par le DEPARTEMENT DU GARD, dont le siège est Hôtel du département rue Guillemette à Nîmes (30044) représenté par le président du conseil général dûment habilité par une délibération de la commission permanente en date du 7 février 2002 ;

Le DEPARTEMENT DU GARD demande à la Cour :

- à titre principal, d'annuler le jugement n° 96-1603 en date du 4 octobre 2001, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à M. X la somme de 504.526, 29 francs en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime le 17 septembre 1995 sur la route départementale n°123, et, à titre subsidiaire, si sa responsabilité devait être confirmée, d'accueillir ses conclusions tendant à être garanti par la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilham ;

- de rejeter la demande présentée par M. Aimé X ;

Il soutient que la présence de gravillons sur la voie où s'est produit l'accident dont a été victime M. X ne suffit pas à caractériser le défaut d'entretien normal de la voie publique ; que l'usager qui circulait à bicyclette n'a pas fait preuve de vigilance lui permettant d'éviter l'obstacle ; qu'il circulait à une vitesse excessive compte tenu de la topographie des lieux et notamment de la présence du panneau passage piétons ; que les jours qui ont précédé l'accident, des orages ayant éclatés, il appartenait au cycliste d'être prudent car le risque de rencontrer des dépôts de matériaux était accru ; qu'enfin, en application de l'article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales, il appartenait à la commune de procéder à l'enlèvement des objets encombrants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 février 2002, présenté pour M. Aimé X élisant domicile ... par la SCP Derlan, Brun, Marin, Derlan, avocat ;

M. X demande à la Cour de rejeter la requête du DEPARTEMENT DU GARD, de condamner le département à lui verser la somme de 106.714 euros en réparation de son préjudice, outre une somme de 690,03 euros au titre des frais médicaux restés à sa charge, de mettre à sa charge les frais d'expertise et de le condamner à lui payer une somme de 2.286 euros au titre des frais d'instance ;

Il soutient que le défaut d'entretien normal est caractérisé du fait de la seule présence non signalée des gravillons sur la chaussée alors que le département disposait du temps nécessaire pour procéder à la signalisation du danger ou faire disparaître l'obstacle ; qu'il n'est pas démontré que son comportement soit à l'origine de l'accident dont il a été victime ; que le tribunal a insuffisamment indemnisé son préjudice et qu'une somme de 106.714 euros (700.000 francs) doit lui être allouée en réparation de l'intégralité de ses préjudices qui tiennent compte d'une IPP de 50%, d'une ITT de 14 jours, des souffrances endurées et du préjudice d'agrément ; qu'une somme de 690,03 euros doit également lui être allouée au titre des frais médicaux restés à sa charge ;

Vu le mémoire présenté le 3 avril 2002 pour la commune d'Orthoux-Serignac-Quilhan représenté par son maire en exercice, par Maître Margall, avocat ;

La commune demande à la Cour, à titre principal, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté l'appel en garantie formé par le DEPARTEMENT DU GARD, à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement en tant qu'il a déclaré le département responsable de l'accident dont M. X a été victime et n'a retenu aucune faute dans le comportement de la victime ; à titre infiniment subsidiaire, si l'appel en garantie était accueilli, réduire les prétentions de M. X ; elle demande, en outre, la condamnation du département à lui verser la somme de 914,69 euros au titre des frais d'instance ;

Elle soutient, à titre principal, que rien ne laissait présager la présence des gravillons sur la voie et qu'elle n'a commis aucune faute et, qu'ainsi, les conclusions du département tendant à mettre en cause sa responsabilité ne sont pas fondées ; à titre subsidiaire, que l'administration ne pouvait prévoir un danger à l'endroit où s'est produit l'accident et que le 12 septembre, les services départementaux s'étaient rendus sur place pour vérifier l'état de la chaussée ; que la victime a commis une imprudence en circulant à une vitesse de 50 km à l'heure sans casque de protection ; qu'enfin, que la réactualisation de son préjudice à la somme de 106.714,31 euros n'est pas justifiée ;

Vu le mémoire présenté le 16 septembre 2002 par lequel la caisse nationale militaire de sécurité sociale dont le siège est à Toulon (83090) demande à la Cour, pour le cas où la responsabilité du DEPARTEMENT DU GARD serait retenue, sa condamnation à lui verser la somme de 13.177,19 euros avec intérêts de droit à compter de la date du présent mémoire ;

Vu les mémoires enregistrés les 19 juillet et 31 août 2004, présentés pour le DEPARTEMENT DU GARD par Maître Goutal ;

Le requérant persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens en faisant valoir que M. X a commis une imprudence en circulant à bicyclette dépourvu de casque protecteur à une vitesse de 50 km à l'heure et, qu'en conséquence, un partage de responsabilité pour moitié doit être retenu ; que la commune a commis un manquement caractérisé à son obligation de police en s'abstenant d'informer les services du département de la présence d'un obstacle sur la voie départementale et d'apposer un panneau signalant le danger ; que cette faute lourde est de nature à entraîner sa responsabilité ; que les gravillons présents sur la voie départementale provenaient des travaux municipaux réalisés sur un chemin communal en forte pente ; que l'état de santé de la victime s'étant nettement amélioré, la demande d'indemnisation à hauteur de 107.404 euros qui, par ailleurs, est nouvelle, n'est pas fondée ;

Vu le mémoire enregistré le 6 septembre 2004, par lequel M. X persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens en faisant valoir qu'aucune faute ne peut lui être reprochée et que la seule présence de gravillons est à l'origine de sa chute ; que, d'autre part, il est constant que les agents de la direction départementale de l'équipement, malgré l'orage survenu le 15 septembre 1995 au soir, n'avaient pas effectué de contrôle le matin du 17 septembre ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la lettre en date du 30 juin 2004, informant les parties, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2004,

- le rapport de Mme Massé-Degois, conseiller ;

- les observations de Me Renaud, de la SCP Derlan, Brun, Marin, Derlan, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que si la caisse nationale de la sécurité sociale des militaires sollicite le remboursement des prestations sociales versées à son assuré M. Aimé X, d'un montant égal à 13.177,19 euros, ces conclusions qui ont été chiffrées pour la première fois en appel ont le caractère de conclusions nouvelles et sont, par suite, irrecevables ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident dont M. X a été victime le 17 septembre 1995 alors qu'il circulait à bicyclette sur la route départementale 123 sur le territoire de la commune d'Orthoux-Serignac-Quilhan est imputable à la présence sur la chaussée de gravillons en couche plus ou moins épaisse ; qu'en admettant même que la présence de ces gravillons soit due à des orages qui se seraient abattus sur la région l'avant veille de l'accident, le DEPARTEMENT DU GARD, n'établit pas qu'il disposait d'un temps trop bref pour que ses services aient eu le temps de prendre les mesures de nettoiement ou de signalisation nécessaires ; que, par suite, le requérant ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'entretien normal de la voie dont il admet la fréquentation habituelle par les cyclistes les fins de semaines ;

Considérant toutefois, qu'il résulte de l'instruction que l'accident dont M. X a été victime s'est produit à la sortie d'une courbe, au sein même de l'agglomération et à proximité d'un panneau signalant un passage à piétons et qu'il circulait dépourvu de casque de protection ; qu'il résulte également de l'instruction et notamment du procès-verbal de gendarmerie d'audition établi le lendemain de l'accident que la chute s'est produite alors que M. X circulait à la vitesse de l'ordre de 50 km à l'heure ; que si la victime soutient dans ses dernières écritures qu'il ne roulait pas à plus de 30 ou de 35 km à l'heure, il n'apporte cependant pas à l'appui de cette allégation le moindre début de justification ; qu'ainsi, M. X, qui pratiquait le cyclisme d'une manière habituelle depuis de longues années dans la région, a commis une imprudence en traversant l'agglomération sans adapter sa vitesse à la configuration des lieux ;

Considérant qu'il sera fait une exacte appréciation de l'ensemble des circonstances de l'affaire en mettant à la charge du DEPARTEMENT DU GARD les deux tiers des conséquences dommageables de l'accident dont il s'agit ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant que M. X, depuis son accident, est atteint de troubles neurologiques importants qui ne lui permettent plus d'exercer comme auparavant des activités intellectuelles, sportives ou d'agrément ; qu'il a enduré des souffrances évaluées à 3,5/4 sur une échelle de 7 et subi un préjudice d'agrément ; que les premiers juges ont fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de l'ensemble des préjudices de M. X en lui allouant une somme de 76.224,51 euros (500.000F) outre une somme de 690,03 euros (4.526,29 francs) au titre des frais médicaux restés à sa charge ;

Considérant qu'il y a lieu de ramener le préjudice indemnisable de M. X, compte tenu du partage de responsabilité opéré ci-dessus, à la somme globale de 51.276,36 euros (cinquante et un mille deux cent soixante-seize euros et trente-six centimes) ;

Sur l'appel en garantie :

Considérant que le DEPARTEMENT DU GARD n'apporte, à l'appui de sa demande tendant à être garanti par la commune d'Orthoux-Serignac-Quilhan des condamnations mises à sa charge par le présent arrêt, aucun élément de nature à permettre de considérer que la commune aurait commis une faute ayant concouru à la réalisation des préjudices dont M. X demande réparation ; que par suite, sa demande doit être rejetée ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge définitive du DEPARTEMENT DU GARD les frais d'expertise ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le DEPARTEMENT DU GARD, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X et à la commune d'Orthoux-Sérignac-Quilhan les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale sont rejetées.

Article 2 : La somme à laquelle le DEPARTEMENT DU GARD est condamné à payer à M. X est ramenée à 51.276,36 euros (cinquante et un mille deux cent soixante-seize euros et trente-six centimes).

Article 3 : Le jugement n°96-1603 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du DEPARTEMENT DU GARD est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune d'Orthoux-Serignac-Quilhan sont rejetées.

Article 6 : Les conclusions de M. X sont rejetées.

Article 7 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive du DEPARTEMENT DU GARD.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DU GARD, à M. Aimé X, à la commune d'Orthoux-Serignac-Quilhan et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

Copie sera adressée à Me Goutal, Me Margall, à la SCP Derlan, Brun, Marin, Derlan ,au préfet du Gard, et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

N° 01MA02617 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA02617
Date de la décision : 07/10/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : SCP DERLAN-BRUN.MARIN-DERLAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-10-07;01ma02617 ?
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