La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2005 | FRANCE | N°02MA01706

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3eme chambre - formation a 3, 03 février 2005, 02MA01706


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2002, présentée pour M. X, élisant domicile ..., par Me Malabre ; M. X demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0002298-0002300 du 3 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du 1er février 2000 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé le renouvellement de son titre de séjour en qualité de salarié, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des conséquences dommageables de cette décision ;

- d'ann

uler la décision attaquée et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 27.000 e...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2002, présentée pour M. X, élisant domicile ..., par Me Malabre ; M. X demande à la Cour :

- d'annuler le jugement n° 0002298-0002300 du 3 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du 1er février 2000 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé le renouvellement de son titre de séjour en qualité de salarié, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des conséquences dommageables de cette décision ;

- d'annuler la décision attaquée et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 27.000 euros et les intérêts de cette somme ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6.000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'accord signé le 17 mars 1988 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, modifié par l'avenant du 19 décembre 1991 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1226 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2005,

- le rapport de M. Bourrachot, président assesseur,

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 1er février 2000 par laquelle le directeur de la réglementation de la préfecture des Pyrénées-Orientales a refusé le renouvellement d'un titre de séjour de M. X en qualité de salarié :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, reprises à l'article R.421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ; qu'il résulte des dispositions de l'article 38 du décret susvisé du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1991, dans sa rédaction alors en vigueur, que lorsque l'aide juridictionnelle a été sollicitée par le requérant, l'action en justice est réputée avoir été intentée dans le délai de deux mois précité si la demande d'aide juridictionnelle a été adressée avant son expiration et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de deux mois à compter de la date de la désignation d'un auxiliaire de justice ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier d'appel, notamment des pièces transmises par le bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Montpellier le 12 novembre 2002 et de la décision du 4 octobre 2000 accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, que la demande d'aide juridictionnelle du requérant a été déposée le 28 mars 2000 au bureau d'aide juridictionnelle de Perpignan ; que, dès lors, le délai de recours, qui avait commencé à courir le 10 février 2000, date de la notification de la décision attaquée, a été interrompu jusqu'à la date de désignation de l'avocat du requérant le 4 octobre 2000, date à laquelle la demande de première instance enregistrée le 30 mai 2000 avait déjà été déposée ; qu'il suit de là que M. X est fondé à soutenir que sa demande d'annulation n'était pas tardive et à demander l'annulation du jugement du 3 juillet 2002 ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande d'annulation présentée par M. X ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord signé le 17 mars 1988 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, modifié par l'avenant du 19 décembre 1991 : Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié ; qu'aux termes de l'article 11 de même accord : Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.341-1 du code du travail : Un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation mentionnée à l'article L.341-2. Cette autorisation est délivrée dans des conditions qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat, sous réserve des dispositions applicables en vertu des troisième et quatrième alinéas du présent article. L'autorisation de travail peut être délivrée à un étranger qui demande l'attribution de la carte de séjour temporaire sous la forme de la mention salarié apposée sur cette carte. Elle habilite cet étranger à exercer les activités professionnelles indiquées sur cette carte dans les zones qui y sont mentionnées... ; qu'aux termes des dispositions de l'article R.341-1 du même code : Tout étranger, pour exercer à temps plein ou à temps partiel une activité professionnelle salariée, doit être titulaire d'une autorisation de travail en cours de validité. Cette autorisation est délivrée par le commissaire de la République du département où réside l'étranger. Elle doit être présentée à toute réquisition des autorités chargées du contrôle des conditions de travail ... ; qu'aux termes de l'article R.341-2 du même code : Sous réserve des dispositions des articles R.341-7 et R.341-7-2, l'autorisation de travail est constituée par la mention salarié apposée sur la carte de séjour temporaire ou par la carte de résident en cours de validité ; que si l'autorisation de travail peut être délivrée à un étranger qui demande l'attribution de la carte de séjour temporaire sous la forme de la mention salarié apposée sur cette carte, le préfet, lorsqu'il délivre ou refuse cette autorisation, exerce un pouvoir relevant non pas des attributions du ministre chargé de l'intérieur en matière de police des étrangers, mais du ministre chargé du travail et sous son contrôle hiérarchique ; qu'en vertu de l'article 17 du décret susvisé du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs du préfet et à l'action des services de l'Etat, le préfet ne peut donner délégation de signature aux agents en fonction dans les préfectures que pour les matières relevant des attributions du ministre chargé de l 'intérieur et des matières relevant des départements ministériels qui ne disposent pas de services dans le département ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, entré en France en 1993, était depuis le 26 janvier 1999 titulaire d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention salarié : attaché temporaire d'enseignement ; qu'après l'expiration de son contrat de travail le 31 août 1999, M. EL MARMOUZI a été admis par l'Université de Perpignan au régime de l'allocation pour perte d'emploi à compter du 10 septembre 1999 ; que la validité du titre de séjour de M. EL MARMOUZI expirant le 13 décembre 1999, il en a demandé le renouvellement le 20 décembre 1999 ; que par la décision attaquée du 1er février 2000 le directeur de la réglementation de la préfecture des Pyrénées-Orientales a rejeté cette demande aux deux motifs que M. EL MARMOUZI n'était plus étudiant et était inscrit à l'ANPE ;

Considérant que le premier de ces deux motifs tiré de la perte de la qualité d'étudiant est étranger au fondement de la demande de renouvellement dont était saisi le préfet ; que le second motif tiré de l'inscription à l'agence nationale pour l'emploi constituait au contraire une des conditions requises par l'article R. 341-3-1 du code du travail pour le renouvellement d'une carte de séjour temporaire mention salarié ; que si le ministre fait valoir que le préfet était tenu de refuser le renouvellement du titre de séjour en conséquence du refus d'autorisation de travail, il ne fait état d'aucune décision de refus d'autorisation de travail qui aurait été opposée à M. EL MARMOUZI antérieurement au refus de renouvellement en litige ; que la consultation du directeur départemental du travail et de l'emploi en cours d'instance et la lettre de ce dernier en date du 28 novembre 2000 ne sauraient tenir lieu de ce refus ; que ce refus ne saurait davantage émaner du directeur de la réglementation de la préfecture des Pyrénées-Orientales qui n'avait pas compétence pour signer une telle décision ; que, dès lors, M. EL MARMOUZI est fondé à soutenir que le signataire de la décision attaquée a entaché sa décision d'erreur de droit et à demander l'annulation de la décision du 1er février 2000 par laquelle le directeur de la réglementation de la préfecture des Pyrénées-Orientales lui a refusé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire mention salarié ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnité :

Considérant qu'aux termes de R.341-3-1 du code du travail : Le travailleur titulaire d'une autorisation venant à expiration peut en demander le renouvellement ... Si l'étranger est involontairement privé d'emploi à la date de la demande de renouvellement de l'autorisation de travail constituée par la mention salarié apposée sur la carte de séjour temporaire, la validité de celle-ci est prolongée d'un an. Si, à l'issue de cette prolongation, l'étranger est toujours privé d'emploi, il est statué sur sa demande de renouvellement compte tenu de ses droits au regard du régime d'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi. Les demandes de renouvellement doivent être présentées au service compétent au cours du troisième et au plus tard du deuxième mois précédant la date d'expiration du titre de travail ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment d'une lettre de l'Université de Perpignan du 13 septembre 1999, que, du fait de la fin de son contrat de travail le 31 août 1999, M. X a été admis au régime de l'allocation pour perte d'emploi à compter du 10 septembre 1999 pour une durée de quinze mois ; qu'ainsi, à la date de sa demande de renouvellement du 20 décembre 1999 il était involontairement privé d'emploi pour l'application de R.341-3-1 du code du travail qui prévoit la prolongation de la carte de séjour temporaire pour une durée d'un an dans ce cas ; que, dès lors, outre l'erreur de droit ci-dessus relevée, la décision de refus en litige méconnaissait également les dispositions précitées de l'article R.341-3-1 du code du travail ; que cette décision était ainsi entachée d'une illégalité constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers M. EL MARMOUZI ;

Considérant qu'en refusant illégalement à M. EL MARMOUZI le renouvellement de sa carte de séjour temporaire mention salarié , le délégué du préfet des Pyrénées-Orientales l'a privé de la possibilité de percevoir les allocations du régime d'assurance auquel il avait été admis mais dont le bénéfice est subordonné à la régularité du séjour ; que, toutefois, la responsabilité de l'Etat n'est engagée qu'à compter de la date de la décision illégale de refus, le 1er février 2000 ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel et moral qu'il a subi en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 5.000 euros ;

Considérant, en revanche, que le requérant, qui ne produit aucune offre d'embauche antérieure à la décision illégale mais seulement un contrat de travail à compter du 25 septembre 2000 n'établit pas que cette décision serait directement la cause d'une perte de chances de retrouver un emploi ;

Considérant que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; que, toutefois, M. X, dont la réclamation préalable est parvenue à la préfecture des Pyrénées-Orientales le 26 mai 2000, demande seulement les intérêts au taux légal afférents à la somme de 5 000 euros à compter du 30 mai 2000, date d'enregistrement de sa demande d'indemnité au tribunal ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'indemnité ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 :

En ce qui concerne les frais de première instance :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. X en remboursement des frais d'instance non compris dans les dépens, une somme qui s'élèvera à 1.500 euros, diminuée en application de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, de la somme exposée par l'Etat à raison de sa part contributive fixée à 85 % par le bureau d'aide juridictionnelle dans sa décision du 4 octobre 2000 ; que si l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il pourra, en application de l'article 37 de la même loi, poursuivre le recouvrement à son profit de la somme ainsi allouée de 1.500 euros ;

En ce qui concerne les frais d'appel :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par celui-ci en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 juillet 2002 et la décision du préfet des Pyrénées-Orientales du 1er février 2000 sont annulés.

Article 2 : L'Etat (ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) est condamné à verser à M. X la somme de 5.000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2000.

Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1.500 euros francs à Me Malabre au titre des frais non compris dans les dépens de première instance, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : L'Etat versera, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative une somme de 1.500 euros à M. X au titre des frais non compris dans les dépens en appel.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

N° 02MA001706 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02MA01706
Date de la décision : 03/02/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis GUERRIVE
Rapporteur public ?: M. TROTTIER
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2005-02-03;02ma01706 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award